La mobilisation... ou la défaite de l'Ukraine et, par ricochet, celle de l'Occident deux ans après le début de la guerre menée par la Russie. Emmanuel Macron a tenu à saisir le momentum pour organiser ce lundi une réunion au « caractère exceptionnel », à laquelle plus d'une vingtaine de chefs d'État et de gouvernement ou leurs représentants ministériels seront présents. « Je souligne ce mot véritablement exceptionnel dans un contexte qui est de très haute volatilité et d'inquiétude aussi pour la suite de la guerre en Ukraine », souligne-t-on à l'Élysée.
Interrogé sur l'éventualité d'une défaite de Kiev, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a répondu que « la question de savoir si l'Ukraine perdra, si la situation sera très difficile et s'il y aura un grand nombre de victimes dépend de vous, de nos partenaires, du monde occidental ».
Dans une situation compliquée sur le plan opérationnel, Kiev, qui manque d'hommes et d'armes, notamment de munitions, a besoin d'un soutien très important de la part de ses alliés occidentaux, dont l'Europe. Les forces armées ukrainiennes consomment 5.000 obus environ par jour, le groupe français Nexter par exemple ne produit que 20.000 obus de 155 mm par an. « Cette réunion est exceptionnelle au sens où elle vise à remobiliser et examiner tous les moyens de soutenir l'Ukraine efficacement », explique-t-on à l'Élysée. Cette réunion a « pour objectif très clair d'envoyer le signal de notre détermination (face à la Russie, ndlr) et aussi de pouvoir prendre des dispositions opérationnelles dans l'unité et dans l'action », précise-t-on.
Une aide pas la hauteur des enjeux
La victoire face à la Russie « dépend de vous », a également lancé dimanche Volodymyr Zelensky à ses alliés occidentaux dont il attend armes et munitions. À l'occasion de sa visite en France, Paris et Kiev se sont mis d'accord sur un paquet d'aides bilatérales, qui prévoit jusqu'à trois milliards de soutiens français à l'Ukraine en 2024, qui font suite aux 2,1 milliards déjà dépensés en 2023 et au 1,7 milliard en 2022. Pour sa part, la Suède a récemment annoncé une nouvelle aide militaire record à l'Ukraine sous forme d'équipements d'un montant d'environ 633 millions d'euros. Pour sa part, l'Allemagne a annoncé mettre à disposition 8 milliards d'euros en 2024 pour
l'Ukraine.
C'est à la fois beaucoup pour un pays comme la France dans une situation financière compliquée ou encore la Suède et finalement très peu à l'échelle des besoins opérationnels de l'Ukraine en guerre. « Nous sommes déterminés, nous sommes motivés et nous sommes engagés pour la victoire de l'Ukraine, pour que la Russie ne gagne pas cette guerre et pour que la sécurité et la stabilité de l'Europe ne souffrent pas davantage de l'agressivité de la Russie », assure-t-on à l'Élysée. Mais Kiev attend aussi et surtout désespérément l'aide américaine de 60 milliards de dollars promise par l'administration Biden mais bloquée par les Républicains au Congrès.
Des armes livrées en retard
Selon l'Élysée, « compte tenu de cette nécessité pour l'Ukraine, pour nous-mêmes, pour la stabilité et la sécurité en Europe, mais je dirais au-delà pour la stabilité de l'ordre international, nous devons examiner les moyens de faire plus et de faire mieux ensemble ». Il y a urgence. D'autant que « le contexte est difficile : c'est celui d'une dureté constatée sur le terrain, c'est celui aussi d'un durcissement de l'attitude de la Russie à l'égard de l'Ukraine et à l'égard des partenaires de l'Ukraine », explique-t-on à la présidence de la République. En outre, la moitié des armes occidentales promises à Kiev sont livrées avec du retard, selon le ministre ukrainien de la Défense, Roustem Oumerov.
« Nous, nous savons que les équipements que nous livrons à l'Ukraine sont particulièrement performants, qu'il s'agisse des canons Caesar qui sont déployés sur le terrain, à l'inverse de certains matériels plus lourds qui, eux, coûtent plus cher mais ne sont pas sur le terrain, ou comme les missiles Scalp avec des frappes dans la profondeur qui sont aujourd'hui des armes très efficaces, et nécessaires aux Ukrainiens. C'est cela que nous livrons et que, par exemple, l'Allemagne ne livre pas », a-t-on expliqué à l'Élysée en réponse à une journaliste allemande, qui s'étonnait qu'une telle réunion se tienne à Paris, et non à Berlin, qui est le premier fournisseur d'armes européen à l'Ukraine.
A l'Élysée, on compte sur un renforcement de l'aide dans la cyber, la défense aérienne, le déminage. Les alliés de l'Ukraine vont envoyer des matériels très sophistiqués qui vont bientôt arriver en Ukraine, notamment des avions de combat, de matériels d'artillerie, de drones, etc... Pour autant, cette réunion ne devrait pas l'occasion de nouvelles annonces d'équipements militaires. « Ce n'est pas l'objet de la réunion », assure-t-on à l'Élysée, qui estime que « quelles que soient nos différentes sensibilités ou les enjeux intérieurs, nous puissions nous mobiliser à la hauteur du défi en Ukraine ».