Européennes : comment l'affaire Bayou percute les écolos

Déjà inaudibles, Les Écologistes sont rattrapés par la plainte visant leur ancien numéro un. Récit d’une semaine où tout a explosé.
Marie Toussaint et Julien Bayou, à Paris en février.
Marie Toussaint et Julien Bayou, à Paris en février. (Crédits : © LTD / Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)

La nouvelle est tombée dans les boîtes mails à 1h08 du matin dans la nuit de lundi à mardi. Sans avoir prévenu personne de la direction, Julien Bayou annonce dans un long message sa démission du parti Les Écologistes comme du groupe parlementaire à l'Assemblée nationale. Le député de 43 ans, ancien numéro un du mouvement, espère ainsi mettre fin à une histoire kafkaïenne qui dure depuis presque deux ans et qui a pris une nouvelle tournure début mars. Son ancienne compagne, Anaïs Leleux, militante dans le parti, a porté plainte contre lui pour harcèlement moral et abus de faiblesse, comme l'a révélé le site Les Jours. L'affaire aurait pu en rester là, en attendant que la justice ne s'en empare puis livre ses conclusions. Mais en une semaine, les choses ont pris une tout autre tournure.

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Le 27 mars, le groupe écologiste de l'Assemblée nationale doit se réunir pour se prononcer sur le cas du député parisien, déjà suspendu à titre conservatoire. Faut-il aller plus loin, en l'excluant du groupe dont il s'est lui-même mis en retrait ? Julien Bayou appelle plusieurs députés pour exposer sa défense. La veille, il envoie aussi un mail de douze pages à ses 21 collègues : « Y aurait-il encore un groupe à la fin du mandat ? La question se pose si la moindre plainte, fondée ou non, entraîne suspension, départ du groupe et/ou exclusion. » L'élu parisien rentre dans les détails intimes de sa relation avec Anaïs Leleux, de leur rupture à la maison qu'ils ont achetée ensemble, en passant par les « chantages, menaces et intimidations » dont il dit faire l'objet, la tentative de suicide de son ex-compagne, les échanges de textos... Dans ce document « confidentiel » figurent aussi des captures d'écran des stories Instagram d'Anaïs Leleux.

Lorsque les députés se réunissent pour acter le sort réservé à Julien Bayou, beaucoup pensent alors sa suspension acquise. La députée de Paris, Sandrine Rousseau, qui avait révélé l'affaire sur le plateau de C à vous en septembre 2022, ne participe même pas au vote, tant le résultat semble faire peu de doutes. La majorité qualifiée de 60 % des effectifs du groupe, nécessaire pour le suspendre, n'est finalement pas atteinte. Aussitôt, dans les boucles WhatsApp, les messages défilent : « On ne peut pas laisser faire ça. » Plusieurs adhérents menacent de faire une grève militante pour la campagne des européennes. Jusqu'à quel point cette affaire peut-elle plomber la candidate Marie Toussaint ?

« J'invite toutes celles qui le souhaitent à parler en confiance, [...] ça dessinera en pointillé un tableau » (Sandrine Rousseau)

Face à cette colère de plus en plus audible, Marine Tondelier, qui avait pris la place de Julien Bayou à la tête du parti en 2022, est sommée de réagir. D'autant que la plainte d'Anaïs Leleux est aussi déposée contre X pour « non-assistance à personne en danger». C'est en réalité EELV qui est directement visé, alors que la cellule interne du parti sur les violences sexuelles et sexistes, qui s'était autosaisie en septembre 2022, n'avait finalement mené aucune audition et rendu aucune conclusion à l'hiver 2023. Le parti veut à tout prix éviter de reproduire un tel fiasco.

Le week-end dernier, le bureau exécutif du mouvement décide de confier au cabinet Pisan, des avocates spécialisées dans les violences sexuelles et sexistes, le soin de mener une enquête externe, avec un appel à témoignages anonymes aux militantes du parti concernant Julien Bayou. « J'invite toutes celles qui le souhaitent à parler en confiance, même pour ce qu'elles considèrent être un tout petit machin, ça dessinera en pointillé un tableau », plaide Sandrine Rousseau auprès de La Tribune Dimanche. Comme il l'écrit dans son mail de démission, Julien Bayou y voit « un appel pur et simple à la délation » et menace de porter plainte contre le parti si cette enquête se poursuit.

Au sein de la direction des Écologistes, on assure avoir reçu, depuis le dépôt de plainte d'Anaïs Leleux, plusieurs témoignages visant Julien Bayou, mais on refuse de donner un chiffre et de préciser leur nature. « Faire appel à un cabinet extérieur est une façon d'objectiver les choses en toute indépendance et de juger d'éventuels faits au regard de notre code de déontologie.

C'est du droit disciplinaire dans ce qu'il y a de plus classique, comme le feraient toutes les grandes entreprises », fait-on valoir. « On crée un espace sécurisé où entendre les personnes qui prennent la parole », défend aussi la présidente du groupe à l'Assemblée nationale, Cyrielle Chatelain, qui admet par ailleurs : « On tâtonne parce que c'est humainement très difficile et douloureux pour les deux partis. On est sur une ligne de crête entre la présomption d'innocence et la présomption de vérité de la parole des femmes. Ce sont deux légitimités qui s'opposent. »

La candidate aux élections européennes Marie Toussaint est, elle aussi, mise en cause par Anaïs Leleux dans ses stories Instagram. Sur l'une d'elles, on peut lire par exemple : « Elles vont être longues ces européennes si @eelvfr, @marie_touss1, et @groupeecologiste continuent à nous prendre pour des con-nes. Enfin surtout le parti. » Quasiment inaudible, la tête de liste des écologistes tente d'avancer - elle présentera son projet dans les prochains jours et donnera plusieurs meetings, dont un à Paris le 14 avril - mais le sujet la rattrape naturellement à chaque interview. « Si les médias ont envie que ça soit un débat, peut-être que ça percutera notre campagne... », souffle un proche de Marie Toussaint.

Les deux mois à venir risquent d'être d'autant plus pénibles que le feuilleton autour de l'affaire Bayou n'est pas clos. Le conseil politique régional d'Île-de-France des Écologistes, seul habilité à trancher sur son expulsion définitive, d'après les statuts du parti, se réunira le 27 avril. En parallèle, l'enquête menée par le cabinet d'avocates suivra bien son cours et devrait rendre ses conclusions en mai-juin, potentiellement au même moment que les élections européennes. Anaïs Leleux, elle, promet de faire de cette séquence « le procès féministe du siècle » et assure sur Instagram que, quand bien même sa plainte serait classée, elle ira en appel, en cassation et même devant la Cour européenne des droits de l'homme : « On en a pour des années, les gens. »

Commentaires 3
à écrit le 08/04/2024 à 9:50
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Ces donneurs de leçons pris dans la tourmente n'inspirent aucune compassion , de n'importe quel bord qu'ils soient !

à écrit le 07/04/2024 à 18:29
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on voit bien le visage des hypertolerants, qui ont plein de lecons de morale a donner, tout en expoliquant pourquoi ils ont de bonnes raisons de ne pas etre concernes! bon, cela dit, ca va, l'ecologie etant le cadet de leur souci, face au vivre ensem...

à écrit le 07/04/2024 à 10:52
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La devise des écolos : faites ce que je dis, pas ce que je fais. Les plus beaux spécimens écolos sont Royal De Rugy Placé Baupin Rousseau etc justes bons à donner des leçons aux monde entier. L'écologie politique est un poison .

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