Allemagne : le gouvernement anticipe aussi une récession, mais se veut optimiste pour l'avenir

Par latribune.fr  |   |  1061  mots
L'inflation alimentaire a également ralenti en septembre en Allemagne, mais reste à un niveau élevé de +7,5% (contre +9,0% en août et +11% en juillet). (Crédits : ANNEGRET HILSE)
Le gouvernement allemand a sabré à son tour ses prévisions économiques pour 2023. Tout comme le FMI ou les principaux instituts économiques allemands, il prévoit désormais une récession – un recul du PIB – de -0,4%. Il anticipe néanmoins une reprise de l'activité dès l'an prochain. Seule bonne nouvelle pour la première puissance européenne : l’inflation a été confirmé en baisse en septembre, à +4,5% (-1,6 points par rapport à août).

[Article publié le mercredi 11 octobre à 11h07, mis à jour à 15h50] Le recul du produit intérieur brut (PIB) allemand est un scénario qui fait désormais pleinement consensus. Y compris du côté du gouvernement allemand, qui table sur une baisse de -0,4% de sa croissance en 2023, selon ses dernières prévisions révélées ce mercredi 11 octobre. Dans ses précédentes estimations datant d'avril, l'exécutif envisageait encore une croissance de +0,4% cette année.

« Nous avons vécu une année difficile sur le plan économique, à une époque difficile », a déclaré le ministre de l'Économie Robert Habeck, en présentant ces chiffres à la presse. « Nous sortons de la crise plus lentement que prévu » mais « nous avons atteint le point bas et allons repartir de l'avant », a-t-il ajouté.

Le troisième trimestre en cours s'annonce faible, après la publication d'une série de mauvais indicateurs venant de l'industrie et des ménages. La production industrielle, pilier de l'économie allemande, souffre en effet depuis des mois. Elle a une nouvelle fois baissé en août (-0,2%), pour le quatrième mois consécutif, un recul supérieur aux prévisions (qui tablaient sur -0,1%). Et les exportations se sont contractées de -1,2% en août.

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Seul pays d'Europe en récession cette année

Cette prévision pour 2023 demeure légèrement plus optimiste que les autres. Le Fonds monétaire international (FMI) estime en effet que le pays va voir son produit intérieur brut (PIB) se replier de 0,5% en 2023, une prévision plus pessimiste que la précédente (-0,3% en juillet). Les principaux instituts économiques allemands voient même le recul du PIB atteindre -0,6% cette année.

L'Allemagne sera ainsi le seul pays du G7 à voir son activité se contracter cette année, et donc à être en récession, confirmant son statut d'« homme malade » de l'Europe, une expression remontant à la fin des années 1990 après le contrecoup de la réunification.

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L'année 2024 devrait toutefois être meilleure pour l'Allemagne, sans pour autant être exceptionnelle. Le FMI prévoit un rebond de la croissance allemande à +0,9%, contre +1,3% en juillet. Le gouvernement est, encore une fois, plus optimiste. Il mise sur une croissance de +1,3% en 2024 (contre +1,6% lors de sa précédente estimation). La reprise à venir sera favorisée par un recul progressif de l'inflation - attendue à 2,6% en 2024 puis 2% en 2025 après 6,1% cette année - et un marché du travail qui « reste robuste », selon le ministre.

Le gouvernement a par ailleurs donné pour la première fois une prévision de croissance de son produit intérieur brut (PIB) pour 2025, à +1,5%.

Ne pas « sous-estimer les ressources de l'Allemagne »

L'envolée des prix de l'énergie et la dépendance au commerce extérieur avec la Chine, son premier partenaire depuis plusieurs années, se retournent contre l'Allemagne depuis la guerre russe en Ukraine et le tassement de l'activité chez le géant asiatique, a observé Isabel Schnabel, membre allemande du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, dans une récente interview.

D'autres facteurs structurels - vieillissement rapide de la société et pénurie croissante de main-d'œuvre notamment - pourraient « avoir des effets à plus long terme » sur la croissance, ajoute-t-elle. La lourdeur des réglementations et la numérisation trop lente de l'économie sont aussi régulièrement mises en cause.

Mais attention à ne pas sous-estimer les ressources de l'Allemagne, observe Holger Schmieding, économiste de la banque Berenberg. Les « champions cachés » du pays, des petites et moyennes entreprises souvent très spécialisées, ont l'habitude de résister aux chocs et de trouver de nouvelles opportunités, a-t-il écrit dans une récente note d'analyse. « La vague actuelle de pessimisme est largement exagérée », selon lui.

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Le recul de l'inflation confirmé

Seul motif de satisfaction pour l'Allemagne : l'inflation a bel et bien reculé en septembre, s'affichant à +4,5% sur un an après +6,1% en août, selon un communiqué de l'institut de statistiques Destatis, ce mercredi 11 octobre, corroborant de premières estimations publiées fin septembre. Sur un mois, les prix augmentent de +0,3%. Servant de référence pour les comparaisons européennes, l'indice des prix harmonisé progresse de son côté de 4,3% sur un an.

Cette baisse s'explique par un « effet de base » qui a pris fin en septembre, d'après Destatis. Entre juin et août, l'inflation a en effet souffert de la comparaison avec le niveau des prix des transports de l'été 2022, qui étaient à un niveau particulièrement bas grâce à un plan d'aide du gouvernement. Durant cette période, Berlin avait instauré un ticket à 9 euros par mois permettant d'accéder à l'ensemble des transports publics du pays, ainsi qu'une remise sur le carburant.

Preuve du « succès » de la politique de la BCE

Le recul de l'inflation est aussi lié à la forte détente sur les prix de l'énergie. Ces derniers n'augmentent que de 1% en septembre, après +8,3% en août et +5,7% en juillet. Une tendance à nuancer à long terme : le prix de l'électricité a grimpé de 11,1% sur un an. L'inflation alimentaire, elle, ralentit également, mais reste à un niveau élevé : +7,5%, contre +9,0% en août et +11% en juillet. Le prix de la viande et du poisson ont grimpé de 9,6% sur un an, contre +8,4% pour les légumes et +7,5% pour les fruits.

« La baisse brutale de l'inflation constitue un signal important du succès de la lutte contre la hausse des prix » de la Banque centrale européenne, estimait fin septembre Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste de la banque publique allemand KfW.

L'institution a depuis un an relevé ses taux d'intérêt à une vitesse inédite pour combattre l'inflation. La dernière hausse, mi-septembre, a porté le taux de référence à son plus haut niveau depuis 1999, défiant ceux qui appelaient à une trêve pour ne pas aggraver le ralentissement de l'activité économique en zone euro.

Reste que la hausse générale des prix en Allemagne est encore largement au-dessus de l'objectif fixé par la Banque centrale européenne, situé à 2%.

(Avec AFP)