![Dans les rues de Lyon le 22 mai.](https://static.latribune.fr/full_width/2379116/toussaint.jpg)
Quand rien ne va, un non-événement peut vite tourner au règlement de comptes. Le 7 mai, François Hollande a reçu Marine Tondelier pour un petit déjeuner, comme le relatait La Tribune Dimanche la semaine dernière. Sur le papier, que la secrétaire nationale du parti écologiste discute de manière informelle avec un ancien président socialiste n'a rien de vraiment curieux. Pourtant, le seul fait que cette rencontre ait eu lieu a suffi à provoquer une salve de critiques en interne, obligeant Marine Tondelier à se justifier.
La patronne des Écologistes a dû répondre à un appel de militants qui lui reprochent d'avoir vu l'ancien président « sans mandat ou information de [leurs] instances internes ». Le collectif Vert.es Unitaires dénonce dans un mail « des discussions stratégiques sur l'avenir de la gauche sans aucune transparence, qui restent confinées entre cadres et dirigeant·es, sans que les militant·es aient le moindre mot à dire ». Réponse de Marine Tondelier, par mail toujours : « Vous n'avez pas confiance en François Hollande ? C'est donc parfait, ça nous fait un point commun. Mais alors pourquoi prendre pour argent comptant une microbrève naze, dont la simple lecture montre qu'elle a été dictée par lui et pour lui ? Ce monsieur prend manifestement ses rêves pour des réalités... Mais on n'est pas obligés de faire pareil entre nous ici. » Avant de leur reprocher de ne pas avoir été conviée à leur dernière journée de travail : « J'aurais eu plaisir, dans le cas inverse, à vous tenir au courant de ce que nous faisons, pourquoi et comment. N'hésitez pas à m'inviter à votre prochaine réunion... je viendrai avec plaisir ! Il n'est jamais trop tard. » Le tout ponctué de smileys.
« J'ai quinze jours pour convaincre »
Tout devient abrasif en cette fin de campagne pénible pour les Écologistes. Leur candidate, Marie Toussaint, se dirige vers les 5% dans les sondages. Mais à deux semaines du verdict, la trentenaire affiche un grand sourire et répète que « ça va ». « Je suis combative et déterminée. J'ai quinze jours pour mener bataille, pour convaincre. Tout reste possible. Je vise encore un score à deux chiffres », maintient la députée européenne.
Ses soutiens sont plus défaitistes. « Par la force des choses, on n'est pas dans le game », constate un membre du parti. « Depuis le début, on n'imprime pas. On a du mal à savoir à qui on parle. Et il y a un énorme backlash [tollé] sur les Écologistes, avec ce discours selon lequel nous sommes le problème », ajoute un autre. À mesure que Raphaël Glucksmann progresse dans les sondages, Marie Toussaint continue sa descente. « Sans doute nous n'avons pas eu les mots qui ont permis de mobiliser l'électorat de la gauche écologiste, qui choisit celui en tête », déplore la députée écologiste Sandrine Rousseau. Daniel Cohn-Bendit avait, lui, fait en décembre le choix de soutenir Raphaël Glucksmann : « Le problème des Verts français, c'est qu'ils disent exactement la même chose que Raphaël. La majorité de l'électorat ne voit pas la différence, donc ils jugent la meilleure incarnation. Ils ont fait une erreur en ne s'associant pas à sa liste », juge l'ancien député européen. José Bové plaidait comme lui pour l'union. Il s'était même affiché en janvier au côté du fondateur de Place publique, mais il a fini cette semaine par soutenir Marie Toussaint.
La juriste en droit international de l'environnement en veut à Raphaël Glucksmann pour cette phrase - « Il faut sortir l'écologie politique de son ghetto » - dans le média écolo Reporterre. Si la députée européenne ne fait pas confiance à son rival pour traduire son ambition écologique, c'est notamment en raison de la composition de sa liste, où certains incarnent, selon elle, « les faux-semblants socialistes », en soutenant par exemple le projet contesté de l'autoroute A69. La candidate qui prône le concept de « douceur » en politique reproche par ailleurs au leader LFI sa « brutalisation ». « Je refuse de céder à la guerre des gauches. Jean-Luc Mélenchon tend le débat. Il veut diviser aujourd'hui dans l'espoir de fracturer et de réunir derrière lui demain. C'est une faute. Il peut et doit faire mieux, car la gauche a besoin de son talent », estimet-elle.
« On a un vent brun de face »
Pourtant, en théorie, les Écologistes ont tout pour réussir. D'abord, cette élection est traditionnellement un scrutin qui leur est favorable. Ensuite, ils portent une question qui n'a jamais été aussi structurante dans le débat public. La lutte contre le changement climatique arrive en tête des principaux enjeux de la campagne, selon un sondage Ipsos. Enfin, la candidate qu'ils ont choisie était certes inconnue il y a quelques mois encore, mais sur le fond elle est légitime (c'est elle qui a mené « l 'affaire du siècle », aboutissant à la condamnation de l'État pour inaction climatique). « Techniquement, elle est super bonne, mais ça n'est pas le bon moteur, analyse une ministre. Ils ont commencé à se cramer à leur université d'été avec le rappeur Médine, ils se sont trop LFisés. »
Si une liste descend sous le palier des 5%, aucun député n'est envoyé au Parlement européen. C'est désormais cette perspective qui hante les Écologistes français. Et s'ils étaient éliminés de l'hémicycle ? Depuis 1994 et les 2% de Brice Lalonde, cela ne leur est plus jamais arrivé. Ce serait pour eux une bascule après les 13,5% de Yannick Jadot en 2019, qui avaient permis d'envoyer 13 élus au Parlement. « Il y a cinq ans, on avait le vent dans le dos. Aujourd'hui, on a un vent brun de face », résume un conseiller de Marie Toussaint.
En 2019, les sondages donnaient jusque dans les derniers jours Yannick Jadot autour des 7%, et il avait finalement recueilli presque le double des voix. Cet exemple laisse aux Écologistes tous les espoirs possibles. Mais à ce moment-là, des marches pour le climat avaient lieu partout dans le monde. À ce moment-là aussi, la question etait toujours posée au candidat : « Puisque tout le monde est devenu écologiste, pourquoi faudrait-il voter écologiste ? » Une question qui semble rester pour l'heure sans réponse.