Steven Bannon, le conseiller et idéologue trop gênant de Trump

Le stratège de Donald Trump et figure de la droite radicale américaine doit quitter la Maison Blanche dans les prochains jours. Ce départ marque le retour des militaires et du renseignement au sein du conseil national de sécurité. Retour sur le parcours de cet homme aux multiples facettes.
Grégoire Normand
Steven Bannon a été directeur de campagne de Donald Trump avant de devenir conseiller stratégique à la Maison Blanche.

Les départs se multiplient au sein de la Maison Blanche. Après la mise au ban du conseiller à la sécurité Michael Flynn, Donald Trump a remanié son conseil national de sécurité en excluant son conseiller Steven Bannon. La nomination à la fin du mois de janvier de cette figure de la droite "alternative" au poste de stratège en chef avait suscité la polémique.

Cet homme pourrait refaire parler de lui en France dans les semaines à suivre avec le lancement de son site Breibart News, spécialisé dans les "faits alternatifs" et la désinformation, en version francophone."Le but est d'aider les candidats de l'aile droite à remporter les élections dans les pays européens, où le sentiment anti-migrants atteint des sommets", ont expliqué des proches de Steve Bannon à Reuters.

donald trump steve bannon

Donald Trump et Steven Bannon lors d'une cérémonie à la Maison Blanche en janvier dernier. Crédits :  REUTERS/Carlos Barria.

Un ancien officier de la Marine

Né le 27 novembre 1953 dans l'état de Virginie aux Etatst-Unis, Steve Bannon est issu d'une famille irlandaise catholique comme il l'a expliqué dans une longue enquête de Bloomberg. "Je viens d'une famille de cols bleus, d'Irlandais catholiques, pro-Kennedy et proche des Démocrates". Bannon a étudié l'urbanisme à l'université de Virginia Tech et a été élu président d'une association d'étudiants en 1975.

Après la remise de son diplôme, il rejoint la Navy sans être directement impliqué dans les opérations. Il était officier subalterne à bord du destroyer USS Paul F Foster en 1980 en pleine crise des otages américains en Iran. Cet épisode dans l'armée va être déterminant dans le parcours et les idées de Bannon. "Je n'étais pas politique avant de rentrer dans l'armée et de découvrir à quel point Jimmy Carter a foutu le bordel. Je suis devenu un grand admirateur de Reagan, et je le suis toujours" avait-t-il expliqué. Après l'élection de Ronald Reagan, le jeune américain va travailler dans les opérations navales au Pentagone et entamé des études sur la sécurité nationale à l'université de Georgetown.

Une proximité avec les élites

Avant de devenir un pourfendeur de l'etablishment, Steven Bannon va côtoyer une partie de l'élite politique et économique américaine. En 1983, il rentre à la très prestigieuse Harvard Business School. Un de ses camarades de l'époque l'a décrit au Boston Globe comme faisant partie du "top trois des intellectuels moteurs de la classe, peut être le plus intelligent". Après son MBA, il rejoint Goldman Sachs en tant que banquier spécialisé dans les investissements jusqu'en 1990 dans un contexte d'opérations boursières et financières très agressives.

Il fonde par la suite sa propre société d'investissements avec quelques anciens collègues de Goldman Sachs, Bannon & Co, spécialisée dans l'industrie des médias et du divertissement. A cette époque, "il négocie la vente de Castle Rock Entertainment [une société de production de films] à Ted Turner (NDLR : le fondateur de CNN)" qui va lui permettre de toucher des droits très lucratifs sur la série à fort succès Seinfeld comme le rapporte le Time. En 1998, la Société générale qui a l'époque veut devenir la première banque européenne dans le financement du cinéma rachète la firme de Bannon.

Un producteur et réalisateur de films controversés

Après cette transaction financière, Steven Bannon se lance à temps plein dans la production et la réalisation de films. Il commence ainsi par produire le film Titus nommé aux Oscars en 1999. Mais son aventure dans le milieu hollywoodien l'amène à se consacrer à l'une de ses passions les plus importantes : la réalisation de documentaires. Cette reconversion professionnelle intervient dans le contexte des attentats du 11 septembre 2001 qui va fortement influencer sa vision du monde et son appétence pour le "choc des civilisations" théorisé par Samuel Hutington dans son ouvrage éponyme.

En 2004, il réalise le film In the face of Evil sur Ronald Reagan dans lequel il exprime une vision apocalyptique de l'Histoire, comme l'illustre la bande-annonce du film. En 2010, il réalise un autre documentaire sur le mouvement très conservateur Tea Party au moment même où il devient conseiller de l'ex-colistière de John McCain, Sarah Palin. Il va d'ailleurs consacrer un documentaire avec un budget de un million de dollars en 2011 à la gloire de cette ancienne candidate à la présidentielle intitulée The Undefeated (L'invaincue).

Un patron de média

En  parallèle de ces activités pour le cinéma et la télévision, il fonde avec le blogueur et activiste conservateur américain Andrew Breitbart le site Breitbart News en 2007. Trois ans après le début de cette aventure, Andrew Breitbart décède à l'âge de 43 ans. En 2012, Steve Bannon prend la direction du site qui va devenir le porte-étendard de la droite radicale américaine et des idées extrémistes. Lors de la dernière campagne présidentielle américaine, Breitbart News est devenu un des fers de lance des idées de Trump notamment sur l'immigration. Le média indique également que le changement climatique est un "hoax" et promeut des thèses climatosceptiques.

Le site décrit la France comme un pays miné par les conflits et la guerre. "Paris transformé en zone de guerre par la violence des migrants", pouvait-on lire en novembre dernier à propos de l'afflux des migrants dans la capitale française à la suite de l'évacuation de la jungle de Calais.

"Regardez : les migrants et l'extrême gauche unissent leurs forces pour attaquer la police parisienne avec des explosions et des cocktails Molotov", était-il écrit plus loin.

Steven Bannon a même appelé les membres du Front national à établir des rapprochements pour travailler avec l'équipe de Donald Trump. Ce qui avait semble-il intéressé la député du Vaucluse Marion Maréchal Le Pen.

 Un directeur de campagne alarmant

Avant de s'engager pour Donald Trump, Steven Bannon a d'abord soutenu le sénateur ultraconservateur Ted Cruz pendant la primaire républicaine. Il a par la suite rallier Donald Trump et fait d'Hillary Trump sa cible privilégiée. A la fin du mois d'août dernier, Donald Trump avait annoncé lui même la démission de son directeur de campagne Paul Manafort dans un communiqué à la suite d'une affaire de corruption en Ukraine. "Ce matin, Paul Manafort a proposé, et j'ai accepté, sa démission de la campagne. Je suis très reconnaissant de son excellent travail pour nous aider à être là où nous sommes aujourd'hui". Pour le remplacer, Donald Trump va faire appel à Steven Bannon. Sur CNN, le journaliste Brian Stelter indiquait que "tous les coups seront permis. Nous allons voir les idées les plus extrêmes, les idées les plus à droite remonter à la surface". Cette arrivée va constituer un tournant dans sa campagne avec une radicalisation des discours de celui qui n'est alors que candidat à la présidence des États-Unis.

    | Lire Qui est Paul Manafort, le conseiller de Trump soupçonné de collaborer avec la Russie ?

Seulement trois mois après l'investiture du nouveau président américain, plusieurs responsables républicains et d'anciens hauts responsables du renseignement s'étaient inquiétés de la présence d'un "idéologue" susceptible de "politiser" le conseil national de sécurité créé après la Seconde Guerre Mondiale pour conseiller le président sur les questions liées à la sécurité et à la politique étrangère. C'est le général H.R. McMaster embauché par Donald Trump qui a eu raison de Steven Bannon. Il redonne ainsi une place centrale à l'armée et aux renseignements dans cette instance hautement stratégique pour la Maison Blanche.

Grégoire Normand
Commentaires 2
à écrit le 06/04/2017 à 20:40
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Bannon ne quitte pas la Maison Blanche, il reste conseiller stratégique de Trump. Il a juste perdu sa place au National Security Council.

à écrit le 06/04/2017 à 18:24
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"... et fait d'Hillary Trump sa cible privilégiée". :-)

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