Midterms américaines : les quatre Etats où tout va se jouer pour Joe Biden et les démocrates

Les élections de mi-mandat américaines approchent. Les républicains sont bien partis pour reprendre aux démocrates la Chambre des Représentants (chambre basse du Congrès), mais aussi peut-être le Sénat (chambre haute). En s’emparant du pouvoir législatif, les républicains pourraient paralyser la présidence Biden pour les deux prochaines années. Mais le scrutin constitue aussi un baromètre sondant les tendances de fond à l’œuvre dans le pays.
Mitch McConnell, sénateur du Kentucky et leader du parti républicain au Sénat.
Mitch McConnell, sénateur du Kentucky et leader du parti républicain au Sénat. (Crédits : Gage Skidmore from Surprise, AZ, United States of America, CC BY-SA 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0>, via Wikimedia Commons)

« It's the economy, stupid ! » Cette phrase de James Carville, architecte de la campagne de Bill Clinton en 1992, est souvent reprise pour expliquer la victoire du candidat démocrate, face à un George H. W. Bush qui avait tout misé sur le prestige militaire de sa guerre éclaire en Irak, tout en négligeant l'inquiétude que le ralentissement économique suscitait chez les électeurs.

Trente ans plus tard, alors que les Américains s'apprêtent à se rendre aux urnes pour les élections de mi-mandat, qui visent à élire leurs représentants aux deux chambres du Congrès (le Sénat et la Chambre des Représentants), l'économie est de nouveau en tête de leurs priorités.

Les Américains désapprouvent le bilan économique de Joe Biden

D'après un récent sondage conduit par Ipsos et le groupe de l'audiovisuel ABC News, les électeurs placent en effet l'état de l'économie et l'inflation en tête des sujets qui détermineront leur vote lors des élections qui auront lieu mardi 8 novembre. Viennent ensuite, en deuxième et troisième position, la sécurité et le droit à l'avortement.

La priorité donnée à l'économie est plutôt une mauvaise nouvelle pour les démocrates, le public jugeant sévèrement le bilan de Joe Biden sur cet aspect. Un autre sondage réalisé par la chaîne de télévision CNBC montre ainsi que 56% des électeurs désapprouvent la façon dont le président gère l'économie. Pire, les électeurs affirment en majorité faire davantage confiance à un Congrès sous contrôle républicain plutôt que démocrate pour redresser l'économie.

La sécurité, seconde préoccupation majeure des Américains

La question de la criminalité pourrait également avantager les républicains, qui cherchent à se positionner comme le parti de « la loi et de l'ordre », notamment depuis les émeutes urbaines qui ont fait suite au meurtre de George Floyd durant l'été 2020, où une vingtaine de personnes ont trouvé la mort. Les statistiques du FBI montrent que le nombre de meurtres a augmenté de 30% en 2020, et demeure aujourd'hui plus élevé qu'en 2019. D'autres formes de crimes violents, comme les viols et les agressions, se sont également accrues, alors que la criminalité avait depuis deux décennies plutôt tendance à diminuer.

Une dégradation dont les républicains s'efforcent de faire endosser la responsabilité aux démocrates, qui ont soutenu diverses réformes de la police et de la justice suite aux manifestations de 2020. Des villes démocrates comme Seattle, Portland et San Francisco ont également connu une forte hausse de la criminalité ces dernières années, ce que les républicains ne manquent pas de pointer du doigt.

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Cette question pourrait certes aussi avantager les démocrates, partisans d'un contrôle plus étroit sur les armes à feu. Néanmoins, les républicains semblent avoir davantage convaincu les électeurs, qui sont 36% à leur faire confiance pour combattre la criminalité, selon le sondage Ipsos/ABC News. Seuls 22% d'entre eux font confiance aux démocrates sur cette question.

La question de l'avortement, elle, joue cependant en la faveur de ces derniers. Rappelons que la majorité conservatrice de la Cour Suprême a récemment opéré un revirement contre l'arrêt Roe v. Wade, qui protégeait le droit des femmes à avorter à l'échelon fédéral, conduisant plusieurs États républicains à interdire ou limiter drastiquement l'avortement. Or, le sondage mené par Ipsos et ABC News montre que 61% des Américains sont favorable à l'avortement, contre 37% qui y sont opposés.

Quatre États à suivre de près

Si la plupart des sondages prédisent que la Chambre des Représentants va basculer sous contrôle républicain, la course s'avère beaucoup plus serrée au Sénat, la chambre haute du Congrès. 35 sièges seront mis en jeu mardi : les démocrates doivent en gagner quatorze pour conserver leur majorité, et les sondages leur en attribuent actuellement 11. Les républicains, eux, ont besoin de 22 sièges, et les sondages leur en donnent vingt.

Quatre États promettent une élection à couteaux tirés, où la balance peut pencher d'un côté ou de l'autre, et ce seront logiquement ceux-ci qui décideront du contrôle du Sénat. Il s'agit de l'Arizona, du Nevada, de la Géorgie et de la Pennsylvanie. Rappelons qu'une victoire républicaine aux deux chambres du Congrès ferait passer le pouvoir législatif entièrement entre les mains de l'opposition, limitant fortement la capacité de Joe Biden a mené des réformes significatives durant le reste de son mandat.

La Géorgie, un État du Deep South devenu un swing state

Longtemps ancrée solidement à droite, la Géorgie est aujourd'hui devenue un « swing state », État qui vote tantôt républicain, tantôt démocrate. Remporté par Donald Trump en 2016, le « Peach State » a manqué élire un gouverneur démocrate deux ans plus tard, en la personne de Stacey Abrams, une Afro-Américaine qui s'est inclinée de justesse face au républicain Brian Kemp. En 2020, Joe Biden l'a remporté sur le fil du rasoir, avec une marge de 0,23%, soit moins de 12.000 votes.

Début 2021, le Peach State a de nouveau voté à gauche et propulsé deux démocrates au Sénat : Jon Ossoff et Raphael Warnock. Ce dernier joue désormais sa réélection contre Herschel Walker, un républicain, dans un scrutin qui s'annonce là encore extrêmement serré. État du Sud avec une forte population noire, qui vote majoritairement démocrate, et une population blanche plus conservatrice, la Géorgie est également divisée entre, d'un côté, une métropole dynamique, Atlanta, qui attire un grand nombre de migrants venus d'autres États et de l'étranger et vote majoritairement à gauche, et de l'autre des campagnes plutôt républicaines. L'élection de mardi permettra de déterminer quel camp a le plus d'influence, et donnera un aperçu de ce à quoi l'on peut s'attendre pour la prochaine présidentielle.

La Pennsylvanie pourrait basculer dans le camp démocrate

État industriel de la Rust Belt (ceinture de la rouille), la Pennsylvanie est également un swing state : en 2016, elle a ouvert la voie de la victoire à Donald Trump, pour sceller sa défaite au profit de Joe Biden quatre ans plus tard. Il s'agit du seul des quatre États âprement disputés où le siège remis en jeu est actuellement occupé par un républicain, le sénateur Pat Toomey, qui s'apprête à prendre sa retraite. En remportant la Pennsylvanie, les démocrates pourraient donc partiellement compenser d'inévitables pertes dans d'autres États.

Le candidat démocrate, John Fetterman, longtemps donné largement favori, a cependant souffert d'une attaque en mai dernier. S'il affirme avoir parfaitement récupéré, sa contre-performance lors d'un récent débat télévisé contre son opposant républicain, Mehmet Oz, un chirurgien et homme de télévision fortement médiatique, a jeté le doute sur son état de santé. Ceci, combiné au discours musclé de « Docteur Oz » sur la sécurité, a contribué à réduire l'écart, et l'élection s'annonce désormais très serrée.

Le Nevada et l'Arizona vont-ils consacrer le divorce des Latino-Américains avec le parti démocrate ?

Enfin, la course s'annonce également serrée dans le Nevada et en Arizona. Le Nevada voit la sénatrice Catherine Cortez Masto défendre son siège contre Adam Laxalt, un républicain « trumpiste » qui, comme l'ancien président, juge (sans preuves) que l'élection de 2020 a été truquée en la faveur de Joe Biden, et tente de séduire les classes populaires à travers un discours anti-élites et antimondialisation, plutôt que de s'adresser aux classes aisées et aux grandes entreprises, cibles traditionnelles du parti républicain.

En Arizona, le sénateur démocrate Mark Kelly, un astronaute à la retraite, fait face à Blake Masters, vétéran de l'industrie de la tech, protégé de Peter Thiel et libertarien convaincu, qui s'est lui aussi assuré le soutien de Donald Trump en reprenant ses soupçons de tricherie.

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Le Nevada et l'Arizona ont pour particularité de compter tous deux une forte population latino-américaine, avec respectivement 18% et 19% de Latino-Américains parmi les inscrits sur les listes électorales, contre 10% à l'échelle nationale. Une victoire républicaine dans ces deux États serait donc un signe supplémentaire du passage de cette communauté du parti démocrate au parti républicain.

Un phénomène déjà constaté dans d'autres États à forte minorité latino-américaines, comme la Floride, un ancien swing state désormais solidement ancré à droite, qui a voté Trump en 2016 et 2020 et dont le gouverneur, Ron DeSantis, constitue l'une des étoiles montantes du parti républicain. Mais aussi au Texas, où le gouverneur républicain Greg Abbott a été élu en améliorant le score de son parti chez les Latino-Américains.

Un baromètre de la vie politique américaine

Car si les Midterms constituent souvent une sorte de référendum permettant aux électeurs de juger le président en place (le parti au pouvoir a de fait tendance à les perdre), celles-ci possèdent une saveur toute particulière, dans la mesure où elles promettent de fournir de précieuses indications quant à l'évolution politique future du pays. Le sort de candidats trumpistes comme Adam Laxalt, Blake Masters et J. D. Vance (dans l'Ohio) permettront de jauger l'influence que l'ancien président, qui a laissé entendre qu'il pourrait se représenter en 2024, exerce encore sur son parti.

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Les élections en Géorgie, dans le Nevada et en Arizona permettront de déterminer dans quelle direction ces États qui connaissent des changements sociodémographiques importants vont s'orienter dans les années à venir. Le vote des minorités sera à suivre de près pour déterminer si la diversification ethnique de l'électorat républicain, entamée depuis plusieurs années, continue de s'accélérer.

Une contre-performance des républicains pourrait signaler l'attachement des électeurs au droit à l'avortement et leur désaveu du parti pour cette raison, tandis qu'une déconfiture pour les démocrates serait un vote-sanction contre la politique économique de Joe Biden... Bref, au-delà du contrôle du Congrès, cette élection est aussi un formidable baromètre de la température politique outre-Atlantique.

Commentaires 6
à écrit le 04/11/2022 à 8:38
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Un spectacle assez pitoyable, un combat de vieillards, où finalement les postures finissent par prendre plus d’importance que les actes eux-mêmes. La Présidence Biden ne restera pas dans l’histoire... Une démocratie incapable de renouveler ses respon...

à écrit le 04/11/2022 à 8:27
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Pragmatisme du peuple américain né pour travailler, ils se fichent de la guerre en Ukraine, du covid, ils s'en prennent directement à ceux du moment qui les gouvernent.

à écrit le 04/11/2022 à 0:56
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Que les republicains remportent la mise et cette guerre stupide cessera. Biden aux poubelles de l'histoire.

à écrit le 03/11/2022 à 19:22
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L'américain moyen de base est d'une culture "crasse" et d'une vulgarité au dessus de la moyenne dont profite évidemment le parti republicain. Il n'y a rien à ajouter, ils méritent le personnel politique de leur niveau.

le 03/11/2022 à 20:03
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quand on voit le banditisme des démocrates ll faut mieux la vulgarité des républicains

le 04/11/2022 à 11:50
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C'est toi qui le dis, ce n'est pas du tout la realité. En plus ils sont parmi les 10 peuples les plus éduqués au monde. Par contre, le russe au dessus de la moyenne tout comme le russe moyen sont d'une culture ''crasse'' et d'une vulgarité innomable ...

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