"Pandora Papers" : l'évasion fiscale pratiquée par des centaines de dirigeants politiques, selon une enquête internationale

Belize, Îles Vierges britanniques, Seychelles, Panama... Plusieurs dirigeants ont dissimulé des avoirs dans des sociétés écrans notamment à des fins d'évasion fiscale, selon une enquête publiée par le Consortium international des journalistes d'investigation. Pour l'Hexagone, le nom de Dominique Strauss-Kahn est cité par l'enquête, avec 600 Français. Ou encore le Premier ministre tchèque qui a placé 22 millions de dollars dans des sociétés offshore pour financer l'achat d'un château dans le Sud de la France.
Dans la plupart des pays cités par l'enquête, ces faits ne sont pas susceptibles de poursuites. Mais dans le cas des dirigeants, l'ICIJ met en parallèle le discours anti-corruption tenu par certains d'entre eux avec leurs placements dans des paradis fiscaux.
Dans la plupart des pays cités par l'enquête, ces faits ne sont pas susceptibles de poursuites. Mais dans le cas des dirigeants, l'ICIJ met en parallèle le discours anti-corruption tenu par certains d'entre eux avec leurs placements dans des paradis fiscaux. (Crédits : Gary Cameron)

Cinq ans après l'éclatement du scandale des "Panama Papers" faisant fuiter 11,5 millions de documents qui révélaient déjà l'argent caché des dirigeants politiques, sportifs ou entrepreneurs, un cabinet d'avocats basé au Panama est à nouveau au coeur d'un scandale d'évasion fiscale d'envergure mondiale. Là aussi, comme en 2016, c'est le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) qui a mené l'enquête. Fruit d'un travail mené dans 117 pays, elle met à jour 29.000 sociétés offshore installées au Belize, aux Îles Vierges britanniques et au Panama qui ont servi - ou ont été créées - pour le compte notamment de plus de 336 dirigeants et responsables politiques de premier plan, révèle l'enquête.

Au total, ces sociétés, créées dans des pays ou territoires à fiscalité avantageuse, avec l'aide notamment du cabinet d'avocats panaméen Alcogal, ont servi à dissimuler de l'argent pour environ 15.000 clients depuis 1996.

Dans la totalité des 11,9 millions de documents qui proviennent de 14 sociétés de services financiers, apparaissent ainsi les noms de l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, pour l'achat d'un bien immobilier à Londres, ou encore l'ancien ministre français Dominique Strauss-Kahn.

L'ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a fait transiter plusieurs millions de dollars d'honoraires de conseil à des entreprises par une société marocaine exempte d'impôts, selon l'enquête.

Aussi, selon le quotidien français Le Monde partenaire de l'ICIJ, 600 Français sont cités dans l'enquête dont "un conspirationniste d'extrême droite" qui a recouru à une société aux Seychelles "pour vendre livres et pilules miracles".

Egalement, le Premier ministre tchèque, Andrej Babis, a placé selon l'enquête 22 millions de dollars dans des sociétés écran pour financer l'achat du château Bigaud, une grande propriété à Mougins dans le Sud de la France.

"Je n'ai jamais rien fait d'illégal ou de mal", a tweeté M. Babis, "mais cela ne les empêche pas d'essayer de me dénigrer et d'influencer les élections législatives tchèques", prévues vendredi et samedi prochains.

Selon ces documents, le roi Abdallah II de Jordanie a créé au moins une trentaine de sociétés offshore et acheté par leur biais 14 propriétés de luxe aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, pour plus de 106 millions de dollars.

En Jordanie, le palais royal a déclaré lundi que ces "informations de presse sont inexactes, déformées et exagérées" et qu'elles constituent une "menace pour la sécurité du monarque et celle de sa famille".

Shakira, Claudia Schiffer, le Kremlin...

Selon l'ICIJ, Svetlana Krivonogikh, une femme présentée par des médias russes comme une ex-maîtresse du président Vladimir Poutine, a acquis en 2003 une appartement pour quatre millions de dollars à Monaco via des comptes offshore.

Toujours selon le consortium, un autre proche présumé du président, Piotr Kolbine, est lié à un juteux montage offshore impliquant l'oligarque Guennadi Timtchenko, lui aussi un ami du chef de l'Etat russe.

L'enquête de l'ICIJ affirme par ailleurs que Konstantin Ernst, PDG de la première chaîne de télévision russe, a acquis de manière douteuse un immense terrain à Moscou via une société offshore.

"Ici, nous avons simplement affaire à un ensemble d'allégations tout à fait infondées (...) Quand il y aura des publications sérieuses, fondées sur des choses ou faisant référence à des choses sérieuses, alors nous en prendrons connaissance avec intérêt", a dit à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

"On ne comprend pas en quoi ces informations peuvent être considérées comme fiables", a-t-il poursuivi.

Le président équatorien, Guillermo Lasso, a, lui, logé des fonds dans deux trusts dont le siège se trouve aux Etats-Unis, dans le Dakota du Sud, selon l'ICIJ qui épingle également les présidents du Chili et de République dominicaine.

"Tous mes revenus ont été déclarés et j'ai payé les impôts correspondants en Equateur, faisant de moi l'un des principaux contribuables dans le pays à titre personnel", a assuré dans un communiqué M. Lasso, un ancien banquier. "Tous les investissements réalisés en Equateur et à l'étranger se sont toujours faits dans le cadre de la loi".

"Alcogal rejette ces spéculations, inexactitudes et mensonges"

Parmi les personnalités exposées, se trouvent également la chanteuse colombienne Shakira, le mannequin allemand Claudia Schiffer ou la légende indienne du cricket Sachin Tendulkar.

Alcogal est le prestigieux cabinet d'avocats basé au Panama, un pays qui demeure sur la liste des paradis fiscaux de la France et de l'Union européenne. Baptisé "Pandora Papers", en référence à la boîte de Pandore, celle qui contient tous les maux de l'humanité dans la mythologie, il cite aussi le président du Monténégro Milo Djukanovic et trois anciens président du Panama.

Pour sa part, "Alcogal rejette ces spéculations, inexactitudes et mensonges", a dit le cabinet dans un communiqué. Il assure être prêt à travailler avec les autorités pour enquêter sur toute irrégularité.

Le décalage avec le discours anti-corruption

Dans la plupart des pays, ces faits ne sont pas susceptibles de poursuites. Mais dans le cas des dirigeants, l'ICIJ met en parallèle le discours anti-corruption tenu par certains d'entre eux avec leurs placements dans des paradis fiscaux.

Pour Maira Martini, chercheuse de l'ONG Transparency International, cette enquête apporte une nouvelle "preuve claire que l'industrie offshore fait le jeu de la corruption et de la criminalité financière, tout en faisant obstruction à la justice". "Ce modèle économique" basé sur le secret financier "ne peut plus continuer".

Une base de données "Offshore Leaks" accessible sur le site de l'ICIJ permet de démêler les liens entre les sociétés écrans et leurs bénéficiaires.

Créé en 1997 par le Centre américain pour l'intégrité publique, l'ICIJ est devenu une entité indépendante en 2017.

(Avec AFP)

Lire aussi 2 mnEvasion fiscale : le Panama (à nouveau) dans la ligne de mire de l'UE

Commentaires 5
à écrit le 05/10/2021 à 10:47
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Ce n'est pas comme si c'était une surprise ! Bien sûr que tout le monde en "croque".

le 05/10/2021 à 13:23
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tous les elus ou ancien elus francais qui trempe dans ces affaires doivent etre raye des caisse de retraite et de soins et leur bien sur le sol francais saisie dans le cas d'un ancien postulant au poste suppreme c'est une trahison non seulement d...

à écrit le 05/10/2021 à 8:34
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Bon ben les panama papers ont duré une semaine, les paradise papers ont duré une journée et les Pandora papers n'ont pas été mentionnés du tout au sein des médias de masse ! :Démocratie vraiment ?

à écrit le 04/10/2021 à 14:39
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Merci beaucoup pour ce travail formidable, bravo à tous les journalistes qui le font mais également bravo aux lanceurs d'alertes qui l'ont permis. Maintenant faites attention de ne pas trop insister sur les discours anti-corruption hein parce que ce ...

à écrit le 04/10/2021 à 14:29
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La défense des mis en cause coniste à nier la véracité des informations informations . Le combat contre les centres offshore n'est pas pratiqué partout avec la même assiduité. A qui profite les offshore? A ceux qui veulent éviter l'impôt et recycler...

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