Grèce : le ton monte entre l'Eurogroupe et le gouvernement

Les créanciers européens de la Grèce ont suspendu les mesures prises sur la dette la semaine passée pour répondre aux décisions sociales annoncées par Alexis Tsipras. Ce dernier est une nouvelle fois menacé d'une humiliation cuisante.
Wolfgang Schäuble, ministre des Finances allemand, et Klaus Regling, président du MES, n'ont pas apprécié les annonces d'Alexis Tsipras.

Alexis Tsipras aura donc dû boire le calice de l'humiliation jusqu'à la dernière goutte. Six jours après avoir annoncé des mesures en faveur des retraités, avec notamment un treizième versement de 300 à 800 euros pour 1,6 millions de pensionnés grecs et la suspension du relèvement du taux de TVA dans les îles du Nord de la mer Egée, frappés par la vague migratoire, le Mécanisme européen de Stabilité (MES), vient d'annoncer le gel du « toilettage » de la dette décidé par l'Eurogroupe du 5 décembre dernier.

Un gel sans importance ?

« Les institutions sont arrivées à la conclusion que les actions du gouvernement grec semblent ne pas être en ligne avec nos accords », a indiqué un porte-parole du président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. Les créanciers européens avaient montré de la mauvaise humeur après les annonces d'Alexis Tsipras, qui ne les en avait pas informé. Cette décision de geler les mesures sur la dette ne portent qu'assez peu à conséquence puisqu'il ne s'agissait que de mesures « préventives » contre de futures hausses de taux. Une seule mesure concerne 2017 et concerne une prime de 2 % que doit verser Athènes sur une dette contractée en 2012. L'essentiel n'est évidemment pas là.

Décision politique

Légalement, la décision d'Alexis Tsipras n'est pas en cause. Le mémorandum d'août 2015 prévoit que la Grèce puisse disposer de 40 % des excédents supplémentaires dégagés par le pays. Cet excédent supplémentaire en octobre 2016 s'élève à près de 3 milliards d'euros et les mesures prévues par le gouvernement grec ne sont que de 674 millions d'euros. Les engagements comptables d'Athènes ne sont essentiels que s'ils correspondent aux niveaux prévus par l'accord et par l'Eurogroupe qui a reconnu que de tels niveaux assuraient la viabilité (fictive) de la dette grecque. Elle est d'autant moins en cause que ces mesures sont socialement justifiables après les efforts du pays qui ont payé en termes budgétaires et les effets de la crise migratoire. Dès lors, cette mesure de rétorsion n'est qu'une décision purement politique visant à désarmer entièrement le gouvernement grec, à annihiler toute prétention à une politique sociale et économique autonome, mais aussi à achever de détruire la crédibilité politique d'Alexis Tsipras et de Syriza. Apparemment, les vieilles rancœurs politiques, qui avaient largement inspiré l'attitude des créanciers au cours du premier semestre 2015, ne sont pas éteintes.

Alexis Tsipras dos au mur

Reste qu'Alexis Tsipras est désormais dos au mur. Ce « gel » des mesures sur la dette annonce vraisemblablement un rejet de la conclusion de la seconde revue du programme, qui est en cours, et, partant, le gel du versement des fonds dont Athènes a absolument besoin avant l'été pour pouvoir honorer 6 milliards d'euros de remboursement de dettes. Dans ces conditions, le premier ministre grec n'a le choix qu'entre une nouvelle humiliation et un retrait de son projet, et un bras de fer qui, tôt ou tard, débouchera sur une crise proche de celle de début 2015, avec une Grèce privée de fonds devant choisir entre la sortie de l'euro ou l'acceptation des conditions des créanciers. Il peut aussi trancher le nœud gordien en appelant à de nouvelles élections, mais il est pratiquement certain de les perdre : Syriza accuse 17 points de retard sur les conservateurs de Nouvelle Démocratie (ND) dans le dernier sondage.

Vers l'humiliation

Comme cela s'est déjà vu plusieurs fois depuis dix-huit mois, sur les expulsions des résidences principales ou sur le principe de baisses automatiques des dépenses en 2018, une nouvelle humiliation est donc la voie la plus probable. Et comme toujours, les créanciers ne manqueront pas alors de relever leurs exigences, notamment en demandant une nouvelle réforme du marché du travail visant à réduire l'influence des syndicats. La stratégie de Syriza semble plus que jamais avoir échoué.  En attendant, Alexis Tsipras joue ses dernières cartes en faisant voter au parlement le texte des mesures annoncées le 8 décembre afin de placer les conservateurs face à leurs responsabilités. ND devrait cependant voter en faveur des mesures, ce qui ne l'empêchera pas de blâmer une nouvelle défaite inévitable du gouvernement. Et de montrer son impuissance face aux créanciers.

Que veut l'Eurogroupe ?

Reste qu'il convient de s'interroger sur les méthodes de l'Eurogroupe, institution informelle mais devenue surpuissante, dominée par le ministre des Finances allemand et qui exerce une puissance quasi proconsulaire sur un Etat membre de l'UE et de la zone euro, la Grèce. Cette hâte à geler des mesures sur la dette qui étaient fort timides et qui n'avaient été acceptées qu'avec réserves montre que la stratégie de l'Eurogroupe qui, rappelons-le, est le conseil d'administration du MES, vise à maintenir le joug de la dette sur la Grèce. On ne peut s'empêcher de penser que cette escalade vise, in fine, à expulser la Grèce de la zone euro. Wolfgang Schäuble ne s'en est pas caché voici quelques jours en demandant dans une interview à Bild Zeitung que la Grèce fasse les réformes ou sorte de la zone euro. A cela s'ajoute évidemment la campagne électorale allemande sous la pression des Eurosceptiques d'AfD auxquels la CDU d'Angela Merkel ne veut donner aucune occasion de blâmer sa politique européenne.

Où est la France ?

Reste alors une autre question : pourquoi n'y a-t-il pas d'opposition suffisamment forte à l'Allemagne au sein de l'Eurogroupe pour mener une politique qui évite l'humiliation et maintiennent les rares avancées en matière de dettes ? Autrement dit, pourquoi la France laisse-t-elle faire ? François Hollande ne cesse pourtant de vanter son amitié avec la Grèce et son action pour « sauver la Grèce » en 2015. Il l'a encore répété lors de son discours de non-candidature. Le groupe des socialistes français du parlement européen protestent.  Mais dans l'Eurogroupe, depuis janvier 2015, la France est entièrement absente. Elle laisse faire, se contentant de vouloir récupérer le « beau rôle » une fois la pièce jouée sans elle. Le problème est que, pendant ce temps, l'économie et la société grecques continuent de subir les effets d'une politique européenne qui s'entête dans une stratégie perdante pour la Grèce aujourd'hui, et pour les autres pays de la zone euro, qui perdront à coup sûr leurs créances demain.

Commentaires 36
à écrit le 16/12/2016 à 7:45
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La Grèce n'est pas la seule endettée. L'état français paye 50 milliards d'euros d’intérêts aux banques par année. Mais d'ici peu la FED va augmenter les taux d’intérêts mondiaux, donc l'état français va voir sa dette publique augmenter...des temps di...

à écrit le 16/12/2016 à 1:24
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A quoi cela sert-il de voter en Europe pour des partis "démocratiques" ? Il n'y a plus qu'un seul chef : Wolfgang Schaüble ! Quant à l' "Eurogroupe", c'est un organisme sans aucun fondement légal, ni constitutionnel. Ils ne craignent qu'une chose : l...

à écrit le 15/12/2016 à 22:52
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A la lecture des commentaires de certains, cela ne dérange pas beaucoup que la Grèce subisse ce qu'on pourrait qualifier de "néo-colonisation" au sens propre du terme. Je tiens tout de même à rappeler que la crise grecque n'est pas une crise de la...

le 16/12/2016 à 8:29
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Je crois que vous omettez l'essentiel : la Grece demande de l'argent , à ce fameux eurogroupe qui " n'est rien et n'existe pas " ... ; et ceux qui font payer au peuple grec le " non respect " du referendum , c'est Tsipras ? non ? ce dernier ne fai...

le 16/12/2016 à 14:20
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Je n'omets pas ce point. Le dernier memorandum est entièrement de la responsabilité de la troïka par son action et propagande. La preuve est que dès les élections qui ont permis à Syriza d'arriver au pouvoir, la BCE a coupé l'accès aux liquidités aux...

le 17/12/2016 à 18:52
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Bravo pour votre commentaire...

le 18/12/2016 à 11:46
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Heureusement qu'on a le point de vue d'un Grec sur le traitement imposé au peuple Grec qui historiquement, a inventé la démocratie. Alors l'UE est très mal placée pour donner des leçons de démocratie à un peuple qui reste résolument attaché à ce qu'i...

à écrit le 15/12/2016 à 22:39
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Il est èvident que la monnaie commune a été introduit malgré des lacunes du système, comme une décision politique sans prévenir les électeurs des coûts de cette décision. La participation dans un tel système nécessite la volonté de contribuer à ferme...

à écrit le 15/12/2016 à 18:29
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là , c'a devient réellement ...le grand cirque ! ( dans la tete de mr Godin ) : la Grece a des les difficultées ( tiens tiens ) ; Tsipras a fait des promesses , mais ...à credit ...( tiens tiens ) ; mais , mr Godin , tout celà c'a dure depuis qu'il...

à écrit le 15/12/2016 à 16:23
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Sapin est le représentant de la France dans l'Eurogroup. Sapin a pour directeur de cabinet un ex dirigeant de la Société Générale. La SG a de grosses créances à récupérer sur la Grèce. Donc : Sapin a pour mission première de laisser le docteur Schaub...

le 16/12/2016 à 0:27
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@andruc: il semble t'voir échappé que 315 milliards ont été versés à la Grèce. La solidarité n'est pas à sens unique et une cooperation de la part des Grecs pour payer leurs taxes et impôts serait la bienvenue pour aider à redresser leur situation. M...

le 16/12/2016 à 15:05
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@Patrickb L'indépendance d'un Etat est son droit, dette ou pas. Cela ne vous dérange pas de transformer un protectorat un pays ? De quel droit se réclamer pour justifier la mise sous tutelle d'un pays pour les 50 prochaines années au moins ? Peu imp...

le 16/12/2016 à 22:42
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Merci Luc pour ce commentaire plein de bon sens et de vérités. Patrickb ne semble pas porter les grecs dans son cœur en regard de ses commentaires insultants, il s'est d'ailleurs déjà fait censuré à plusieurs reprises mais son dernier commentaire mal...

à écrit le 15/12/2016 à 15:14
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Vous verrez que le ton va redescendre entre l'Eurogroupe et le gouvernement grec. Ce dernier va faire passer ses mesures sociales au parlement grec et dans quelques semaines un compromis va être trouvé qui va permettre à la Grèce de continuer à être ...

à écrit le 15/12/2016 à 10:07
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Hollande se sera écrasé face aux allemands durant 5 ans, comme l'a fait sarkozy avant lui et comme le fera fillon c'est tellement pratique de ne penser qu'à son réseau et de laisser faire les ordres de ceux qui obéissent au dogme néolibéral oligarchi...

à écrit le 15/12/2016 à 9:58
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c'est une humiliation supreme que de ne pas depenser l'argent qu'on n'a pas s'il a fait des promesses qu'il ne pouvait pas tenir, c'est son pb, il apprendra a la fermer........... son pays doit 300 milliards et y a deja eu un haircut alors demander...

le 15/12/2016 à 11:06
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Vous dites "son pays doit 300 milliards". Mais n'oubliez pas que vous vous me devez 10 millions d'euros! Sauf que moi j'ai la délicatesse de ne pas vous poser une kalach entre les yeux pour vous contraindre à honorer votre dette.

le 15/12/2016 à 15:00
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merci de me sortir la reconnaissance de dette que je n'ai pas manque de signer pour vos 10 millions je regarderai ca avec la plus haute bienveillance pour le reste la grece doit 300 milliards ++ et au lieu de jouer au pseudo terroriste ( ce qui ne ...

le 15/12/2016 à 15:04
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et comme je ne suis pas un monstre et que vous tres tres genereux, je me permet de vous remettre sous le nez le lien de votre formidable generosite qui a ete d'une aide vitale pour la grece........... 2 millions pour un objectif de 1.6 milliard, ca...

le 15/12/2016 à 15:49
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"payees par personne", non. C'est le contribuable européen qui va s'appuyer cette nouvelle note :-) Je connais bien les Grecs et j'ai toujours souhaité qu'on les vire, car ils appartiennent au Moyen-Orient et pas à l'Europe !!!

le 15/12/2016 à 17:55
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Vous semblez oublié que le gros chèque a déjà eu lieu quand SARKOZY / FILLON ont accepté de reprendre pour 60 milliards d'euros de dette de la GRECE aux banques. On a soigneusement sauvé les copains alors. En plus, si vous compreniez ce qui est ma...

le 15/12/2016 à 17:55
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Vous semblez oublié que le gros chèque a déjà eu lieu quand SARKOZY / FILLON ont accepté de reprendre pour 60 milliards d'euros de dette de la GRECE aux banques. On a soigneusement sauvé les copains alors. En plus, si vous compreniez ce qui est ma...

à écrit le 15/12/2016 à 9:41
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L'Europgroup c'est Sapin. Sapin a pour directeur de cabinet la Société Générale. La SG a de grosses créances à récupérer sur la Grèce. Donc : Sapin ferme sa gueule et Sapin laisse le docteur Schauble continuer sa saignée. Où est l'Europe la dedans ? ...

à écrit le 15/12/2016 à 9:23
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Normal, l état Français a racheté massivement de la dette Grec a nos très chers banques Fr. En gros on en a plein les poches ! Sur l Eurogroupe ca promet, si Fillon passe ! Faut rappeler qu il est d accord avec l Allemand pour étendre le pouvoir ...

à écrit le 15/12/2016 à 9:11
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J'y vois une leçon de politesse. Quand t'es endetté jusqu'au cou, tu fais en sorte de suivre les règles convenues. Pas de problème sur la nécessité des mesures de Tsipras, mais c'est sa méthode qui ne convient pas. L extême gauche au pouvoir c'est un...

le 15/12/2016 à 14:36
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De politesse ? Ils devraient dire merci, excusez moi, je vous en prie en plus de se faire humilier chaque jour un peu plus ? Il me semblait que la Grèce était un pays libre, en fait non car la moindre décision doit être discutée avec les zamis zeurop...

à écrit le 15/12/2016 à 8:53
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La Grèce a eu de nombreux torts, en particulier d'avoir fait confiance à Goldman Sachs et d'être entrée dans l'euro , sous la pression de l'UE. Mais la Grèce est prise en otage dans un carcan qui l'étouffe et elle ne devient qu'une colonie de Bruxel...

le 17/12/2016 à 12:55
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Ul faudrait préciser qui a fait pression pour faire rentrer la Gréce dans l Euro. En tout cas, l Allemagne, Helmut Kohl et ses conseillés y etait opposé. C est La France , Mitterant, qui a fait pression et forcé la main à Herlmut Kohl !!!

à écrit le 15/12/2016 à 8:25
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Sale temps pour les cigales, les fourmis du Nord se rebellent..

à écrit le 15/12/2016 à 7:42
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L'Union Européenne veut protéger les islamistes à Alep et écraser les Grecs à Athènes...

à écrit le 15/12/2016 à 4:12
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Le but des libéraux est simple : écraser les rouges. Et les sociaux démocrates ne prendront jamais parti pour des coco qui leur font concurrence. Sauf quand ils ne bougent plus (Jaures, Castro etc...)

à écrit le 15/12/2016 à 4:06
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Le but est simple : écraser les rouges.

à écrit le 15/12/2016 à 2:04
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La France reste en retrait comme dernier ressort diplomatique comme d'habitude ce qui n'est pas si mal !

le 15/12/2016 à 10:38
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Plutôt un signe de la faiblesse Française actuelle, que l' expression d'une stratégie très pointue de Sapin dans l'Eurogroupe. Sachant que c'est Schauble qui mène la danse, car il voit que son Pays qui est le plus fort contributeur financier, se fait...

le 15/12/2016 à 14:39
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N'importe quoi, pendant que les Allemands dictent le menu, les Français demandent plus ou moins de sel. Notre gouvernement devrait avoir honte de son attitude pleurnicharde, lâche, veule et sans ambition autre ambition que de ménager l'Allemagne. Hol...

le 15/12/2016 à 14:39
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N'importe quoi, pendant que les Allemands dictent le menu, les Français demandent plus ou moins de sel. Notre gouvernement devrait avoir honte de son attitude pleurnicharde, lâche, veule et sans autre ambition que de ménager l'Allemagne. Hollande est...

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