Les cours du pétrole poursuivaient leur baisse ce jeudi, après avoir lourdement chuté la veille, de près de 6% pour le Brent et de 5% pour le WTI. Dans l'après-midi de ce jeudi, ils se dépréciaient respectivement de 1,4%, à 83,02 dollars, et de 1,6%, à 84,4 dollars. Depuis le pic atteint la semaine dernière, les prix ont perdu 12%.
Les investisseurs sont passés à la vente sur les marchés à terme mercredi, après la publication par l'Agence d'information sur l'énergie (EIA) américaine du niveau des stocks d'essence, qui ont augmenté de 6,5 millions de barils au cours de la semaine qui s'est achevée le 29 septembre, soit la plus forte augmentation depuis janvier 2022. Les prix de l'essence ont d'ailleurs baissé de près de 13% en un mois aux Etats-Unis, sur les marchés à terme.
Le spectre de la récession
Cette augmentation des stocks reflète la baisse de la demande des automobilistes américains, faisant resurgir le spectre de la récession, synonyme de moindres achats de produits pétroliers. « Le frein à la demande de pétrole en Chine, en Europe et aux États-Unis pèse lourdement sur les prix du brut , limitant les gains potentiels liés aux réductions de l'offre de l'OPEP+ », indiquait mercredi Ed Morse, l'analyste, spécialiste du pétrole chez Citigroup Inc, dans un entretien accordé à Bloomberg Television.
Le spécialiste de Citigroup note que la Chine a réduit ses achats de brut à des prix élevés mais exporte davantage de produits raffinés (gazole, fioul et essence) qui se sont appréciés sur les marchés internationaux. De fait, le géant asiatique est devenu aujourd'hui un facteur presque aussi important pour les marchés pétroliers que l'OPEP+, considère Ed Morse qui anticipe un marché pétrolier mondial excédentaire en 2024 qui pourrait faire dégringoler le prix du baril de Brent à 70 dollars le baril, notamment en raison du ralentissement de la croissance mondiale.
Hausse des taux et du dollar
« L'évolution des prix du pétrole suggère que la reprise que nous avons constatée pendant une grande partie du troisième trimestre s'est épuisée. L'environnement de taux actuel ainsi que la force du dollar n'ont fait que créer des vents contraires plus forts sur le marché », commente Warren Patterson, responsable de la stratégie sur les matières premières chez ING. Une perspective qui se reflète également sur les marchés financiers mondiaux, également orientés à la baisse depuis quelques jours, persuadés que la Réserve fédérale n'a pas achevé son cycle de remontée des taux d'intérêt. Et la hausse du dollar réduit également mécaniquement les achats des pays importateurs de pétrole qui devient plus cher pour eux en raison du change.
Par ailleurs, les investisseurs n'ont pas tenu compte des déclarations de l'Arabie saoudite et de la Russie qui ont pourtant confirmé mercredi à l'issue de la réunion de l'Opep+ la poursuite de leurs baisses de production et d'exportations, respectivement de 1 million de barils par jour (mb/j) et 500.000 b/j, jusqu'à la fin de l'année. Moscou qui a également suspendu ses exportations de gazole, de fioul et d'essence pour alimenter son marché intérieur, a précisé toutefois qu'une analyse serait menée en novembre pour déterminer s'il convient de diminuer ou d'augmenter sa coupe.
Un pétrole qui était devenu trop cher
Ces coupes des offres russe et saoudienne avaient permis de faire remonter les prix du baril au-dessus de 95 dollars, un niveau qui n'est pas sans conséquence. « Le pétrole brut a augmenté de plus de 30 % par rapport au plus bas de cette année, générant des coûts plus élevés pour les principaux importateurs d'énergie, notamment le Japon, l'Inde, la Corée du Sud et l'Allemagne, ce qui pourrait nuire à leur croissance économique », a ainsi averti Lisa Shalett, économiste chez Morgan Stanley.
De fait, cette semaine, les incertitudes ne concernent plus tant le niveau de l'offre de pétrole que celui de sa demande mondiale.