La tension reste vive ce samedi en Nouvelle-Calédonie, où la mission de « rétablir l'ordre dans les jours à venir », fixée par le président Emmanuel Macron lors de son déplacement express, se révèle difficile à remplir.
Malgré une situation qui reste « difficile », selon la ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, restée dans l'île depuis la visite du chef de l'Etat, les premières évacuations de touristes coincés depuis dix jours dans l'archipel, ont débuté samedi, grâce à des rotations d'avons militaires depuis l'aérodrome de Magenta à Nouméa, vers l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
« L'attente était interminable, puisque la réouverture de l'aéroport est repoussée de jour en jour », a raconté à l'AFP l'une de ces touristes. Les barrages sur les routes continuent pourtant d'entraver la circulation. Une trentaine de personnes ont dû être évacué dans la nuit de vendredi à samedi dans un quartier à Nouméa en raison d'incendies et de pillage. De nombreuses maisons ont été pillées et les pilleurs ne sont pas forcément les mêmes qui tiennent les barrages.
Apaiser les tensions
Le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) a lui-même admis samedi qu'« aujourd'hui, l'objectif principal est d'apaiser les tensions et de trouver des solutions durables pour notre pays ».
Les indépendantistes réclament toujours le retrait de la révision constitutionnelle du corps électoral, risquant selon eux de minoriser encore plus les voix du peuple Kanak, que le gouvernement projetait encore récemment de faire voter en Congrès au mois de juin. Mais ils prennent également « acte du processus de désescalade proposé par le président de la République et des engagements demandés à chacune des parties de façon à pouvoir sortir de cette crise par le haut ».
« On maintient la résistance dans nos quartiers », avait cependant lancé la veille, Christian Tein, le chef de file de la CCAT, collectif indépendantiste qui organise la contestation, dénonçant « la forte répression (...) que notre population est en train de subir ».
Septième victime
Le bilan des violences est passé vendredi à sept morts, le septième étant un homme de 48 ans dont l'identité n'a pas été communiquée, tué à Dumbéa (à côté de Nouméa) par un policier, qui n'était pas en service mais qui a utilisé son arme alors qu'il était agressé par une vingtaine d'individus à un barrage.
Entre les quartiers de Ducos et Kaméré, une dizaine de tractopelles s'activent samedi pour déblayer des amas de débris encore en feu, sous l'œil des gendarmes qui sécurisent la zone, a constaté une journaliste de l'AFP. Le Raid intervient le premier pour sécuriser le passage du convoi, sous le bruit incessant des pales d'un hélicoptère qui survole la zone. Des camions et balayeurs ferment la marche pour enlever les débris.
La levée de l'état d'urgence n'est pas pour tout de suite, a confirmé Marie Guévenoux. Cela ne pourra être fait « qu'à la condition que les barrages soient levés et le calme revenu ».
Un milliard d'euros de dégâts
Le montant des dégâts ne cesse de monter en flèche. Selon la Chambre de commerce et d'industrie de l'archipel, les sinistres pourraient avoisiner le milliard d'euros, après une première estimation de 200 millions. Les émeutes urbaines en France de juin dernier avaient provoqué 800 millions d'euros de sinistres, sur un périmètre beaucoup plus vaste. C'est dire la violence et l'intensité des émeutes qui ont frappé en dix jours la Nouvelle-Calédonie. Les principaux assureurs sont Allianz, Groupama, SMA BTP et l'australien QBE.
Réunis à Bercy cette semaine, les assureurs et les banquiers ont mis en place des dispositifs pour faciliter les démarches d'indemnisation mais aussi pour alléger la contrainte financière, notamment des entreprises. La Fédération bancaire française (FBF) a rappelé la mobilisation des 1.200 salariés des banques dans l'île et annoncé plusieurs mesures, dont le report des échéances jusqu'à 90 jours. Des réflexions sont en cours pour la mise en place de prêts garantis.