C'est l'effet à retardement d'une bombe lancée il y a trois ans et demi, en décembre 2011, par celui qui alors était alors à la tête du gouvernement italien, Mario Monti. Pour calmer la méfiance des marchés, qui avait causé un bond insoutenable des taux d'emprunt de l'Italie, l'ancien commissaire européen avait imposé un régime d'austérité draconienne à l'Italie, incluant une réforme des retraites qui désindexait de l'inflation les pensions supérieures à 1.400 euros par mois. Dans un entretien paru dimanche 3 mai dans La Stampa, Mario Monti justifie en ces termes ce choix :
Sans cela, "il y aurait eu un défaut de paiement ou la Troïka".
Mais nécessité vis-à-vis des marchés ou pas, une disposition de cette réforme des retraites vient d'être jugée non conforme à la Constitution italienne par la Cour constitutionnelle, qui a rendu sa décision jeudi 30 avril, jetant les comptes publics dans le chaos.
Le pouvoir d'achat des retraités sacralisé
Le maintien du pouvoir d'achat des retraités, notamment de ceux touchant des pensions "modestes", est en effet, selon l'organe de garantie de la Constitution, un droit "constitutionnellement fondé" qui avait été "sacrifié de manière déraisonnable". Conséquences : le gouvernement doit désormais trouver de quoi rembourser les 5,5 millions de retraités (sur 18 millions) lésés par la réforme, alors que l'équilibre du budget italien est déjà bien fragile.
Le trou ainsi creusé dans les finances publiques serait d'au moins 5 milliards d'euros, selon l'évaluation de l'économie réalisée grâce à la réforme proposée par le représentant du gouvernement devant la Cour. Le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore estime pour sa part que l'impact sur les comptes publics de l'annulation de la disposition serait compris entre 8 et 9 milliards au net de l'impôt sur le revenu.
Conflit de générations
Les sommes à rembourser portent sur les années 2012 et 2013, pendant lesquelles l'inflation oscillait entre 1,9 et 2,6%, rappelle Il Sole 24 Ore. Le gouvernement d'Enrico Letta -qui avait suivi celui de Mario Monti, désavoué lors des élections politiques de février 2013- avait en effet de nouveau réformé le système des retraites, réintroduisant une indexation partant de 100% pour les tranches les plus basses et descendant progressivement jusqu'à 45% pour les plus hautes.
Le ministère de l'Économie, cité par La Repubblica, a estimé qu'il était encore trop tôt pour évaluer le coup subi et envisager d'éventuelles contre-mesures, qui viseraient à rééquilibrer le budget des retraites et sur lesquelles la presse spécule depuis jeudi 30 avril. La contrainte principale consiste dans l'éventuelle négociation avec la Commission d'un nouvel objectif de déficit, que l'Italie avait réussi à maintenir pour l'année en cours à 2,6% du PIB. Et la polémique reprend sur l'allocation des ressources entre générations, nombre d'analystes craignant que les rééquilibres nécessaires viennent pénaliser les actions en faveur des plus jeunes, durement frappés par le chômage.