Apolline de Malherbe : « Jean-Luc Mélenchon ne vient plus sur mon plateau »

ENTRETIEN - Aux commandes de la matinale de RMC, la journaliste a su imposer son style très direct. Ses confidences le sont tout autant.
Apolline de Malherbe sur le plateau de son émission sur RMC.
Apolline de Malherbe sur le plateau de son émission sur RMC. (Crédits : © LTD / ABACAPRESS)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Les « fauves » politiques défilent dans votre studio pour l'interview de 8h30 codiffusée sur BFMTV. Quelle est la recette pour ne pas se faire « dévorer » ?

APOLLINE DE MALHERBE - J'ai longtemps cru qu'on devait adopter une posture alors qu'il faut simplement être soi-même et ne surtout pas jouer la comédie. En amont, j'écris mes questions en simplifiant au maximum les problématiques, comme si j'en par- lais avec mes enfants. Puis, pendant le direct, je suis présente à 100 % afin de ne rien laisser passer. Je suis à 1,50 mètre de mon invité, à portée de baffe. C'est un moment de grande solitude et de vérité car nous ne sommes que deux dans le studio. J'en ressors épuisée.

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Quelles sont les personnalités les plus complexes à interviewer ?

Face à Jean-Luc Mélenchon ou à Marine Le Pen, il y a beaucoup de tension. C'est dû à leur expérience et leur stature. J'aime ces interviews à enjeux et je sais y faire. Je constate d'ailleurs que M. Mélenchon ne vient plus sur mon plateau. Il accepte de moins en moins la contradiction et s'énerve tout seul sur Twitter. Déjà, à l'époque de Jean-Jacques Bourdin, il avait posé comme condition à sa venue que ne soit pas diffusée la séquence où il dit « la République c'est moi », ça le mettait mal à l'aise. Ce qui avait été évidemment refusé. Ma politique est la même : je n'accepte aucun deal ! Je préfère louper un invité plutôt que me compromettre.

En parlant de tension, votre récente interview de Dominique de Villepin n'est pas passée inaperçue...

Je l'avais souvent reçu dans le passé. C'est quelqu'un de très impressionnant, avec sa carrure et sa manière de parler. Pendant l'interview, il a commencé à sous-entendre que j'étais influencée par celui qui me paie [Patrick Drahi, l'actuel propriétaire de RMC et BFMTV, qui a annoncé mi-mars la vente prochaine de ses médias à CMA CGM, propriétaire de La Tribune Dimanche]. Je lui ai alors demandé qui le payait, lui, et si je faisais partie de son « business plan » car il vend de l'influence. Ma réaction a été très spontanée. J'avais eu la même il y a quelques années face à Marine Le Pen quand elle m'avait violemment attaquée sur le fait que j'étais passée par Sciences-Po. J'étais restée très calme et lui avais répondu que j'étais très fière d'avoir réussi ce concours, qui, lui, ne se transmet pas de père en fille. Ça l'avait déstabilisée.

Dans quel état d'esprit était Dominique de Villepin à la sortie de l'interview ?

Dans une très grande colère. Je ne suis pas certaine qu'il revienne tout de suite. Dans la foulée, j'ai reçu énormément de SMS de confrères et consœurs me disant qu'ils avaient été impressionnés par la rigueur de mon raisonnement. Des messages écrits autant par des journalistes de CNews comme Sonia Mabrouk que de France Inter comme Sonia Devillers. Ça m'a beaucoup touchée et ça montre que l'on peut « réconcilier » CNews et France Inter quand on fait bien son travail ! Ce sont d'ailleurs deux médias que j'écoute et respecte tout autant.

Vous reparle-t-on souvent du « calmez-vous, madame, ça va bien se passer » que vous avait lancé Gérald Darmanin ?

Tout le temps ! C'est même quasiment devenu un slogan. Lorsqu'il avait prononcé cette phrase, puis l'avait répétée, j'avais réagi de manière instinctive, presque animale. Je m'étais sentie comme une femme qui avait besoin d'être respectée et qui ne l'était pas à ce moment précis. Mais je ne suis pas du tout rancunière, je suis capable de passer très rapidement à autre chose.

Pendant longtemps, les femmes se sont senties obligées de surjouer et de "montrer les muscles"

Il y a de plus en plus de femmes à la tête de matinales radio ou d'interviews politiques majeures. Satisfaite ?

On ne va pas bouder notre plaisir. Mais attention à ne pas non plus passer d'un extrême à l'autre ! On ne peut pas reprocher aux hommes d'avoir tenu l'antenne pour aujourd'hui les en exclure. On a besoin des hommes, des femmes, des jeunes mais aussi d'intervieweurs plus âgés. Il y a de la place pour tout le monde. Chacun a quelque chose de différent à apporter et doit surtout rester lui-même. Pendant longtemps, les femmes se sont senties obligées de surjouer et de « montrer les muscles » alors qu'on peut très bien faire son travail tout en restant féminine.

La parité est atteinte, mais vous gagnez pourtant moins que votre prédécesseur Jean-Jacques Bourdin...

J'estime qu'à travail égal le salaire doit être égal, même si je ne suis pas la plus mal lotie. Cette question, j'en parle avec mes employeurs mais surtout avec mes consœurs plus jeunes à la rédaction. Je vais les voir et leur dis : « Négociez, demandez une augmentation sinon vous n'aurez rien. » Je me souviens de mon premier job, un CDD de deux mois à BFM Radio. J'étais payée 1 800 euros brut. J'avais un bébé de 6 mois. Ça me coûtait plus cher de le faire garder que d'aller bosser. J'ai eu la chance inouïe que mes parents puissent s'en occuper un peu. Mais vous n'imaginez pas l'état de stress dans lequel j'étais, je me donnais un mal de chien pour tout concilier.

J'ai tapé votre nom sur Google. L'un des mots le plus souvent associés est « origines ». Cela vous étonne-t-il ?

Non, car mon nom dit probablement quelque chose de l'histoire de France [elle est notamment la descendante du poète François de Malherbe]. Je viens d'une famille sarthoise qui habite le même village depuis le XIIIsiècle. J'ai été baptisée dans la même église que celle où l'ont été mes aïeux. C'est émouvant. Mais je protège beaucoup ma vie privée et reste très pudique sur mes origines. Pas du tout parce qu'elles m'encombrent mais car j'ai peur des fantasmes. Aujourd'hui, on vit dans une époque où l'on veut absolument vous mettre dans des cases et vous ramener à l'endroit d'où vous venez. Or c'est l'inverse de ce que je souhaite : être une femme libre et émancipée !

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Commentaires 5
à écrit le 06/04/2024 à 12:13
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LOOOL ! Hypocrisie partout intelligencen ulle part.

à écrit le 02/04/2024 à 1:14
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Toujours la même musique ;je lave plus blanc que blanc. Mais ne me demandais pas mon salaire.Ce salaire serait-il indécent et ou sale???

à écrit le 31/03/2024 à 19:44
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Qui est la personne la plus frustrée par l'absence de J. L. Mélenchon? Lui ou la journaliste?

à écrit le 31/03/2024 à 13:09
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Le problème avec "son plateau" c'est que l'on n'en sait pas plus après, qu'avant ! :-)

à écrit le 31/03/2024 à 13:08
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Le problème avec "son plateau" c'est que l'on en sait pas plus après, qu'avant ! :-)

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