
Avec un prix du baril de pétrole Brent, qui a gagné plus de 8% en un mois et est revenu s'installer au-dessus de 92 dollars ces derniers jours, l'économie mondiale fait face au retour du pétrole cher, notamment depuis que l'Arabie saoudite et la Russie ont confirmé prolonger la réduction de leur offre jusqu'à la fin de l'année, respectivement de 1 million de barils par jour (mb/j) et de 400.000 b/j.
Ces coupes interviennent alors même que la demande mondiale reste à un niveau record, à 101,8 mb/j cette année, soit 2,2 mb/j de plus par rapport à 2022, et que le niveau des stocks mondiaux de pétrole est tombé en août à son plus bas niveau depuis 13 mois, indique le rapport mensuel sur le pétrole, publié ce mercredi par l'Agence internationale de l'énergie (AIE). En 2024, la demande mondiale devrait augmenter plus modestement, de 900.000 b/j, à 102,8 mb/j. Ce ralentissement est dû à la croissance économique mondiale qui ne devrait atteindre que 3% (à peine 1,4% pour l'ensemble des économies avancées), selon les dernières estimations du FMI, et aux besoins en carburant pour le transport routier qui vont stagner « dans la plupart des grands marchés », indique l'AIE.
A court terme, les prix du baril pourraient encore s'apprécier, l'agence anticipant un marché en déficit au cours du dernier trimestre de l'année. En cause, la baisse de la production de l'Opep+ - le partenariat qui réunit les 13 pays membres de l'Opep et 10 autres pays exportateurs dont la Russie - que l'agence évalue à 2 mb/j par rapport à 2022. Un chiffre qui aurait pu être plus élevé mais les coupes russe et saoudienne sont en partie compensées par la hausse de la production de l'Iran, pays qui n'a pas de quota de production du fait qu'il subit comme le Venezuela des sanctions imposées par les Etats-Unis. En août, l'Iran a pompé 3,1 mb/j. C'est certes largement inférieur aux 4,8 mb/j de 2017, mais largement supérieur aux 2 mb/j de 2020. Selon l'AIE, l'Iran dispose aujourd'hui d'une capacité de production de 3,8 mb/j. Son principal client est devenu la Chine.
Hausse record de la production aux Etats-Unis et au Brésil,
La baisse de l'Opep+ est aussi compensée par les producteurs hors de l'Opep+. Au mois d'août, ils ont augmenté leur production de 170.000 b/j, à 50,5 mb/j, un niveau record. Sur l'année, la hausse de l'offre mondiale est attribuable à 90% aux Etats-Unis et au Brésil, qui ont enregistré des productions record ainsi qu'à la Norvège et au Guyana.
Enfin, du côté de la demande, la Chine reste le principal facteur de l'évolution du marché pétrolier. Sa consommation devrait augmenter en 2023 de 1,6 mb/j par rapport à 2022, mais ralentir à 640.000 b/j en 2024, avec la retour de la corrélation entre la demande d'or noir et la croissance économique de la république populaire, qui devrait tourner autour de 4 à 5% dans les prochaines années, et non plus au rythme à deux chiffres auquel nous avait habitués la Chine durant deux décennies.
Car, souligne l'AIE, 2023 a été particulière pour le géant asiatique. « Les confinements ont renversé la relation jusqu'ici étroite entre les variables macroéconomiques comme le PIB et les carburants dédiés aux transports », pointent ses experts.
La demande croissante de la pétrochimie chinoise
« La demande chinoise de pétrole est restée jusqu'ici remarquablement peu affectée par son ralentissement économique. Pour la troisième fois cette année, elle a atteint un nouveau record historique mensuel en juillet, à 16,7 mb/j », remarque l'AIE. C'est 2,5 mb/j de plus qu'en juillet 2022 ! Mais cette demande est largement due à l'extension des capacités de production pétrochimique, la Chine souhaitant réduire ses importations de polymères. La demande de naphta et de GPL (gaz de pétrole liquéfié), produits spécifiques pour ce secteur, représenteront à eux seuls près de la moitié de la hausse (930.000 b/j) en 2023 et en 2024. La stabilité du secteur pétrochimique, peu affecté par les facteurs macroéconomiques, contraste avec l'évolution de la demande d'essence et de kérosène.
Cette dernière a été robuste sur le premier semestre 2023, à la suite de la fin des confinements stricts dus à la politique « zéro Covid » qui ont entraîné un rebond des déplacements routiers et aériens. En juillet, la demande de kérosène a dépassé le niveau record de 1 mb/j. Le trafic routier a augmenté de 30% sur la période juin-août par rapport à la même période de 2022. Mais le phénomène devrait atteindre un plateau au cours du dernier trimestre, et se stabiliser, selon l'AIE.
La Russie augmente ses recettes pétrolières en août La hausse des prix du baril durant l'été a permis à la Russie d'augmenter en août ses revenus de 1,8 milliard de dollars par rapport à juillet, les portant 17,1 milliard de dollars. Les prix ont permis de compenser les pertes de volumes notamment de ses principaux clients, l'Inde et la Chine, dont le volume représente la moitié des exportations russes. Les deux géants asiatiques n'ont acheté que 3,9 mb/j de brut russe en août contre 4,7 mb/j en avril et mai. Autre composante alimentant la hausse des produits pétroliers, et qui a profité également à la Russie, les marges de raffinage ont atteint en août leur plus haut niveau depuis 8 ans, en raison notamment de la demande en distillats moyens (diesel et gasoil), malgré l'augmentation des capacités mondiales de raffinage de 1,7 mb/j cette année à 82,4 mb/j, qui devrait se poursuivre l'année prochaine avec 1,2 mb/j en plus, à 83,6 mb/j.
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