Rishi Sunak se préoccupe-t-il d'écologie ? Pas assez à en croire son ancien ministre de l'Environnement. Dans sa lettre de démission fracassante publiée fin juin, Zac Goldsmith a dépeint Rishi Sunak comme « indifférent » à l'écologie. Des critiques qui font écho à celle du patronat britannique ou des syndicats.
Tout aussi inquiètes du retard qu'accumule le Royaume-Uni dans la course aux investissements verts, une centaine de grandes entreprises viennent d'adresser une missive en ce sens au 10 Downing Street. British Telecom, British Gas, Marks&Spencer, ou encore Amazon et Unilever exhortent le pouvoir à « revoir son approche » et à « s'engager » davantage dans « l'immense opportunité économique » de la décarbonation. Sans quoi l'économie de la Grande-Bretagne sera « déclassée », préviennent-ils.
« La course pour les batteries est perdue »
D'autres dirigeants ne s'embarrassent pas des politesses d'usage et font déjà des constats définitifs. « La course pour les batteries est perdue », tranche Liam Condon, à la tête de Johnson Matthey, un des leaders outre-Manche de la chimie et des métaux. Le champion national des batteries ATME Group songe ouvertement à délocaliser son projet d'usine de Dundee en Ecosse en Amérique, aimanté par les milliards de dollars de subventions promis par la Maison Blanche.
Assaillis de critiques, les ministres ont pu brandir comme une première victoire l'implantation d'une usine de batteries Tata à Bridgewater, au sud-ouest de l'Angleterre. Le mastodonte indien, propriétaire de Land Rover Jaguar, doit injecter 4 milliards de livres d'investissements pour y créer 4.000 emplois directs. Sur ce dossier, le gouvernement a mis sur la table une enveloppe de subventions de près de 500 millions de livres, selon les informations du Financial Times, pour séduire Tata. Les règles d'aides publiques aux entreprises ont été assouplies, sans pour autant être révolutionnées, par une nouvelle loi entrée en vigueur en 2023.
Le ministre des Finances « méfiant » des subventions
Le ministre des Finances Jeremy Hunt se dit « méfiant » des politiques de subventions susceptibles de soutenir des entreprises qui ne seraient « pas viables » sans aides. Pas question non plus pour les îles britanniques, très tributaires de leurs importations, de « se détourner du libre-échange » et d'adopter une stratégie industrielle plus protectionniste, a prévenu le Chancelier de l'Echiquier dans un entretien à Sky News en avril. Jeremy Hunt renvoie d'éventuelles nouvelles subventions à son discours annuel d'automne, dans lequel le ministre des Finances précise ses ambitions à partir des prévisions du gendarme budgétaire, l'OBR (« Office for Budget Responsibility »).
Chacune des douze zones industrielles prévues par Londres autour d'universités et de centres de recherches doit recevoir une enveloppe 80 millions de livres d'aides publiques par zone, sous forme d'infrastructures, d'allègements fiscaux et de formations. La première de ces zones vient d'être inaugurée à Sheffield, au centre de l'Angleterre, 1,2 milliard de livres d'investissements privés sont annoncés dans les innovations aéronautiques, notamment de la part de l'avionneur Boeing.
Inflation et difficultés budgétaires
A défaut d'une stratégie agressive de réindustrialisation comme Washington ou de fonds substantiels comme Bruxelles, Londres s'emploie pour l'instant à éviter une hémorragie de capitaux industriels, en raison notamment de la flambée du coût de l'énergie (+36% sur un an pour le gaz, et +17% pour l'électricité). Les secteurs les plus gourmands en énergie, comme la sidérurgie ou la chimie, ont droit depuis mars à des annulations de charge pour tenter de contenir leur facture.
L'inflation demeure la priorité du gouvernement et le premier problème économique du Royaume-Uni, très mauvais élève de l'OCDE à +7,9% en juin. « Les déficits budgétaires rendent également improbable une politique de relance industrielle par les aides d'Etat. Le Royaume-Uni semble avoir moins de marges de manœuvre financières, mais c'est une question de degré par rapport à ses voisins. Ses finances ne sont pas dans une situation fondamentalement différente de la France ou d'autres nations occidentales », observe Aurélien Antoine, président de l'Observatoire du Brexit, qui rappelle que les « difficultés post-Brexit », notamment logistique, affectent la compétitivité
L'universitaire souligne qu'avant que Joe Biden ne lance la course aux subventions, le Royaume-Uni avait déjà jeté les bases de solides filières vertes, à l'image de l'hydrogène et surtout du secteur de l'éolien offshore qu'il domine en Europe. Le pays est la première puissance européenne et la deuxième puissance au monde en termes de capacités installées aux larges de ses côtes, quand les premières pales commencent à peine à tourner en France. Ses émissions de CO2 ont été divisées par deux depuis 1990, note l'OBR. La Cour des comptes britannique estime encore à 327 milliards de livres les besoins d'investissements publics dans la transition écologique d'ici à 2050. Pour l'instant, Londres n'a engagé que 22 milliards.