Autriche : le chef du gouvernement démissionne

Après la déroute des Sociaux-démocrates aux présidentielles, le chancelier Werner Faymann a annoncé sa démission. Le signe d'une grave crise politique dans la république alpine.
Werner Faymann n'est plus chancelier autrichien.

L'Autriche n'a plus de chef de gouvernement. Le chancelier Werner Faymann a annoncé ce lundi 9 mai sa démission de son poste et celui de la direction du parti social-démocrate SPÖ. Cette annonce est intervenue à l'issue d'une réunion avec quelques cadres du parti au cours de laquelle le chancelier a demandé s'il disposait encore de la confiance de son parti. Devant l'absence de ce soutien, il a décidé de quitter la direction du gouvernement qu'il assumait depuis décembre 2008.

Déroute aux présidentielles

Cette démission intervient alors que la SPÖ a subi un revers cuisant lors du premier tour de l'élection présidentielle le 24 avril dernier. Le candidat social-démocrate Rudolf Hunsdorfer avait obtenu 11,28 % des suffrages exprimés. Une gifle pour un parti qui a longtemps flirté avec les 35-40 % des voix. Lors des élections au Conseil national, la chambre basse du parlement, en 2013, la SPÖ avait encore obtenu 26,8 % des voix. Désormais, le parti qui était le premier du pays jusqu'en 2013, est clairement menacé par l'extrême-droite de la FPÖ dont le candidat à la présidence Norbert Hofer a obtenu 35,05 % des voix devant le Vert Alexander van der Bellen (21,34 %).

18 défaites sur 20 depuis 2008

Werner Faymann a longtemps tenté de maintenir l'espoir au sein de son parti, mais depuis 2008, le parti a reculé 18 fois sur les 20 élections régionales et nationales qui ont eu lieu. Son bilan est donc assez négatif. En 2013, lors des élections fédérales, les seules où Werner Faymann a défendu son poste, la SPO avait perdu 2,4 points à 26,8 % des voix. Les derniers sondages le créditent de 22 % des intentions de vote, soit autant que la droite conservatrice de l'ÖVP et dix points sous la FPÖ. Et l'élection présidentielle montre que le risque de voir le score encore au-dessous de ce niveau est grand. La demande interne d'un changement était donc forte au sein du parti et Werner Faymann en a tiré les conséquences.

Une « grande coalition » usée

Le chancelier est en réalité victime d'un mouvement plus général : le rejet de la combinaison de la « grande coalition » entre la SPÖ et l'ÖVP. Ce système a dominé la vie politique autrichienne depuis la fin de la guerre. Cette coalition a régné de 1947 à 1964, puis de 1987 à 2000 et enfin depuis 2007. En tout, pendant 39 ans. Or, si elle a pu être efficace pendant les trente glorieuses ou avant l'adhésion du pays à l'UE en 1995, la formule semble usée. Loin d'être une « formule magique » pour réaliser des réformes, cette coalition est devenue une formule défensive qui n'a pas réellement brillé par sa capacité à gouverner. La gestion calamiteuse de la faillite de la banque Hypo Alpe Adria depuis 2009 en est devenue le symbole : les méthodes dilatoires ont conduit à augmenter la facture pour le contribuable.

Une situation économique difficile

Plus généralement, l'économie autrichienne est faible actuellement. La croissance du PIB l'an passé n'a été que de 0,6 % l'an dernier et la Commission européenne n'attend que 1,5 % pour cette année et 1,6 % pour 2017. On est loin des niveaux de 4 % à 5 % des années 2000 lorsque le pays profitait à plein de la croissance de l'Europe centrale et orientale. Désormais, l'Autriche a perdu ce moteur puissant, reste engoncé dans un secteur bancaire démesuré et souffre de la course à la compétitivité prix de l'Allemagne qui a rendu la sous-traitance autrichienne trop onéreuse.

Les entreprises autrichiennes ont réagi en réduisant les salaires et en réduisant les effectifs. Le salaire moyen net autrichien horaire est inférieur aujourd'hui à celui de 2009 et les enquêtes traduisent une crainte que la situation empire. Quant à la situation de l'emploi, elle s'est dégradée. Longtemps championne d'Europe du chômage faible, l'Autriche s'est fait dépasser par l'Allemagne. Certes, le taux de chômage harmonisé reste faible à 5,8 % en mars contre 5 % voici 7 ans, mais le taux national, qui prend en compte l'ensemble des inscrits au chômage est passé de 7,3 % à 9,4 %. Ces taux peuvent paraître faibles d'un point de vue français, mais le sentiment de risque pour la population n'en est que plus répandu. Et le gouvernement de « grande coalition » n'a pas su redresser franchement la situation.

Hésitations sur les réfugiés

Dernier point : la question des réfugiés. Werner Faymann n'a pas eu la partie facile à partir du mois de septembre dernier. Dans un premier temps, il a suivi Angela Merkel et a largement accepté les réfugiés, notamment en voyant le traitement qui leur était fait dans la Hongrie voisine. Ceci a été exploité par la FPÖ. Pris de peur, le chancelier a finalement fait machine arrière et fermé la frontière autrichienne aux migrants, en instaurant un quota de transit vers l'Allemagne. Cette politique a été dénoncée par Angela Merkel (même si elle en a dans les faits profité) et par la gauche autrichienne, car c'est ce qui a provoqué les tensions à la frontière nord de la Grèce. Ce zigzag lui a aliéné deux pans de son électorat, ceux tentés par la FPÖ et ceux plus libéraux qui préfèrent les Verts ou Neos, le parti libéral autrichien. Plus généralement, Werner Faymann a manqué de clarté. La SPÖ s'est alliée à la FPÖ dans un Land, le Burgenland, ainsi que dans de nombreuses communes, mais prétend s'opposer à l'extrême-droite au niveau national.

Les Conservateurs en crise également

A noter cependant que la SPÖ n'est pas seule dans la tourmente, même si sa chute est plus spectaculaire. L'ÖVP va aussi mal et c'est bien le choix de la « grande coalition » qui est désormais en cause. Le candidat conservateur à la présidentielle est arrivée derrière celui de la SPÖ le 24 avril avec 11,12 % des voix seulement. A eux deux, les candidats des deux grands partis ont cumulé un score inférieur de 13 points à celui du candidat FPÖ et à peine supérieur à celui du candidat des Verts... La montée de l'extrême-droite autrichienne s'inscrit donc dans un cadre d'explosion du système politique traditionnel, ce qui rend la rend particulièrement dangereuse.

Une victime de plus de la crise de la social-démocratie européenne

Cette démission est une nouvelle déconvenue de la social-démocratie européenne. La SPÖ, comme la SPD en Allemagne ou les Travaillistes néerlandais, est clairement victime de sa volonté de gouverner avec la droite locale. Son « utilité » politique s'est réduite, tandis que le parti, vieillissant, s'est montré incapable de répondre aux inquiétudes des classes populaires et à l'évolution de la société. Sa base électorale s'est amenuisée. De 1953 à 1986, le parti avait obtenu plus de 40 % des voix. Désormais, il est sous les 30 % et la barre des 20 % est en vue.

Quel successeur ?

Les deux partis sont tétanisés par l'idée d'un nouveau scrutin qui pourrait les laminer. Il n'y aura pas de dissolution du Conseil national. Mais qui alors pour accepter de diriger une coalition moribonde et aller au scrutin de 2017 à la tête d'un parti exsangue. Selon la presse autrichienne, le chef des chemins de fer autrichiens (ÖBB), Christian Kern, serait le favori pour devenir chancelier. Plusieurs personnalités social-démocrate ont déjà soutenu cette candidature. Reste à savoir s'il saura relever cette tâche herculéenne.

Commentaire 1
à écrit le 10/05/2016 à 8:03
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En allant voter,les électeurs autrichiens ,notamment ceux de la droite(populiste en particulier), se souviendront certainement que jorg haider est mort en 2008 dans un étrange "accident" automobile qui pourrait avoir été provoqué par le service secre...

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