Dans deux mois, jour pour jour, Giorgia Meloni célébrera le premier anniversaire de son accession au pouvoir. S'y maintenir constitue déjà une victoire en soi, tant les coalitions valsent vite en Italie. Cela aurait pu être le destin de son union des droites avec feu Silvio Berlusconi et Matteo Salvini, alliés de circonstances. Mais la bonne tenue de l'économie italienne, en dépit de ses fragilités persistantes, conforte son gouvernement, accueilli avec méfiance voire hostilité par Bruxelles, en raison de la filiation du mouvement « post-fasciste » lancé après 1945 par d'anciens hiérarques de Mussolini.
En effet, selon les prévisions de Rome, la croissance devrait progresser de 0,9% en 2023, mieux que la France et ses 0,7% attendus ou que la récession qui frappe l'Allemagne et la zone euro. Le taux du chômage à 7,6% n'ont jamais été aussi bas depuis trois ans. Les profits des sociétés italiennes dépassent de 15% leur niveau d'avant la pandémie. Ces indicateurs dans le vert se reflètent dans l'indice de la Bourse de Milan, en hausse de 22% depuis le début de l'année, mieux que le S&P500 et tous les autres marchés européens.
« Rien n'est le fait de Giorgia Meloni » (Francesco Saraceno, OFCE)
L'Italie profite de la chute de l'euro qui favorise le rebond des exportations industrielles, dont les prix sont rendus plus compétitifs, pour réussir un rattrapage post-Covid plus rapide que les exportations françaises ou allemandes. La Botte a également bénéficié du retour des touristes extra-européens après la pandémie et de l'attrait d'un taux de change favorable. « Rien dans la dynamique du chômage, du PIB, de la dette ou de l'inflation n'est le fait de Giorgia Meloni », dont « la réforme fiscale ne produira son effet qu'à partir de l'année prochaine », tranche Francesco Saraceno, économiste à l'OFCE. « Même sur la croissance, l'Italie profite encore du rebond post-Covid. Ayant chuté plus fort, on rebondit plus fort », souligne-t-il.
L'inflation, qui faisait craindre les pires maux pour la dette, s'avère être d'un secours inattendu pour les finances publiques. « L'inflation a, en effet, plus enflé les recettes qu'elle n'a, pour l'instant, alourdi la charge de la dette publique, permettant au gouvernement de mener une politique particulièrement généreuse depuis 2020, tout en profitant d'un désendettement accéléré », observe l'économiste Véronique Riches-Flores, dans une note de conjoncture publiée la semaine dernière, précisant que l'endettement public italien devrait diminuer de 10 points de PIB entre 2021 et 2023.
La dette, éternel problème
Equivalente à 143,5% du PIB, la masse de la dette met sous pression le gouvernement, à la merci d'une envolée des taux souverains qui rendrait insoutenables les intérêts de sa dette. Mais depuis ses premiers jours à la tête du pays, Giorgia Meloni a adopté un ton modéré à l'égard de l'Union européenne dont elle avait usé pendant sa campagne de 2022, tout en utilisant une rhétorique offensive sur l'immigration et le sociétal.
« Giorgia Meloni, contrainte et forcée, s'inscrit globalement dans la continuité de l'action de Mario Draghi en matière économique, au risque de décevoir les électeurs qui ont cru à ses multiples promesses électorale », commente dans une analyse de l'Institut Montaigne Marc Lazar, historien et sociologue spécialiste de l'Italie, qui considère que jusqu'ici l'économie a constitué « la priorité de Giorgia Meloni ». L'universitaire met à l'actif du gouvernement Meloni les mesures d'aides aux ménages et à certains secteurs face à la flambée des prix, via des crédits d'impôts ou de la baisse de la TVA sur le gaz, tout en cherchant à assainir les comptes publics. De ses négociations avec Bruxelles, Rome cherche à obtenir le déblocage de tous les fonds du plan de relance italien, conçu sous le mandat de Mario Draghi.
Déjouant les prévisions, l'écart entre les intérêts sur la dette allemande, référence en Europe, et ceux de la dette italienne n'a lui pas viré au gouffre. Le « spread » s'est même réduit depuis son élection, signe que son programme économique effraie de moins en moins les marchés. Les élections européennes de 2024, pour lesquelles les sondages donnent son parti, Fratelli d'Italia, en tête, pourraient contribuer à normaliser un peu plus Giorgia Meloni et son gouvernement.