Deutsche Bank : comment Berlin cherche à gagner du temps

Alors que l'Allemagne agirait auprès des autorités étasuniennes pour réduire l'amende concernant les subprimes, elle aurait renoncé à sanctionner la Deutsche Bank sur une affaire de détournements de fonds russes. Berlin cherche avant tout à gagner du temps dans l'optique des élections de 2017.
L'Allemagne tente à tout prix de repousser la perspective d'une crise de la Deutsche Bank.

Officiellement, le gouvernement fédéral allemand refuse de se mêler des déboires de la Deutsche Bank. A Berlin, le discours est bien rodé : le géant bancaire francfortois doit trouver lui-même les moyens de son propre sauvetage. Il n'y a donc aucune bienveillance apparente de la part de l'exécutif. Mieux même, dimanche 2 octobre, le vice-chancelier social-démocrate et ministre de l'Economie Sigmar Gabriel s'est emporté contre « les dirigeants irresponsables » de la banque. Mais en coulisse, la réalité est un peu différente.

La semaine passée, l'hebdomadaire Die Zeit avait dévoilé l'existence d'un travail sur un plan de sauvetage de l'Etat fédéral prévoyant la possibilité d'une prise de participation de 25 % de Berlin dans la Deutsche Bank. Cette option ne serait cependant pas aisée à justifier au regard du nouveau mécanisme de résolution européen des crises bancaires en vigueur depuis le 1er janvier qui oblige à en passer par un « bail-in », une participation des actionnaires, créanciers et déposants, avant d'avoir recours à des aides d'Etat. C'est précisément ce qui a empêché - sur l'insistance de l'Allemagne - l'Italie de sauver la banque Monte dei Paschi di Siena cet été.

La priorité de Berlin : gagner du temps

Le gouvernement fédéral préfère donc agir autrement. Cette action vise à contenir la crise le plus longtemps possible. Pour les autorités allemandes, il s'agit avant tout de ne pas devoir faire face à une crise aiguë avant les élections fédérales de septembre 2017. Un récent sondage paru lundi et réalisé par Emmid montrait que 69 % des Allemands seraient opposés à une aide à la Deutsche Bank contre seulement 24 % qui l'approuveraient. Pour Angela Merkel, ceci est particulièrement inquiétant car une partie de son électorat conservateur serait alors tenté de la sanctionner en se tournant vers les partis se réclamant d'une certaine « pureté libérale » comme la FDP et l'AfD, deux forces montantes dans les sondages qui ne manqueraient pas alors de dénoncer le sauvetage de la banque de Francfort avec l'argent des contribuables. Or, la chancelière ne peut se permettre un tel risque avant le scrutin. Il faut donc à tout prix gagner du temps. On le voit aussi avec Commerzbank, banque malade elle aussi et détenue à 25 % par le gouvernement fédéral, qui, depuis quelques jours, s'est lancé dans une vaste restructuration pour éviter de redemander l'aide de son premier actionnaire, l'Etat.

Réduire la facture des subprimes à tout prix

C'est pourquoi, selon Reuters, l'Allemagne « poursuit des discussions discrètes » avec le ministère de la Justice des Etats-Unis pour obtenir une réduction notable et « soutenable » pour la Deutsche Bank de l'amende infligée par la justice étasunienne dans le cadre du procès sur les produits subprimes. La Deutsche Bank doit faire face à une condamnation de 14 milliards de dollars qui la plongerait dans une crise certaine, car elle ne dispose pas de suffisamment de capitaux et ne peut guère en lever sur les marchés. La banque négocie une baisse de cette sanction. La banque n'a provisionné que 5,5 milliards d'euros pour ses problèmes juridiques. Vendredi 29 septembre, alors que l'action de la banque atteignait un nouveau plus-bas historique, une fuite transmise par l'AFP et faisant état d'un accord portant sur une amende finale de 5,4 milliards de dollars, a fait vigoureusement rebondir le titre en Bourse. Depuis, cette information n'a pas été confirmée et les discussions se poursuivent, mais preuve a été faite que si cette amende est réduite, la banque francfortoise pourrait retrouver de la sérénité.

Contacts avec Washington

Pour Berlin, il est donc essentiel que Washington soit bienveillant avec la Deutsche Bank. Selon les informations de Reuters, il existe des « contacts à tous les niveaux » entre les deux pays sur le sujet. Evidemment, la discrétion est de règle et l'agence précise, en citant des sources étasuniennes, que le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, ne rencontrera pas de représentants du département de la justice (DoJ) des Etats-Unis à l'occasion des rencontres du FMI ce week-end à Washington. Les deux pays ont, dans cette affaire, des intérêts communs : les Etats-Unis n'auraient certainement pas intérêt à voir la Deutsche Bank tomber dans la tourmente compte tenu de son poids dans le fonctionnement de la finance internationale et ses liens avec les grandes banques d'affaires étasuniennes. Au moment même où les perspectives de croissance des Etats-Unis ne sont guère réjouissantes. Mais le DoJ ne peut pas davantage montrer trop de faiblesse en pleine campagne électorale et au moment où la candidate démocrate Hillary Clinton est accusée par son adversaire républicain Donald Trump d'être la « candidate de Wall Street ».

Des autorités financières allemandes très bienveillantes

Reste que Berlin entend bien peser de tout son poids pour sauver Deutsche Bank. Un autre fait semble vouloir le prouver. Selon les informations publiées ce mercredi 5 octobre par la Süddeutsche Zeitung, l'autorité allemande des marchés financiers, la BaFin s'apprêterait - « étonnamment », souligne le quotidien munichois - à se montrer très bienveillante dans une affaire de détournement  de fonds impliquant des oligarques russes et la Deutsche Bank. Entre 2011 et 2015, les collaborateurs moscovites de la banque avaient aidé des riches Russes à faire sortir du pays une dizaine de milliards d'euros. De plus, ces activités se seraient poursuivies après 2014 et la mise en place de sanctions contre la Fédération russe. La BaFin pourrait, selon la Süddeustche Zeitung, se contenter de réclamer à la banque une « meilleure gestion des risques ». Autrement dit, elle serait purement et simplement blanchie. Cette décision a surpris parce que, compte tenu de l'état d'esprit actuel en ce qui concerne les pratiques des banques, la Deutsche Bank était susceptible de subir une sanction de plusieurs milliards d'euros. Il n'en est évidemment pas question aujourd'hui. Malgré son indépendance, la BaFin ne peut se permettre de faire prendre un tel risque à la première banque du pays.

Gagner du temps pour quoi faire ?

La stratégie du gouvernement allemand est donc clairement de gagner du temps. En levant le risque immédiat de sanctions trop élevés, Berlin espère donner le temps à Deutsche Bank de se restructurer, de vendre des activités, de réduire ses coûts (9.000 postes doivent être supprimés) et de reconstituer ainsi ses fonds propres suffisamment pour pouvoir rassurer les marchés et ainsi lever des fonds au mieux ou tenir jusqu'aux élections de septembre 2017 dans le pire des cas. Selon Reuters, Berlin écarterait pour le moment le scénario d'une fusion avec une autre banque européenne, souhaitant conserver un « géant bancaire national », à terme, la fusion avec une Commerzbank assainie sous la houlette de l'Etat pourrait donc bien être une option possible afin de conserver un « champion national ».

Les écueils de la stratégie allemande

Cette stratégie réussira-t-elle ? Peut-être, mais le chemin est semé d'embûches. D'abord, la collaboration des autorités judiciaires des Etats-Unis n'est pas acquise. Même si l'amende sur les subprimes est réduite à 5,4 milliards d'euros comme prétendait le savoir l'AFP, la Deutsche Bank restera fragile et exposée à de nouvelles sanctions. Or, les procédures en cours ne changent pas. Si la BaFin est très conciliante sur l'affaire russe, cette même affaire est aussi examinée par les autorités financières des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Ce week-end, l'Italie a mis en cause la banque allemande dans les déboires de Monte dei Paschi di Siena. Le feuilleton juridique n'est donc pas terminé.

Plus généralement, comme l'a encore souligné le FMI mercredi 5 octobre, la Deutsche Bank - comme de nombreuses autres banques européennes - représente un risque sur le système financier et l'économie mondiale. C'est aussi un symptôme de ces maux. Gagner du temps ne saurait régler le problème, si la solution n'est pas envisagée plus globalement dans le cadre d'une réorganisation du secteur bancaire allemand et des liens entre la finance et l'économie réelle. Une double réflexion qui n'est pas à l'ordre du jour à Berlin où, comme souvent depuis 2008, l'urgence et les priorités politiques dictent leurs lois. Mais permettre à la Deutsche Bank de se réorganiser sans changer son modèle économique ne fera que repousser à plus tard de nouveaux problèmes.

Commentaires 9
à écrit le 06/10/2016 à 17:52
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Il faut prendre en compte que aux 4000 licenciements de juin la banque en rajoute 1000 de plus, mais tout va bien ?????

à écrit le 06/10/2016 à 17:25
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Qui sommes ns pour critiquer cette banque?...lorsque la bnp c était fait epingler par les US l allemagne en a t elle fait le title de tt ses journaux? Non! Alors arretons ce Sport national et balayons devant nos portes

le 06/10/2016 à 21:36
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Ils ne se privent pas de taper sur notre pays, mais bon, dans tout les cas, peu importe le pays, les banques font toujours de la marde.

à écrit le 06/10/2016 à 17:12
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La BNP, en son temps, aidée par l'Etat Français, a aussi négocié un abattement substantiel sur le montant des sanctions initialement envisagé par le Régulateur US!...N'est-ce pas ?...

à écrit le 06/10/2016 à 16:38
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Si l'allemagne obtient la bienveillance des USA,demonstration sera faites de la piétre importance que ceux ci accordent à la France à laquelle il n'ont pas laché un dollar dans l'affaire BNP . Il serait temps d'acter cette situation en s'ouvrant dav...

le 06/10/2016 à 21:21
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Cela dure depuis ............................... bien trop longtemps pauvre de nous!!!!

à écrit le 06/10/2016 à 16:25
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Honte sur le gouvernement allemand, cette Europe est pitoyable et ne mérite que le démantèlement. Quand allons nous enfin sortir de cette bouffonnerie ?!

le 06/10/2016 à 22:49
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Honte à certains de citoyen Français qui sous prétexte d'être blasé raconte n'importe quoi.

le 07/10/2016 à 9:27
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Ah bon et en quoi je raconte n’importe quoi monsieur le troll ? Dites nous tout je vous prie, si vous le pouvez bien entendu... Parce que des éléments positifs concernant notre europe j'aimerais vraiment en connaitre enfin.

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