Mélenchon, les raisons de la colère

Le leader des Insoumis se dit sidéré par le procès en antisémitisme qui lui est intenté et qui empoisonne la campagne des européennes de la liste de Manon Aubry.
À Lille le 18 avril, le patron de LFI, au côté de la militante franco-palestinienne Rima Hassan, dénonce la censure dont son mouvement ferait l’objet.
À Lille le 18 avril, le patron de LFI, au côté de la militante franco-palestinienne Rima Hassan, dénonce la censure dont son mouvement ferait l’objet. (Crédits : © LTD / FRANÇOIS LO PRESTI/AFP)

Ce jeudi, attablé dans un restaurant italien du centre de Lille, Jean-Luc Mélenchon se dit « triste ». À 72 ans, le leader des Insoumis en a pourtant vu beaucoup, mais, tout de même, les dernières heures lui laissent un goût amer. Que l'université de la ville ait annulé la veille sa conférence sur la Palestine avec la très médiatique juriste franco-palestinienne Rima Hassan le stupéfie. Lui qui a passé sa licence de philosophie, qui se définit comme un « éternel professeur », empêché de discourir devant des étudiants, comme il aime tant le faire, c'est impensable.

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À l'origine de cette décision, le logo de l'association étudiante Libre Palestine, qui a convié le tandem d'Insoumis à venir disserter face à ses membres. Sur leur carte est dessiné un seul État englobant Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza, laissant libre cours à toutes les interprétations, dont celle niant l'existence d'Israël, ce que l'association récuse. Jean-Luc Mélenchon assure avoir tout découvert de ce logo mercredi, lorsque la polémique était déjà bien entamée : « On s'en fout du logo ! Vous croyez vraiment que je regarde ce genre de trucs ? » Lui qui défend une solution à deux États et se dit « convaincu que c'est bien un génocide qui est en cours à Gaza » ajoute : « Marquer les frontières, ce serait tomber dans un nid de frelons. Est-ce qu'il fallait dessiner celles de 1947 ? de 1967 ? »

Double interdiction

Ce jeudi midi, Jean-Luc Mélenchon s'apprête encore à donner une conférence dans une salle du sud de la ville, trouvée au débotté. Jusqu'à ce nouveau couperet qui tombe en milieu d'après-midi. Cette fois, c'est la préfecture du Nord qui dépose un arrêté d'interdiction, avec deux pages de motivation. Furieux, le leader Insoumis écrit à Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur, alors en déplacement en Guadeloupe, lui fait savoir qu'il est 7 heures du matin avec le décalage horaire, et qu'il est bien loin de tout ça. Une lâcheté de plus aux yeux de Jean-Luc Mélenchon. Cette double interdiction fait venir au leader Insoumis des soutiens inattendus. Depuis Bruxelles, Emmanuel Macron assure qu'il « est important que [Jean-Luc Mélenchon] puisse exprimer sa voix ». Socialistes et écologistes, avec qui les relations sont pourtant orageuses, dénoncent « un précédent dangereux », « un affront à la démocratie ».

L'histoire se finit jeudi soir sur la place Vanhoenacker, dans le sud de la ville, sous des platanes et devant un camion avec une sono dont les enceintes fonctionnent par intermittence. Un meeting improvisé de quarante minutes à peine, histoire de dire que rien ni personne ne les empêchera de parler. Jean-Luc Mélenchon a tout juste eu le temps de faire venir sa garde rapprochée : la présidente du groupe à l'Assemblée, Mathilde Panot, la tête de liste de la campagne, Manon Aubry, le député du Nord et fidèle Adrien Quatennens, la députée de Paris Sophia Chikirou, le député du Val-de-Marne Louis Boyard...

Mélenchon joue sur deux tableaux

Sur l'estrade, Rima Hassan, septième sur la liste de Manon Aubry, est devenue en quelques semaines l'un des visages les plus visibles des Insoumis. Et l'une des personnalités au discours le plus radical, parlant d'Israël comme d'une « entité coloniale fasciste ». Cette fois, sa prise de parole emprunte à un tout autre registre : « Le sourire est la plus belle des résiliences. On a des raisons d'être en colère, mais on va essayer de répondre par autre chose que la colère. » Celle à qui il est reproché d'avoir répondu « vrai » au média en ligne Le Crayon à la question de savoir si le Hamas menait une action légitime sera convoquée par la police à la fin du mois d'avril pour « apologie du terrorisme », sans qu'on sache précisément quels propos sont visés.

Jean-Luc Mélenchon, lui, joue sur deux tableaux. Pour expliquer les mécanismes insidieux du totalitarisme, il ose un parallèle entre le rôle d'Adolf Eichmann, criminel nazi, et celui du président de l'université de Lille, qui s'est « aplati, couché ». Tout en implorant le public de rester calme : « Ne vous abandonnez pas à l'esprit de vengeance. » Face à lui, les visages juvéniles scandent « cessez-le-feu ! ». Mais la ferveur des grands jours n'est pas là.

Que le président de la Région Hautsde-France, Xavier Bertrand, ait été l'un des premiers à dégainer contre la tenue de sa conférence a « déçu » Jean-Luc Mélenchon sans forcément le surprendre : « C'est un type qui vend des assurances. Oubliez ce qu'il vous dit, regardez ce qui est écrit en note de bas de page ! Il ment comme un arracheur de dents. Mais, avec son côté plutôt droite sociale, je ne le voyais pas se prêter à ce numéro pitoyable. » En revanche, que le député socialiste Jérôme Guedj ait jugé publiquement ce logo problématique l'a beaucoup plus heurté. Parce qu'il connaît l'élu de l'Essonne depuis son adolescence, qu'il est très ami avec son père. Et que, s'il y avait un problème, il aurait aimé que Jérôme Guedj prenne son téléphone pour le lui dire. Sur l'estrade de Lille, il a eu des mots très durs à l'endroit du socialiste - « un lâche de cette variété humaine que l'on connaît tous, les délateurs, ceux qui aiment aller susurrer à l'oreille du maître » - sans le citer directement, quand, derrière lui, Sophia Chikirou murmurait justement le nom de l'incriminé.

Il a vendu 16 000 exemplaires de son livre, « Faites mieux ! »

La semaine dernière, l'université de Rennes avait déjà annulé la conférence que Jean-Luc Mélenchon devait donner, invoquant des raisons de sécurité. C'est un mail reçu par la faculté, dans lequel « inch Allah » aurait été écrit avec des fautes d'orthographe, qui a déclenché cette décision. Les Insoumis soupçonnent très fortement les mouvances d'extrême droite d'en être à l'origine. En octobre, une autre conférence de Jean-Luc Mélenchon à l'université de Bordeaux avait aussi été interdite en raison de « risques de troubles à l'ordre public ».

Ces annulations en cascade sont le symptôme d'un basculement opéré depuis le 7 octobre. Le trouble causé par la réaction des Insoumis, qui avaient alors refusé de qualifier le Hamas de mouvement terroriste, a été tel qu'il a fait imploser la Nupes. Depuis, un procès en antisémitisme est intenté à Jean-Luc Mélenchon, ravivé chaque fois par ses tweets, dont il nie systématiquement toute ambiguïté. « Je n'en suis plus à l'époque où ça m'indignait. Je m'en fous, maintenant. Enfin, je vis quand même mal l'assignation à une identité qui n'est pas la mienne. Mais on accuse tout le monde d'être antisémite, même Edgar Morin. Tout cela n'a plus de sens, c'est ce qui me soulage. » Il a particulièrement mal vécu l'article du Monde publié le 5 janvier et titré « Antisémitisme : comment Jean-Luc Mélenchon cultive l'ambiguïté ». Après cela, il avait rédigé un droit de réponse, que le service juridique du quotidien du soir a jugé non recevable. À écouter Jean-Luc Mélenchon, il ne semble pas tant « s'en foutre », de ces attaques : « Comment peuvent-ils faire semblant de croire que je suis devenu raciste ? Pourquoi, à 70 ans, serais-je devenu antisémite ? L'antisémitisme n'est pas dans mes moyens. Tout le monde me connaît. Il y a mille raisons de me critiquer, pourquoi inventer celle-là ? »

Au départ, si Jean-Luc Mélenchon avait commencé à entreprendre une tournée des facs, c'était pour parler de son livre Faites mieux ! - Vers la révolution citoyenne, publié le 28 septembre chez Robert Laffont. Lui qui écrit d'ordinaire un livre en un mois en a mis près de huit à rédiger celui-là. L'ancien candidat à l'élection présidentielle en a vendu 16 000 exemplaires, ce qu'il juge déjà bien vu le timing malheureux de la sortie, quelques jours avant les attaques du 7 octobre.

Le 9 juin sera un mauvais moment à passer

Depuis, les Insoumis ne parlent plus que de la cause palestinienne, qu'ils ont placée au cœur de leur campagne pour les élections européennes. Jean-Luc Mélenchon, présent en avant-dernière position sur la liste de Manon Aubry, dit les appréhender « avec le calme des vieilles troupes ». Mais tous le savent, le 9 juin sera un mauvais moment à passer. Les quartiers populaires, où La France insoumise trouve une part importante de son électorat, ne votent que très peu à ce scrutin. À ce stade, Manon Aubry est donnée autour de 6 % ou 7 % d'intentions de vote, un plancher au-dessous duquel certes elle ne descend pas, mais la députée européenne de 34 ans ne bénéficie d'aucune dynamique, quand le candidat des socialistes, Raphaël Glucksmann, continue, lui, de gagner des points et s'établit autour de 13 %.

Que se passera-t-il si les résultats donnent raison aux sondages ? Jean-Luc Mélenchon imagine déjà l'après, et rit jaune : « Le 10 juin, il y aura un appel à l'union dans Libération avec le chœur des diviseurs repeints en unitaires. » L'ancien socialiste a sa réponse : l'unité, il n'y croit plus, qu'il soit ou non candidat en 2027. Sur ce point précis, il entretient un savant flou. Il n'a jamais dit qu'il serait candidat une quatrième fois à l'élection présidentielle. Il n'a jamais dit l'inverse non plus. D'ailleurs, lui-même l'a théorisé : « Quoi que je dise, on me reproche toujours le mot que je n'ai pas dit. »

Commentaires 5
à écrit le 23/04/2024 à 12:36
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Si l’imam Mélenchon se souciait du sort des Palestiniens tout en rappelant systématiquement qu’ils doivent absolument choisir d’autres personnes que les terroristes du Hamas pour les gouverner cela serait acceptable. Mais puisque la plupart de ceux d...

à écrit le 21/04/2024 à 8:56
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De quoi il se plaind? Chez son ami démocrate Kim, il aurait fini à yodok, et chez son ami Venezuelien tolérant car de gauche, il aurait ete traite comme un indien Pemon, ce qui est bienveillant car pas capitaliste. Il est regrettable que l'on appl...

le 21/04/2024 à 9:26
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il faut rappeler que le pouvoir actuel ce sert de m melenchon pour tenter de détourner les électeurs de la droite et que tous les procès pour diffamation des leaders de droite n'on jamais eu d'equivalent a gauche malgré des propos bien plus repréhen...

le 21/04/2024 à 9:32
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Hé les gars vous allez rater la messe ! ^^

le 21/04/2024 à 14:18
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helios, le bon peuple de gauche juste donc tolerant car de gauche s'est autorise a massacrer les gens en expliquant que c'est bienveillant, il explique que la haine et l'antisemitisme sont intolerables, anfin sauf l'antisemitisme reenchante car de ga...

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