Emmanuel Macron et les dirigeants des trois institutions européennes se sont retrouvés dimanche 9 mai à Strasbourg, jour de la fête de l'Europe, pour lancer la Conférence sur l'avenir de l'Union européenne. Aux côtés du président du Parlement européen, David Sassoli, de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et du premier ministre portugais représentant le Conseil, Antonio Costa, Emmanuel Macron a présenté les enjeux de ce vaste exercice de démocratie participative, prévu sur une durée de douze mois. "Notre Union a besoin d'une nouvelle respiration démocratique", a-t-il déclaré.
Conférences citoyennes
Cette Conférence, que l'Elysée présente comme un "exercice de respiration démocratique collective", a été proposée par Emmanuel Macron en mars 2019. Ses conclusions sont attendues au printemps 2022, une échéance idéale du point de vue politique puisqu'elle interviendra pendant le semestre de présidence française du Conseil européen.
La plénière de la Conférence, instance prévue pour le pilotage des travaux, comprendra 108 députés européens, 54 membres du Conseil (deux par État membre), trois membres de la Commission européenne, des représentants de parlements nationaux et des citoyens. Les institutions européennes ont lancé dès le 19 avril une plateforme numérique, invitant les Européens à donner leur vision pour l'avenir de l'UE. Pour la France, un exercice spécifique de consultation est prévu, "ancré dans les territoires" selon le vœu formulé par l'Elysée. Des conférences citoyennes seront organisées dans 18 régions françaises, Outre-Mer compris, sur plusieurs week-ends à partir du mois de septembre. Son organisation ressemble à celle de la Convention citoyenne pour le climat, dont les 149 propositions formulées en juin 2020 n'ont eu qu'un impact mitigé.
Un lancement à l'accent social
A Strasbourg, dans un hémicycle du Parlement européen transformé en studio télé et dont la capacité avait été réduite à 200 places (contre 800 sièges en temps normal), Emmanuel Macron a tenté d'insuffler un contenu social à sa Conférence en rappelant que "nulle part ailleurs dans le Monde, on n'a autant privilégié les vies pendant cette pandémie". De retour du sommet social organisé les 7 et 8 mai à Porto, le chef d'Etat a rappelé certains objectifs politiques et législatifs de l'Union à court terme : "régulation des plates-formes numériques et des libertés privées", "respect des droits fondamentaux de tous les travailleurs dans l'ensemble des chaînes de valeur". Le sommet de Porto préfigure donc les objectifs que la France entend porter lors de sa présidence au premier semestre 2022 : directive sur les salaires minimaux, droit individuel à la formation au niveau européen, devoir de vigilance et responsabilité sociale des entreprises.
"L'Europe ne va pas assez vite, et peut-être n'a-t-elle pas assez d'ambition", a encore suggéré Emmanuel Macron à Strasbourg, établissant un lien entre l'efficacité de l'action sociale et économique et d'éventuelles réformes institutionnelles à venir.
"Je me félicite que les Etats-Unis s'inspirent de l'Union européenne pour devenir plus solidaires. Je souhaite que nous nous inspirions des Etats-Unis pour retrouver le goût de l'avenir et de la vitesse", a-t-il déclaré, souhaitant que l'Union puisse "investir massivement et aller vite" sur des enjeux économiques tels que "les batteries, l'hydrogène, les semi-conducteurs et le cloud".
Dimanche en fin d'après-midi, le chef de l'Etat a profité de son déplacement à Strasbourg pour assister à la signature entre l'Etat et les collectivités territoriales d'un contrat triennal de soutien à la dimension européenne de la capitale européenne, désertée depuis plus d'un an par les députés pour cause de crise sanitaire.
L'intervention d'Emmanuel Macron en ouverture de la Conférence citoyenne rappelle son discours de la Sorbonne, en septembre 2017. Quatre mois après son élection, Emmanuel Macron y avait engagé sa première "séquence politique" promise pendant sa campagne sur le thème de l'Europe. Le chef de l'Etat y avait détaillé un catalogue de propositions, essentiellement sociales et environnementales, en réaction à une décennie de montée en puissance des populismes et marquée par des politiques européennes atones face aux enjeux sociétaux (sécurité, défense, environnement). Elle s'était soldée par l'élection de dirigeants europhobes en Hongrie et en Pologne et par le choix du Brexit au Royaume-Uni, et la menace continue de peser sur l'Union. "Le mot eurosceptique est ambigu parce qu'il inclut ceux qui veulent détruire les institutions communautaires et les simples déçus de l'Europe. Je dirais que la majorité des citoyens sont devenus euro-grincheux", estimait déjà en 2017 l'ex-député européen Alain Lamassoure.
Quatre ans plus tard, les enjeux sociaux et environnementaux se doublent de l'urgence de réformer le fonctionnement des institutions. Dans une note établie en préalable au lancement de la Conférence citoyenne sur l'avenir de l'UE, l'Union des fédéralistes européens, think-tank présidé par le député Sandro Gozi (Renew), a demandé le lancement d'une "conférence constitutionnelle", dont pourrait ressortir "une proposition concrète pour un nouveau traité soumis au Conseil par le Parlement européen". En clair, une réforme complète des traités sur fonctionnement de l'UE, comme le permet l'article 48 du traité en vigueur.