Vers une mondialisation des marchés des métaux et... une relocalisation des mines

DOSSIER MONDIALISATION. La pandémie et la guerre en Ukraine ont fait apparaître la trop grande dépendance des économies développées à quelques pays dont la Chine et la Russie pour leurs besoins en  métaux. Avec la transition énergétique qui va substituer les métaux aux hydrocarbures, les économies développées notamment l'Europe vont devoir accélérer sur le recyclage et accepter une exploitation minière pour consolider toute une nouvelle industrie qui va des batteries pour véhicules électriques aux éoliennes et panneaux solaires en passant par l'extension du réseau électrique.
Robert Jules
Bobines d'aluminium.
Bobines d'aluminium. (Crédits : Reuters)

Comme d'autres marchés, celui des métaux non-ferreux (aluminium, cuivre, zinc, plomb, nickel et étain) a subi les soubresauts des chaînes d'approvisionnements en cessant l'exploitation durant les confinements et lors de la reprise économique à la sortie de la pandémie. Selon l'indice du London Metal Exchange, le plus important marché mondial des métaux non ferreux, les restrictions sanitaires l'on fait grimper de 139% entre mars 2020 et février 2022 (voir graphique). En revanche, l'invasion par la Russie de l'Ukraine (les deux pays sont des producteurs majeurs de métaux), les perspectives de récession de l'économie mondiale et les stricts confinements dans la région de Shangaï l'ont depuis fait chuter de 29%.

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LME Index

L'avance de la Chine

Durant des décennies, le marché des métaux n'a pas fait l'objet d'un grand intérêt sinon des spécialistes. Certes, en Chine, le boom urbain et le besoin d'infrastructures, qui s'est accéléré au début des années 2000, avaient fait monter les prix de l'acier et des non ferreux, relançant les projets miniers à travers le monde et suscitant de nouvelles capacités de raffinage. La Chine en particulier, obsédée par la sécurisation de son approvisionnement, n'a pas seulement investi durant ces 20 dernières années dans des sites miniers en Asie, mais aussi en Afrique et en Amérique latine, et également dans le raffinage qui lui confère aujourd'hui une domination mondiale sur ce segment avec 50% du marché. Ainsi, les Etats-Unis font traiter leurs terres rares en Chine!

A contrario, l'Occident  - même si l'Australie, le Canada et les Etats-Unis sont des producteurs majeurs - a négligé cette perspective stratégique comptant sur les pays producteurs pour assurer les livraisons. D'autant que l'industrie extractive est jugée par nombre d'ONG comme une activité dommageable pour l'environnement. L'écologie étant un sujet prioritaire sur les agendas des gouvernements occidentaux, les exigences des normes en matière environnementale rendent tout investissement non compétitif par rapport à des pays comme la Chine.

Le poids de la Russie

Mais la pandémie a changé la donne. Elle a montré la dangereuse dépendance à la fourniture de matières de base, ou de produits semi-finis, comme les semi-conducteurs qui ont obligé, par exemple, nombre de constructeurs automobiles à réduire considérablement leurs activités. Et la guerre en Ukraine ajoute une pression supplémentaire, ces deux pays étant des fournisseurs importants de métaux (voir graphique).

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Russie Métaux

Car la propagation du Covid-19 a coïncidé avec un autre défi majeur, l'accélération de la lutte contre le réchauffement climatique et la nécessité de changer notre appareil productif. Ainsi, les métaux ont pris une importance stratégique avec la nécessité d'opérer une transition énergétique qui va donner la priorité aux véhicules électriques, dont les batteries (cuivre, lithium, cobalt, manganèse) sont constituées de métaux, et d'une manière générale, le développement de réseaux électriques gourmands en cuivre et aluminium pour en étendre l'usage. Les métaux vont en effet se substituer aux hydrocarbures, responsables en large part de l'émission des gaz à effet de serre (GES) qui contribuent au réchauffement climatique. Les métaux sont aussi présents dans les éoliennes et les panneaux solaires. Outre les non ferreux, le lithium, le cobalt, le manganèse, les terres rares vont voir leur demande exploser dans les prochaines années. En outre, même si elle fait l'objet d'un débat dans la société, l'énergie nucléaire, faiblement émettrice de GES, est également dépendante du minerai étranger. Ainsi, la Russie est un acteur majeur. ​​« Elle compte pour seulement 6% de la production mondiale de minerai d'uranium, mais pour plus de 40% d'uranium enrichi », rappelle la Banque mondiale dans son rapport annuel sur les investissements dans le secteur de l'énergie.

La baisse de l'intensité matérielle

Dans une étude récente, l'OCDE estimait que le besoin de l'ensemble des métaux passerait de 7 milliards de tonnes en 2011 à 19 milliards de tonnes en 2060. Mais l'institution tempère les craintes par rapport à cette envolée des besoins. Elle projette que la croissance économique mondiale, en s'affichant à 2,8% par an en moyenne durant cette période, sera supérieure au rythme de la demande de produits de base qui sera de 1,5% par an. Elle est, en effet freinée, par l'intensité matérielle, autrement dit le volume de métal nécessaire par unité de PIB, qui devrait baisser de 1,3% en moyenne par an, « avec une amélioration à partir de 2025 en raison d'une économie mondiale qui va s'orienter davantage vers une activité de services et un boom de la construction dans les économies émergentes, en particulier la Chine, qui va ralentir », indique l'OCDE.

Pour autant, la production de métaux est loin d'être neutre. « Malgré l'amélioration de l'efficience en cours qui permet de réduire les impacts sur l'environnement par unité de production, les conséquences à l'échelle mondiale de l'utilisation de ces métaux devraient plus que doubler et même dans certains cas quadrupler d'ici à 2060" », met en garde l'OCDE. Si le cuivre et le nickel ont un plus grand impact environnemental par kilo, en revanche, le fer et l'acier ont les impacts les plus élevés en raison de plus importants volumes utilisés (l'acier représente quelques 90% des métaux utilisés dans le monde), inférieurs d'un ordre de grandeur par rapport à la production primaire. Aujourd'hui, la production de fer, d'aluminium, de cuivre, de zinc, de plomb, de nickel et de manganèse représente 7% des émissions de gaz à effet de serre.

Le moindre impact environnemental du recyclage

En revanche, les métaux recyclés ont des impacts environnementaux généralement plus faibles. Or, dans les prochaines années, cette production secondaire va se développer plus rapidement que la production primaire (venant des mines). « Le recyclage va devenir progressivement de plus en plus compétitif comparé à la production minière grâce aux développements technologiques prévus et du changement des prix relatifs des facteurs de production », assure l'OCDE (voire graphique).

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recyclage

C'est d'ailleurs sur cette activité que les pays occidentaux comptent pour réduire leur dépendance. Il y a, en effet, une accumulation de métaux en Europe qui vont pouvoir être récupérés, à l'exemple, en France, de l'ancien réseau de cuivre des téléphones fixes, qui représente 985.600 tonnes de cuivre (soit l'équivalent de quelque 5% de la production mondiale annuelle de métal rouge) .

Mais cette production secondaire a aussi ses limites. « Le recyclage, même fortement développé, ne couvrira qu'une partie des besoins et, même si des innovations technologiques permettent de remplacer certains matériaux par d'autres plus répandus, il faudra inévitablement ouvrir de nouvelles mines, y compris en Europe et en France. Compte tenu de la mauvaise image de l'activité minière héritée du passé, mais également liée aux dommages environnementaux et sociaux provoqués par de nombreuses mines à travers le monde, un préalable indispensable consistera à élaborer un modèle de mine responsable, équitable et participative, se traduisant par une norme certifiable par des tiers, qui constituera aussi un élément de différenciation majeur à l'international », avertissait l'Académie des technologies dans une de ses séances le mois dernier. Le retour de la mine en France, c'est aussi cela la démondialisation.

Robert Jules
Commentaires 6
à écrit le 04/08/2022 à 11:36
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Comment faire confiance aux politiciens et aux lobbyistes-experts qui pendant 40 ans nous ont menti ."le covid ,l'ukraine ont fait apparaître la trop grande dépendance" ! De qui se moque t'on ? Le jour même ou ils ont pris la décision de faire fabri...

le 04/08/2022 à 17:09
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Faire faire ailleurs dans les pays à bas coût, ça a rendu service (pour déjà avoir l'impression d'être riches, tellement on pouvait acheter de tout, voire jeter, si peu cher, et pas cher = pas réparable). J'ai un manomètre pour pneus (qui va sur comp...

à écrit le 04/08/2022 à 9:25
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Le problème de l Occident et de sa population c est qui voient à court terme - 2-5 ans - et sont plus addict leur consommation qu’ au sort des autres populations …. La Russie et la Chine calculent à 20-50 ans et se fichent éperdument de leur populat...

le 04/08/2022 à 11:24
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@ Brehat Plus d'Europe c'est évident ! Il n'y a vraiment que les benêt qui cèdent aux sirènes nationalistes pour ne pas comprendre. On voit d'ailleurs où conduisent les régimes nationalistes antidémocratiques comme la Chine et la Russie...à la Gue...

le 04/08/2022 à 17:18
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"le maillon faible étant l Europe car trop divisée" la Russie s'emploie à la maintenir divisée, 27 pays ça donne une gamme d'actions, de toute sortes, discrètes mais efficaces, insidieuses souvent (guerre hybride, un peu de cyber, un peu de cinéma au...

à écrit le 04/08/2022 à 7:51
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La prévoyance n'est plus le fort des pays occidentaux, qui ne regarde que leur compte en banque! Et là ils vont encore se "planter" car la sobriété et la résilience ne seront pas de mise!

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