La question trotte dans l'esprit des formations politiques: les élections européennes pourront-elles se tenir en Nouvelle-Calédonie? Pour la deuxième semaine d'affilée, l'archipel est en proie à des émeutes. En déplacement jeudi, le président de la République, Emmanuel Macron, a fixé pour objectif de « rétablir l'ordre dans les jours à venir ». Mais la mobilisation des indépendantistes, lancée à la suite de l'annonce du dégel du corps électoral par le gouvernement, se poursuit. Vendredi, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a déploré un septième décès et a rappelé que des « opérations des forces de sécurité intérieure » étaient toujours en cours dans plusieurs quartiers de la capitale, Nouméa.
Dans ce contexte encore tendu, le déroulement du scrutin du 9 juin reste incertain. D'après nos informations, la situation est telle en Nouvelle-Calédonie que les locaux traditionnellement utilisés pour stocker le matériel électoral sont réquisitionnés par les forces de l'ordre. Questionné, le ministère de l'Intérieur, chargé de l'organisation des élections, se veut rassurant : « Le sujet est parfaitement identifié. Il y aura bien des élections européennes en Nouvelle-Calédonie. »
Mardi, la commission nationale de propagande a reçu, les unes après les autres, les équipes de campagne de chaque liste pour vérifier la conformité des documents et bulletins de vote dont les partis politiques ont la charge. « On nous a expliqué qu'il n'y a plus d'imprimeries qui fonctionnent en Nouvelle-Calédonie, glisse un proche de François-Xavier Bellamy, tête de liste des Républicains pour le 9 juin. Des représentants du ministère ont évoqué les différentes options pour acheminer les bulletins de vote sur place. » Mais d'après Beauvau, il est encore tôt pour annoncer les modalités précises du scrutin.
De mémoire de constitutionnaliste, rares sont les précédents. Ironie du sort, « la dernière campagne électorale perturbée remonte au troisième vote du référendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, maintenu malgré une résurgence de l'épidémie de Covid et qui a mené à la situation actuelle sur l'archipel », rappelle Jean-Philippe Derosier, titulaire de la chaire d'études parlementaires à l'université de Lille. Le constitutionnaliste se souvient d'un scrutin à la Réunion en 1973 : « Le second tour avait été reporté d'une semaine en raison du passage d'un cyclone très puissant sur l'île. »
Plusieurs scénarios se dessinent en fonction de l'évolution de la situation en Nouvelle-Calédonie. « Si le scrutin venait à être désorganisé à cause d'une situation incontrôlable, il faudrait le réorganiser à la date la plus proche possible dès que les tensions seraient apaisées, explique le constitutionnaliste. La date butoir est celle de l'ouverture de la nouvelle session inaugurale du Parlement européen qui s'ouvre le 16 juillet. On pourrait donc avoir un scrutin jusqu'au dimanche 14 juillet. » La possibilité d'un vote sur Internet n'est pas envisageable car elle n'est pas prévue par la loi. « Il faudrait faire voter une loi dérogatoire et cela nécessiterait un déploiement de technologie trop important », conclut Jean-Philippe Derosier. Deux conditions trop difficiles à réunir dans le temps imparti. Sur le Caillou, à 17000 kilomètres de Paris, certains électeurs nous ont confié s'être désintéressés des élections depuis que les émeutes ont débuté.
