Optimiste mais prudente. C'est le message que Christine Lagarde, sa présidente, a voulu faire passer lors de sa conférence de presse, à l'issue de la réunion des membres du conseil de la Banque centrale européenne (BCE) ce jeudi à Francfort (Allemagne), pour expliciter les décisions "prises à l'unanimité", a-t-elle insisté.
Dans son communiqué, l'institution monétaire indique vouloir réduire son volume mensuel du rythme d'achats de dettes souveraines et d'entreprises dans le cadre de son programme d'urgence contre la pandémie (PEPP) qui court jusqu'à mars 2022, un ralentissement qualifié de "modéré". De 80 milliards d'euros, les rachats mensuels devrait, eux, être ramenés entre 60 et 70 milliards d'octobre à décembre, selon les observateurs, la BCE n'ayant pas indiqué de montant.
20 milliards d'euros de rachats mensuels via le QE
La BCE va par ailleurs continuer d'acheter 20 milliards d'euros par mois de dette dans le cadre du Programme d'achats d'actifs (APP) mis en place avec l'assouplissement quantitatif (QE) datant de 2015, qui avait marqué le début des mesures exceptionnelles de soutien, en complément de taux ultra bas.
"Nous prévoyons que ces achats du programme APP pourraient doubler en mars prochain (avec la fin du PEPP) pour éviter une forte baisse des achats nets d'actifs. Si nous avons raison, l'annonce d'aujourd'hui n'est pas le début du tapering, la réduction à zéro des achats d'actifs par la BCE, mais plutôt un ajustement du PEPP pour répondre aux conditions financières", commente Simon Wells, économiste chez HSBC.
Le "ralentissement" d'achats d'actifs est en effet justifié aujourd'hui au regard de l'amélioration de la situation économique. La BCE a en effet revu à la hausse ses prévisions de croissance pour la zone euro en 2021, à 5%, contre 4,7% estimés précédemment. En revanche, elle abaisse de 0,1 point son estimation 2022, à 4,6%.
"Nous considérons que les risques pesant sur les perspectives économiques sont globalement équilibrés. L'activité économique pourrait dépasser nos attentes si les consommateurs deviennent plus confiants et épargnent moins que prévu actuellement. Une amélioration plus rapide de la situation liée à la pandémie pourrait également conduire à une expansion plus forte que celle envisagée actuellement", a indiqué Christine Lagarde, faisant allusion à la nécessité d'améliorer la couverture vaccinale.
Evolution de l'inflation
En effet, plusieurs incertitudes demeurent. Il y a d'abord l'évolution de l'inflation. En juillet, les banquiers centraux de la zone euro avaient indiqué que leur nouvelle cible d'inflation à 2%, un objectif à moyen terme, pouvait tolérer des déviations temporaires.
Cela fut le cas au mois d'août, où elle a grimpé à 3%, alimentée par une hausse de la consommation après le ralentissement lié à la pandémie mais aussi par les pénuries de matières premières, de composants industriels et des biens intermédiaires qui ont créé des goulots d'étranglement, que la BCE pense temporaires, comme l'a répété Christine Lagarde lors de sa conférence de presse.
Les dernières prévisions de juin, en tablant sur 1,9% d'inflation en 2021, puis 1,5% en 2022 et 1,4% en 2023, accréditaient la thèse d'une fièvre temporaire d'inflation en cette année de rebond économique. "Si les goulets d'étranglement de l'offre durent plus longtemps et se répercutent sur les hausses de salaires plus élevées que prévu, les pressions sur les prix pourraient être plus persistantes", a toutefois considéré Christine Lagarde.
Actions des gouvernements
Les observations prudentes de la BCE visent à rassurer les marchés mais aussi à circonscrire son action. Car l'évolution de la conjoncture dépend surtout des décisions des gouvernements qui ont soutenu l'économie durant la crise sanitaire "quoi qu'il en coûte" et adopté des plans de relance conséquents. "Il ne faut pas oublier que la principale réponse politique à la pandémie a été budgétaire, et non monétaire, et c'est sur cet aspect que la « normalisation » pourrait avoir d'importantes répercussions économiques et financières pour les marchés. Or, sans surprise, les gouvernements sont réticents à faire les premiers pas pour récupérer une partie des aides de soutien liées à la pandémie", constate Steven Barrow, économiste à la Standard Bank.