
Pas question de céder aux oukases des putschistes nigériens, qui retiennent depuis un mois « en otage » le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum. Pour le Chef de l'État Emmanuel Macron, c'est clair et net, la France doit montrer sa fermeté au Niger. Il en va surtout de la crédibilité de la diplomatie française et des partenariats en Afrique et ailleurs. Le président l'a bien compris. « On doit être clair, cohérent. Sinon, qui nous écoutera ? Dans quelle capitale africaine on peut dire qu'on a une politique de partenariat avec un dirigeant si quand il subit cela, on ne peut pas être en soutien ? Donc, je pense que notre politique est la bonne », a expliqué lundi le Chef de l'État lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs.
« Si nous dénonçons le coup d'Etat au Niger, c'est que derrière les paravents de « bonne gouvernance » et de « salut de la patrie », il n'y a rien d'autre que la négation de la démocratie. Il faut parfois revenir à des réalités simples : il n'y a pas de putschistes démocrates, comme il n'y avait pas hier de Taliban modérés. On ne peut fonder une politique étrangère sur des illusions », a expliqué mardi la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs.
La France assume cette position de fermeté, celle du plein retour à l'ordre constitutionnel autour du président Mohamed Bazoum. « Nous le faisons, même si d'autres hésitent, par fidélité à des principes démocratiques, mais aussi parce que la voie ouverte par ce putsch est celle du désastre assuré, du risque d'effondrement sécuritaire de l'Afrique de l'Ouest, de l'aggravation des crises économiques et sociales, et cela dans notre voisinage immédiat », a précisé Catherine Colonna.
Le coup de gueule de Macron
Le président s'est montré très critique vis-à-vis des opinions publiques étrangères qui demandent à la France de quitter le Niger. Il a logiquement rappelé que ce qui s'est passé au Niger était « un coup d'État contre un président démocratiquement élu, venant d'une ethnie minoritaire, qui a mené des réformes courageuses, économiques, politiques, sur tous les plans, pour son pays, qui clarifient à peu près tous les domaines, qui est engagé sur tout l'agenda international qui est le nôtre et celui des Nations Unies, et qui est pris en otage dans le palais présidentiel par des putschistes depuis maintenant un mois ». Emmanuel Macron n'accepte pas d'entendre que « la France était trop engagée en soutien au président Bazoum » et que « la bonne politique aujourd'hui, ce serait de le lâcher. Parce que c'est devenu à la mode ». Il a fustigé les « commentaires parfois des autres capitales ».
« Mais on ferait quoi si un coup d'État comme ça se passait en Bulgarie ou en Roumanie ? On irait dire : « il ne faut pas trop s'engager ? On va regarder, parce que les putschistes nous ont proposé un Premier ministre ? Voilà, on va s'engager, c'est ça la bonne politique. Il ne faut pas être jusqu'au-boutiste, on n'est pas chez nous. C'est ça ce que veulent faire les autres capitales. Et on voudrait dire que la démocratie est une idée qui est bonne pour l'Afrique, qu'on ne fait pas double standard. C'est inadmissible », s'est insurgé Emmanuel Macron.
Le chef de l'État a souligné les qualités du président nigérien, « un homme intègre, démocratiquement élu, courageux ; courageux parce que pour la première fois dans un tel cadre, il ne démissionne pas, au péril de sa vie et de celle de sa famille ». Il n'envisage pas de céder y compris sous la pression de certains des alliés de la France : « Et de Washington, en passant par d'autres capitales européennes, j'ai entendu des voix, j'ai écouté des journaux, j'ai lu des tribunes qui nous expliquaient : "N'en faites pas trop, ça devient dangereux. Ça devient dangereux" ». Mais, a rappelé Catherine Colonna, « les djihadistes perdaient hier du terrain (au Niger, ndlr). Ils multiplient les attaques et affichent désormais fièrement leurs victoires ».
Cette fermeté de la France repose en premier lieu sur « le courage du président Bazoum, sur l'engagement de nos diplomates, de notre ambassadeur sur le terrain, qui restent légitimes, malgré les pressions et malgré toutes les déclarations d'autorités grâce à l'engagement de nos forces de sécurité intérieure et de nos militaires ». La junte au pouvoir a ordonné vendredi le départ de l'ambassadeur de France à Niamey, Sylvain Itté, lui donnant 48 heures pour quitter le pays. Ce que la France a refusé, estimant que les putschistes étaient illégitimes.
Le Niger n'est pas l'ennemi de la France
Emmanuel Macron est « clair » : « Nous ne sommes pas engagés ». Et d'expliquer qu'« il ne faut pas céder à un narratif utilisé par les putschistes qui consisterait à dire : notre ennemi est devenu la France. Le problème des nigériens aujourd'hui sont des putschistes qui les mettent en danger parce qu'ils abandonnent la lutte contre le terrorisme, parce qu'ils abandonnent une politique qui était bonne économiquement pour eux et qu'ils sont en train de perdre tous les financements internationaux qui étaient en train de leur permettre de sortir de la pauvreté. C'est ça la réalité. Si on ne le dit pas, nous, avec courage, qui le dira ? Donc, nous devons poursuivre cette politique avec fermeté, sortir des mensonges et des facilités ».
La politique de la France « est simple : on ne reconnaît pas les putschistes, on soutient un président qui n'a pas démissionné, aux côtés duquel nous restons engagés, et nous soutenons l'action diplomatique de la CEDEAO et militaire quand elle le décidera, dans une approche de partenariat qui est celle que j'ai présentée en février dernier. Ni le paternalisme, ni la faiblesse, parce que sinon on n'est plus nulle part ». Dans ce cadre, le président appelle tous les États de la région à continuer « avec force de soutenir » Mohamed Bazoum. « Si la CEDEAO abandonne le président Bazoum, je pense que tous les présidents de la région sont à peu près conscients du destin qu'il leur sera réservé. Et la faiblesse que d'aucuns ont d'ailleurs montré à l'égard des putschs précédents a nourri des vocations régionales », a souligné Emmanuel Macron. Une bonne leçon à retenir pour tous... y compris pour les États européens. Mais jusqu'à quand la France est-elle prête à tenir cette position de fermeté ?
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