![Gabriel Attal ce samedi à Matignon.](https://static.latribune.fr/full_width/2379060/gabriel-attal.jpg)
LA TRIBUNE DIMANCHE - En Nouvelle-Calédonie, les premiers appels au calme exprimés par les forces indépendantistes vous semblent-ils à la hauteur de ce qu'a demandé Emmanuel Macron lors de son déplacement sur place jeudi ?
GABRIEL ATTAL - La situation s'améliore progressivement, mais elle reste tendue et un rien peut encore la faire vaciller. Je rappelle qu'il y a eu 400 interpellations d'émeutiers depuis le début de la crise, des dizaines et des dizaines de barrages levés. On a aujourd'hui 3400 policiers et gendarmes qui sont engagés et je veux leur rendre hommage. Certains l'ont payé de leur vie. J'ai eu l'occasion ce vendredi de présider l'hommage national qui a été rendu au major Salou et au maréchal des logis-chef Molinari, qui ont perdu la vie lors de ces émeutes. Aujourd'hui, il reste encore des violences qui sont d'une gravité inacceptable, des barrages, des pillages. Dès le début de cette crise, l'ensemble des forces politiques locales a appelé au calme et à la fin des violences. À l'occasion du déplacement du président de la République, elles ont eu l'occasion, y compris les indépendantistes, de réaffirmer cet appel. Il faut maintenant que celui-ci soit entendu et suivi d'effet. Il ne peut pas y avoir de dialogue serein au milieu des violences. La mission annoncée par le président de la République va permettre d'établir des contacts avec chacune des forces politiques, ainsi qu'entre elles. Je crois profondément qu'une solution politique globale est possible. Je n'étais pas né au moment des premiers accords de Matignon en 1988, mais j'ai appris l'histoire de notre pays et je sais que la Nouvelle-Calédonie a toujours trouvé des forces extraordinaires en elle pour avancer et se construire.
Sur la question du dégel du corps électoral, le chef de l'État a affirmé qu'il ne passerait pas en force. Cela signifie-t-il que le Congrès sera reporté ?
Le président de la République a clairement dit qu'il ne convoquerait pas immédiatement le Congrès. À Nouméa, il a affirmé vouloir donner toutes ses chances au dialogue. Une mission travaille. Un point d'étape sera fait dans un mois sur les avancées du dialogue avec les forces politiques locales. Il nous permettra de prendre une décision.
La date de fin juin reste donc sur la table ?
Je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit le président de la République. Il m'a semblé très clair. Nous ferons un point dans un mois pour mesurer l'avancée des discussions et leur impact sur le calendrier.
Le dossier néo-calédonien va-t-il revenir à Matignon, comme c'était la tradition ?
J'ai vu que ce débat animait beaucoup de commentateurs et même d'acteurs chargés précédemment du dossier. Moi, je suis Premier ministre, donc je considère que mon rôle est d'intervenir sur les dossiers interministériels qui concernent l'ensemble des politiques gouvernementales. La Nouvelle-Calédonie en fait évidemment par essence partie, a fortiori dans un moment de crise comme aujourd'hui. Depuis que celle-ci a commencé, j'ai déjà présidé cinq cellules interministérielles de crise et réuni l'ensemble des forces parlementaires et les présidents de l'Assemblée et du Sénat pour échanger sur ce dossier. Je prendrai toute ma part dans le processus qui s'ouvre.
Et quand vous rendrez-vous sur place ?
On verra en fonction de l'utilité. Un déplacement là-bas de ma part, après celui du président de la République, doit permettre la progression du dialogue et l'atteinte d'un accord global. Le président de la République a eu l'occasion de nous le dire en Conseil des ministres : il souhaite que le Premier ministre s'implique en première ligne dans ce processus de dialogue.
Cette semaine, les révélations du Parisien et de BFMTV sur les conditions de détention très lâches de Mohamed Amra ont choqué les Français. Quelles conséquences allez-vous en tirer ?
J'ai lu comme vous ces révélations sur la poursuite par Mohamed Amra depuis sa cellule de diverses activités criminelles. Vous savez qu'il y a un principe de séparation des pouvoirs et que seul le parquet peut communiquer sur un dossier en cours. Des investigations se poursuivent sous la direction de trois juges d'instruction. Il faut les laisser travailler sereinement et faire la lumière sur la totalité de cette affaire. Je vais être très clair. D'abord, la République sera implacable et tous les moyens sont déployés pour que ces assassins soient traqués, retrouvés et jugés. L'enquête progresse, même si je ne peux pas en dire davantage. La violence inouïe de ces crimes ne fait que renforcer notre volonté d'adopter des mesures radicales contre le crime organisé. Beaucoup de professionnels des forces de l'ordre nous disent assister parfois à la bascule de délinquants de droit commun dans une très grande violence, voire dans des organisations criminelles très organisées. Cette évolution de la criminologie doit nous conduire à adapter notre réponse et nos procédures. Le garde des Sceaux a déjà fait un certain nombre d'annonces. À la suite du drame d'Incarville et des négociations avec les syndicats pénitentiaires, il fera des propositions complémentaires prochainement.
Vendredi à Valence, vous avez annoncé vouloir mettre en place des séjours
très courts en foyer pour les mineurs délinquants. Que répondez-vous aux syndicats de la magistrature qui critiquent cela vertement, expliquant notamment que les places manquent ?
Ce n'est pas vrai. Nous disposons aujourd'hui d'un certain nombre d'infrastructures et de foyers dans lesquels il y a un taux de vacance important. Cette mesure qui permet d'avoir des courts moments d'éloignement dès les premiers faits de délinquance m'intéresse beaucoup car il faut qu'on arrive à construire un système où on a des sanctions immédiates, légères mais immédiates, plutôt que d'attendre que les faits s'aggravent. Cela me semble plus efficace en termes éducatifs. Aujourd'hui, on assiste en effet à un rajeunissement de la violence. Les 13-17 ans représentent un Français sur 20, mais chez les auteurs de coups et blessures, c'est un sur dix. Chez les trafiquants de drogue, c'est un sur cinq. Chez les auteurs de vol avec arme, c'est un sur trois. Cela donne une idée de la surreprésentation des mineurs dans des actes de délinquance parfois très graves. Face à cette évolution, pour les actes les plus graves, j'ai annoncé à Valence ce vendredi que nous mettrons en place une forme de comparution immédiate pour les mineurs. Aujourd'hui, si vous avez deux mis en cause pour violence aggravée, un de 18 ans, un autre de 17 ans, le premier sera sanctionné tout de suite et le second ne le sera qu'au bout de huit, voire neuf mois. On va mettre un terme à cela. Nous devons nous donner les moyens de mieux prendre en charge les mineurs délinquants. Dès le premier acte, dès l'école primaire, nous allons nous doter d'une échelle des sanctions beaucoup plus claire et ferme pour répondre aux problèmes de comportement. Enfin, j'ai décidé de mettre en place des mesures pour davantage responsabiliser les parents, y compris par des sanctions, et mieux accompagner ceux qui sont en demande de l'être, notamment les familles monoparentales.