Inflation, exportations en baisse... L'Allemagne s'enfonce un peu plus dans la récession

Les principaux instituts de conjoncture du pays ont revu à la baisse leurs perspectives pour le PIB allemand. Celui-ci devrait chuter de 0,6% en 2023. Plombée par la crise sanitaire suivie par la guerre en Ukraine, qui a provoqué une flambée des prix notamment de l'énergie, l'industrie allemande souffre également de la hausse des taux d'intérêt et d'une baisse des commandes en particulier venues de Chine. Un phénomène qui pourrait davantage s'aggraver.
Le secteur de l'automobile allemand craint particulièrement les conséquences de l'enquête ouverte par l'UE contre la Chine.
Le secteur de l'automobile allemand craint particulièrement les conséquences de l'enquête ouverte par l'UE contre la Chine. (Crédits : Kai Pfaffenbach)

L'Allemagne enchaîne les mauvaises nouvelles. Alors que la première économie d'Europe est aussi le seul grand pays industriel à connaître une récession, cette dernière pourrait être encore plus forte que prévu, selon les conclusions des principaux instituts de conjoncture du pays. Ils ont en effet nettement baissé leur prévision pour 2023.

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Selon eux, le produit intérieur brut (PIB) de l'Allemagne devrait désormais baisser de 0,6%, sur l'année en cours. Soit 0,9 point de moins que leur prévision initiale du printemps. Du côté du Fonds monétaire international (FMI) le constat est moins alarmiste. Toutefois, le fonds n'exclut pas, lui non plus, la récession. Il table ainsi sur un recul de 0,3%.

L'hiver dernier déjà, le pays avait connu une récession technique avec deux trimestres d'affilée de recul du PIB. Sa croissance a, ensuite, été nulle entre avril et juin et le PIB pourrait de nouveau plonger au dernier trimestre de l'année, selon les économistes. « L'Allemagne est en récession depuis plus d'un an », a ainsi résumé Oliver Holtemöller, économiste à l'institut de conjoncture de Halle (IWH), lors d'une conférence de presse à Berlin, ce jeudi 28 septembre. Même pour 2024, les prévisions ont été revues à la baisse. Les analystes anticipent, en effet, un rebond du PIB allemand de 1,3%, soit 0,2 point de pourcentage de moins que prévu au printemps.

En cause, d'une part, une évolution décevante de la consommation intérieure. Et la première responsable est, encore et toujours, l'inflation. Si celle-ci connaît un léger et récent recul, s'éloignant des sommets atteints à l'automne 2022 durant lesquels elle dépassait les 8%, elle se situait toujours au-dessus des 6% en août sur un an. De quoi peser lourdement sur le pouvoir d'achat des ménages allemands. D'autant que le pays, très dépendant des hydrocarbures russes, a subi de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine. Le conflit a provoqué une flambée des prix sans précédent l'année passée, mettant ainsi « un terme brutal à la reprise après la pandémie » de Covid-19, comme l'expliquent les cinq instituts (DIW, IFO, IFW, IWH, RWI) dans un communiqué joint, ce jeudi.

Difficultés des consommateurs allemands...

Conséquence de l'accélération de l'inflation, qui a touché toute l'Europe, la Banque centrale européenne (BCE) a opéré un resserrement monétaire depuis juillet 2022 marqué par dix relèvements consécutifs de ses taux. Le dernier, opéré le 14 septembre, a conduit à une hausse de 0,25 point, portant le taux de référence à 4%. Ce choix a, certes, permis de ralentir la hausse des prix au sein de la zone euro (les 20 pays à avoir adopté la monnaie unique), mais il se répercute également sur les finances des Allemands.

En témoigne le moral des consommateurs qui, déjà en baisse en septembre, devrait, de nouveau, chuter en octobre, selon le baromètre GfK qui voit l'indice à -26,5 points en octobre (-0,9 point). Pis, « les chances d'une reprise de la confiance des consommateurs cette année sont probablement tombées à zéro », a commenté Rolf Bürkl, expert en consommation de GfK.

... et des entreprises

Et du côté des entreprises, l'humeur n'est pas davantage à l'optimisme. En particulier pour le secteur immobilier qui connaît, en Allemagne, une véritable crise depuis plusieurs mois. La construction subit de plein fouet les difficultés économiques qui frappent le pays tout entier. À commencer par le relèvement des taux d'intérêt. Celui-ci a de facto renchéri le coût du crédit et donc fait chuter la demande. Résultat, les Allemands, comme beaucoup d'Européens, peinent à obtenir des prêts immobiliers. D'autant que le prix des matériaux a largement grimpé. Les faillites d'entreprises ont ainsi doublé sur un an dans le secteur de la construction en Allemagne, stoppant net nombre de chantiers.

Au-delà de l'immobilier, les industries allemandes les plus énergivores, comme la chimie, sont particulièrement affectées par l'inflation, en particulier des prix du gaz, de l'électricité et du pétrole. Elles peinent à retrouver leur niveau de production avant la guerre en Ukraine. Les branches les plus consommatrices ont ainsi produit 11,4% de moins en juillet sur un an, estimait Destatis il y a quelques jours.

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Les industries exportatrices, comme celles du secteur manufacturier d'ordinaire champion des exportations, sont, elles aussi, à la peine, comme l'attestent les carnets de commandes en baisse cet été. En particulier en provenance de grands clients comme les Etats-Unis et la Chine, dont les économies sont, elles aussi, au ralenti. Les exportations sont d'ailleurs reparties à la baisse en juillet à 130,4 milliards d'euros, en données corrigées des variations saisonnières (CVS), selon l'office fédéral des statistiques Destatis, soit une baisse de 0,9% sur un mois. C'est toutefois mieux que ce que prévoyaient les experts du service financier Factset.

Crainte d'une baisse des exportations vers l'Empire du Milieu

Sans compter que les ventes vers la Chine pourraient davantage s'amoindrir dans les temps à venir. En cause, l'enquête lancée la semaine passée par l'Union européenne contre la Chine et les subventions massives du gouvernement à son industrie automobile électrique. Une initiative fortement poussée par les constructeurs et le gouvernement français. Elle inquiète toutefois outre-Rhin. Des constructeurs ont, en effet, fait part à La Tribune de leurs craintes de voir ces mesures protectionnistes faire porter un risque accru pour leur industrie.

Car cette dernière, qui porte l'économie allemande, est résolument tournée vers la Chine. À titre d'exemple, le géant automobile Volkswagen y vend presque 40% de ses véhicules, soit plus que toute l'Europe réunie, malgré une baisse de part de marché récemment. BMW et Mercedes ne sont pas très loin en termes de ventes. En tout, près de 30% du chiffre d'affaires des constructeurs allemands est réalisé en Chine.

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« Le développement économique en Chine et les nouveaux conflits commerciaux émergents entre l'UE et la Chine dans le domaine des véhicules électriques constituent une menace pour l'économie allemande orientée vers l'exportation », a confirmé l'économiste Olivier Holtemöller.

Cette dernière n'a d'ailleurs pas caché sa colère après l'annonce de l'ouverture de l'enquête par l'UE. Elle a ainsi menacé celle-ci d'un « impact négatif sur les relations économiques et commerciales », dénonçant ainsi une mesure « prise au nom d'une "concurrence loyale" » et « ouvertement du protectionnisme ».

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 28/09/2023 à 19:23
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Je ne sais pas pourquoi, mais je ne me fais pas trop de soucis pour l'économie et l'industrie allemande : ils ont toutes les compétences nécessaires, ce qui n'est pas le cas de la FRANCE.

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