Ukraine : alimentation électrique rétablie à Tchernobyl; Rosatom vérifie le niveau de radiation de la centrale nucléaire bombardée de Zaporojie

L'alimentation électrique du site nucléaire de Tchernobyl a été rétablie dimanche, a annoncé l'agence nucléaire ukrainienne Energoatom, citant le ministre ukrainien de l'Energie. Vendredi, des responsables du géant du nucléaire russe, Rosatom, sont arrivés à la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporojie, bombardée le 4 mars et occupée depuis par les Russes, se disant là pour vérifier le niveau de radiation. Après Tchernobyl puis Zaporojie, l'armée russe pourrait tenter de s'emparer d'une troisième centrale nucléaire, Konstantinovka, dans le sud de l'Ukraine. Une stratégie visant à affaiblir la résistance ukrainienne.
(Crédits : GLEB GARANICH)

Complètement déconnectée mercredi dernier du réseau électrique en raison des actions militaires des forces russes, l'alimentation électrique du site nucléaire de Tchernobyl a été rétablie ce dimanche. C'est ce qu' a annoncé l'agence nucléaire ukrainienne Energoatom, citant le ministre ukrainien de l'Energie.

"Aujourd'hui, grâce aux efforts incroyables des spécialistes d'Ukrenergo (l'opérateur ukrainien du site), nos ingénieurs nucléaires et nos électriciens ont réussi à rétablir l'alimentation électrique de la centrale de Tchernobyl, saisie par les occupants russes", a indiqué le ministre, Guerman Galouchtchenko, dans un communiqué publié par Energoatom.

"Désormais, les systèmes de refroidissement des assemblages combustibles vont fonctionner de nouveau normalement, et plus grâce à des générateurs de secours", a-t-il ajouté.

Pour autant, un autre danger menace le site. Le personnel gérant les complexes de déchets radioactifs à la centrale nucléaire de Tchernobyl a arrêté de procéder aux réparations de sécurité car ils sont épuisés, n'ayant pas été remplacés depuis que la Russie a pris le contrôle du site le mois dernier, l'Ukraine a prévenu l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

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Pas d'impact majeur sur la sécurité

La coupure de l'alimentation électrique ne présentait "pas d'impact majeur sur la sécurité, selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), alors que le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba avait averti que la centrale disposait de générateurs de secours d'une capacité de 48 heures seulement. Situé dans une zone d'exclusion, le site comprend des réacteurs qui ont été déclassés après l'accident de 1986, dont le réacteur numéro 4 recouvert d'un sarcophage, et des dépôts de déchets radioactifs. Le réacteur accidenté lui-même ne pose pas de problème, a récemment expliqué à l'AFP Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Car "le cœur fondu n'a pas besoin de système de refroidissement". Le stockage dans la piscine de 20.000 assemblages combustibles ne présentait pas non plus de danger. Compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis 1986, "la charge thermique de la piscine et le volume de l'eau de refroidissement étaient suffisants pour assurer une évacuation efficace de chaleur sans électricité", avait estimé l'AIEA.

Ces assemblages anciens "sont relativement froids", et même si l'électricité n'est pas rétablie après 48 heures, "il n'y a pas de danger de rejets radioactifs selon ce que l'on sait des installations", confirme Karine Herviou. Dans un tel cas, des études réalisées après l'accident de la centrale de Fukushima au Japon en mars 2011 "montrent une montée lente en température de l'ordre de jusqu'à 60°C mais pas de dénoyage des assemblages". "L'eau va se réchauffer progressivement mais ne va pas être portée à ébullition", expliquait-elle. Une coupure de courant "poserait plus de problèmes" dans les quatre centrales en fonctionnement du pays, "où il faut absolument assurer un refroidissement du combustible présent", estime la responsable de l'IRSN.

"La chaleur à évacuer y est beaucoup plus importante" qu'à Tchernobyl.

Les réacteurs ukrainiens disposent de systèmes d'urgence, avec quatre groupes électrogènes de secours qui normalement ont du carburant pour fonctionner 7 à 10 jours. "Ils ont aussi des équipements mobiles sur le site, des réserves en eau, pour gérer la situation et normalement éviter une dégradation du cœur", ajoutait Karine Herviou.

Des employés russes de Rosatom à Zaporojie

Dans le communiqué publié ce dimanche, le ministre a souligné que l'Ukraine n'avait "besoin de l'aide de personne pour fournir ou restaurer l'électricité" sur ses infrastructures. Une allusion à l'arrivée, vendredi, de onze employés du géant du nucléaire russe, Rosatom, dans la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporojie, la plus grande d'Europe, tombée aux mains des Russes le 4 mars dernier à l'issue d'un assaut marqué par des bombardements sur la centrale qui avaient provoqué un incendie.

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L'arrivée de ces personnels russes vise à vérifier le niveau de radiation et aider à réparer la centrale selon l'agence ukrainienne Energoatom.  Ses réacteurs ont été mis en service entre 1985 et 1995. Ils sont de conception moderne comparé à Tchnernobyl, première centrale construite dans le pays, en 1970, où les réacteurs étaient bien moins sécurisés. Avec six réacteurs VVER-1000 de conception soviétique, la centrale de Zaporojie, inaugurée en 1985, dispose d'une capacité totale de près de 6.000 mégawatts, assez pour fournir en électricité environ quatre millions de foyers.

"La centrale est considérée comme un territoire russe"

Toujours selon Energoatom, l'un des Russes arrivés à la centrale avec les ingénieurs, qui s'est présenté comme le nouveau responsable de l'administration militaro-civile locale, a affirmé au personnel que la centrale était désormais considérée territoire russe et dépendante de Rosatom. Dans un communiqué, Rosatom a confirmé l'envoi de spécialistes russes, mais a indiqué que le fonctionnement de la centrale de Zaporojie, comme celle de Tchernobyl, restait assuré par le personnel ukrainien. Les spécialistes russes sont là pour "conseiller" les équipes ukrainiennes, a-t-il ajouté.  Cela inclut "la restauration de l'alimentation électrique de la centrale de Tchernobyl et le système de protection physique de la centrale de Zaporojie", avait expliqué vendredi l'opérateur russe.

"Les activités visant à garantir la sûreté de l'exploitation des centrales nucléaires ukrainiennes sont menées en contact étroit avec la direction de l'AIEA", assure Rosatom.

Dans la centrale de Zaporojie, les générateurs sont prêts si nécessaire, a indiqué cette semaine l'AIEA, précisant que deux des quatre sources d'alimentation électrique externes ont apparemment été "endommagées".

Prochaine prise, Konstantinovka, dans le sud de l'Ukraine ?

L'inquiétude autour du risque nucléaire en Ukraine ne cesse de monter depuis que deux des quatre centrales nucléaires ukrainiennes sont passées aux mains de l'armée russe, celle de Tchernobyl et celle de Zaporojie, dont la prise a fait trembler le monde.

Après Tchernobyl puis Zaporojie, l'armée russe pourrait tenter de s'emparer d'une troisième centrale nucléaire, Konstantinovka, dans le sud de l'Ukraine. Une stratégie visant à affaiblir la résistance ukrainienne, qui pourrait ouvrir la porte aux pires scénarios.

Avec 15 réacteurs, disséminés sur quatre sites, l'Ukraine est le 7e producteur mondial d'énergie nucléaire, l'atome étant à l'origine de la moitié de son énergie, selon les données de l'AIEA.

"Cela permet de couper l'approvisionnement aux grandes villes. Qui dit plus d'électricité dit plus de chauffage, plus d'eau courante, plus de frigidaires, de congélateurs (...) L'un des objectifs des Russes est de faire partir les gens, d'user les capacités et la volonté de défendre des résistants ", expliquait récemment à l'AFP Jean-Marc Balencie, un analyste en relations internationales.

"Ils vont vouloir prendre toutes les centrales pour accentuer leur pression", anticipe une source militaire française.

Alors que le président russe Vladimir Poutine a assuré à son homologue français Emmanuel Macron qu'il "n'était pas dans son intention de procéder à des attaques des centrales nucléaires", les trois réacteurs de la centrale de Konstantinovka (sud), situés entre Kherson, première grande ville occupée par les Russes, et Odessa, l'un de leurs principaux objectifs, pourraient être à portée d'obus dans quelques jours.

Le chef de l'AIEA veut se rendre en Ukraine

Le chef de l'AIEA, Rafael Grossi, a proposé de se rendre en Ukraine pour établir un cadre garantissant la sécurité des sites nucléaires pendant le conflit. Depuis le début de l'invasion russe, M. Grossi met en garde contre les dangers du conflit, le premier à se dérouler dans un pays doté d'un vaste programme nucléaire.

"Cette fois, si un accident survient, la cause ne sera pas un tsunami causé par Mère nature mais le résultat de l'incapacité humaine à agir au moment où nous savions que nous le pouvions et le devions", avait-il lancé en début de semaine dernière.

Commentaire 1
à écrit le 14/03/2022 à 8:09
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Russes = méchants = risque de sabotages des centrales nucléaires ? Ca va pas trop votre raisonnement là hein, ils vont pas se tirer une balle dans le pied.

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