Pourquoi la politique monétaire américaine fait flamber les taux obligataires de la France et de l'Allemagne

Les taux d'emprunt à dix ans de l'Allemagne et de la France s’affichaient, ce mercredi, au-dessus du seuil symbolique de 3%, au plus haut depuis 2011. Les deux puissances européennes voient, en effet, leurs rendements obligataires exploser depuis une récente communication offensive de la Réserve Fédérale américaine (Fed). Et la possible poursuite du resserrement monétaire de celle-ci pourrait bien continuer de peser sur ces derniers.
Les taux obligataires flambent en Europe et aux États-Unis depuis que la Réserve fédérale (Fed) américaine a laissé entendre, le 20 septembre, que ses taux resteraient élevés plus longtemps qu'anticipé par les investisseurs.
Les taux obligataires flambent en Europe et aux États-Unis depuis que la Réserve fédérale (Fed) américaine a laissé entendre, le 20 septembre, que ses taux resteraient élevés plus longtemps qu'anticipé par les investisseurs. (Crédits : ISSEI KATO)

Faut-il s'inquiéter des sommets atteints par le taux obligataires des deux premières puissances européennes ? En Allemagne comme en France, ils n'ont, en effet, jamais été aussi élevés depuis 12 ans. Ce mercredi 4 octobre, le rendement obligataire du Bund allemand, qui fait référence sur le marché de la dette, atteignait 3,02% à 06h55 GMT (08H55 heure de Paris), au plus haut depuis juillet 2011, année marquée par la crise des dettes souveraines. Il valait 3% vers 07H10 GMT (09H10 heure de Paris), contre 2,97% à la clôture de mardi.

Quant au taux français à dix ans, il s'est enregistré à 3,57% vers 07h20 GMT (09H20 heure de Paris), un plus haut là aussi depuis novembre 2011.

Ce qui n'a pas manqué de faire réagir les marchés. Vers 07H40 GMT (09H40 heure de Paris), Paris perdait ainsi 0,24%, Francfort tombait de 0,48% et est brièvement passé sous le seuil des 15.000 points pour la première fois depuis mars 2023. Milan perdait 0,63% et Londres était stable (-0,01%).

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Les taux américains aussi en hausse

L'explication à cette situation est à chercher outre-Atlantique. « Les taux sur les pays développés évoluent en fonction des taux obligataires américains. Et, il se trouve qu'actuellement, le 10 ans américain est proche de 5%, rappelle, en effet, Christopher Dembik, conseiller sénior en stratégie d'investissement chez Pictet AM.

Le rendement des emprunts américains à 10 ans a, en effet, été catapulté jusqu'à 4,80%, une première depuis plus de 16 ans. Le taux à 30 ans a aussi chauffé, à son plus haut depuis septembre 2007, de même que le rendement sur l'échéance à 5 ans. « En termes de taux réels, c'est-à-dire corrigés de l'inflation, on est à plus de 2,40% » aux États-Unis, souligne Florian Allain, gérant de portefeuille à Mandarine Gestion.

La politique monétaire de la Fed pèse sur les taux américains mais aussi en Europe

Une situation qui résulte de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed). Depuis près d'un an et demi, l'institution monétaire a opéré un resserrement de celle-ci pour tenter de ramener l'inflation à 2%.

Or, « si les taux d'intérêt augmentent de manière aussi dynamique en si peu de temps, cela crée (...) une incertitude parmi les investisseurs », explique Jochen Stanzl, pour CMC Market.

D'autant que cette incertitude demeure. Alors que la hausse des prix tendait à s'affaiblir depuis juin 2022, elle s'est, de nouveau, accélérée en juillet dernier à 3,2% sur un an et a grimpé à 3,5% en août dernier, restant ainsi supérieure à l'objectif fixé par la Fed.

Cette dernière n'a donc pas prévu d'assouplir pour le moment sa politique monétaire. En témoignent ses propos tenus le 20 septembre dernier. Elle a ainsi laissé entendre que ses taux resteraient élevés plus longtemps qu'anticipé par les investisseurs. Après avoir annoncé leur maintien dans la fourchette de 5,25% à 5,5%, à leur plus haut niveau depuis 22 ans, elle a anticipé une hausse supplémentaire de 25 points de base cette année. Or, si un maintien des taux n'était pas une surprise puisque le marché l'avait largement anticipé, la tendance de poursuivre une politique monétaire restrictive et une approche de taux élevés pour longtemps le sont davantage.

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À l'instar de la Fed, la Banque centrale européenne poursuit, elle aussi, depuis juillet 2022 une remontée de ses taux. Le 14 septembre dernier, l'institution monétaire a relevé pour la dixième fois consécutive son taux de référence de 25 points de base, le portant à 4%, soit le plus haut niveau de son histoire sans pour autant laisser présager d'une baisse ni même d'un maintien des taux au niveau actuel. Or, « même s'il peut y avoir des décalages, il y a une forme de coordination des politiques monétaires. Les autres banques centrales comme la BCE vont plutôt essayer de se caler sur la Fed », rappelle à La Tribune Christopher Dembik. Une nouvelle hausse des taux américains potentielle cette année pourrait donc être également la solution privilégiée par la BCE.

Sans compter l'envolée des prix du baril de pétrole -- +40 % en trois mois -- ce qui est synonyme de tensions inflationnistes et pourrait donc encourager de nouvelles hausses des taux directeurs par les banques centrales.

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Bonne résistance de l'économie américaine

La Fed pourrait d'autant plus favoriser la poursuite de son resserrement monétaire que l'économie américaine fait preuve d'une certaine résilience. « Le point de départ de cette spirale [de hausse des taux obligataires] reste la solidité surprenante de l'économie américaine, couplée aux signaux restrictifs récents de la Fed », pointe, en effet, Elmar Völker, analyste pour la banque LBBW.

Un constat confirmé, ce mercredi, par la publication des chiffres sur l'emploi américain qui n'ont pas démontré de signe de ralentissement, douchant encore les espoirs des marchés sur un possible abaissement prochain des taux. « Cela veut dire que la Fed va continuer à se montrer restrictive », confirme Florian Allain de Mandarine Gestion.

Un retour à la normale

Mais au-delà du cas américain, Christopher Dembik rappelle qu'il existe une troisième explication à la tendance à la hausse des taux obligataires : « On revient à un régime obligataire plus normal qui prévalait avant 2008 avec des primes de risques qui sont positives », explique-t-il. À l'inverse, entre 2008 et fin 2022, celles-ci étaient négatives en raison du marché déflationniste, mais « cette période fut une anomalie historique. Nous revenons donc à une forme de normalité », ajoute-t-il.

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 05/10/2023 à 12:54
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Il faut que l’Europe et sur tout les français voient la réalité en face, La France est le pays qui va émettre le plus de nouvelles dettes en Europe en raison de l’absence de réformes de fonds de la part de l’Etat français, Etat qui est hypertrophié e...

à écrit le 05/10/2023 à 8:39
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Tout le monde savait que les taux aussi bas et même négatif quelques fois n'était pas soutenable indéfiniment et qu'un jour la logique économique allait revenir, c'est pour la France la preuve de la médiocrité de notre classe politique qui a préféré ...

à écrit le 05/10/2023 à 8:23
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Parce que l'UE n'est rien, espérons que c'était une tentative de précipitation du déclin oligarchique européen sinon je ne vois que des inconvénients à cette gigantesque usine à gaz imposée au peuple français.

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