La seconde vague de contamination assombrit l'horizon économique européen. Selon le dernier indice composite publié par Markit ce vendredi 23 octobre, l'activité s'est repliée à 49,4 au mois d'octobre contre 50,4 au mois de septembre. Il s'agit d'un plus bas de 4 mois. Cet indicateur, très observé dans les milieux économiques et financiers, augure une fin d'année périlleuse pour l'économie européenne déjà ébranlée par une chute violente de l'activité au printemps.
La multiplication des foyers de contamination sur le Vieux continent ont obligé la plupart des autorités à prendre des mesures plus sévères pour endiguer la propagation de cette maladie infectieuse. L'Irlande, par exemple a annoncé un reconfinement il y a quelques jours sur l'ensemble du territoire. "Le risque d'une récession à double creux s'est accentué en octobre, la hausse des cas de Covid19 observée récemment ayant fait chuter l'activité globale de la zone euro" a expliqué le chef économiste Chris Williamson dans un communiqué. S'il est encore trop tôt pour avoir des prévisions solides sur le produit intérieur brut du dernier trimestre de l'année, le risque d'une spirale récessive s'accentue pour l'Union monétaire.
Les services dans la tourmente
Les effets de la seconde vague frappent principalement le tertiaire selon les données dévoilées par l'institut. L'indice flash s'est replié à 48,4 en octobre contre 46 en septembre. Il s'agit du creux le plus important depuis le mois mai au moment où la première vague frappait de plein fouet la zone euro. L'activité entre en territoire négatif lorsque l'indice passe en deça de 50 et demeure en expansion au-dessus. Avec le renforcement des mesures de restriction, beaucoup de secteurs comme le tourisme, la restauration, l'hôtellerie, l'événementiel, les transports sont en première ligne dans cette nouvelle tempête. Au regard du poids des services dans l'économie européenne (66% du PIB), les dégâts de cette seconde vague risquent de plomber les espoirs de reprise rapide.
L'industrie résiste
Les moteurs de l'appareil productif européen résistent beaucoup mieux à la seconde déferlante. D'après l'indice composite du cabinet Markit, l'activité a même rebondi au cours du mois d'octobre pour atteindre 54,4 contre 53,7 au mois de septembre. Il s'agit d'un pic depuis deux ans et deux mois. Cette expansion est portée par une forte dynamique des carnets de commande inédite depuis janvier 2018. Dans l'industrie, "le raffermissement de la demande mondiale a entraîné une forte expansion du volume des nouvelles commandes" ajoute Chris Williamson. Si cette reprise est un signal favorable pour l'activité européenne, ses répercussions risquent d'être relativement limitées compte tenu du poids de l'industrie (21%) dans la valeur ajoutée européenne.
Certains mastodontes de l'industrie européenne ont déjà annoncé des fermetures de sites et des plans de licenciements massifs. Cette hécatombe risque d'avoir un effet domino sur de nombreux territoires dépendants de ces grandes industries. Plusieurs économistes redoutent une nouvelle accélération de désindustrialisation alors que la pandémie a mis un coup de projecteur sur les faiblesses du modèle économique européen et ses capacités à répondre à l'urgence sanitaire. La dépendance de l'Europe à la Chine pour les masques et le manque de lits de réanimation par exemple ont obligé plusieurs gouvernements comme la France à mettre en oeuvre des mesures extrêmement drastiques au printemps.
Des écarts de performance impressionnants
L'indicateur synthétique de Markit masque de profondes divergences entre les pays de la zone euro. L'activité de l'Allemagne résiste plutôt bien avec un indice qui s'est légèrement infléchi passant de 54,7 en septembre à 54,5. Cette légère baisse est en partie due au recul de l'activité dans les services alors que l'industrie manufacturière outre-Rhin a connu un rebond spectaculaire. L'indice PMI de l'industrie manufacturière est à 58 en octobre contre 56,4 en septembre. Il s'agit d'un plus haut de 30 mois. Cette relative bonne santé de l'appareil productif s'explique en bonne partie par un rebond mécanique de l'activité après une violente chute et une industrie moins exposée aux mesures de restriction qui plombent les activités à forte interaction physique ou sociale. Il faudra néanmoins regarder si cette dynamique se prolonge. En effet, l'industrie outre-Rhin a enregistré plusieurs périodes de récession ces dernières années en raison d'un ralentissement de l'activité en Chine, qui demeure un client très important de l'appareil exportateur germanique, et de la guerre commerciale. En outre, les cas de tricherie aux émissions de pollution dans l'industrie automobile ont terni les carnets de commandes de géants comme Volkswagen.
Du côté de la France, les voyants sont au rouge. Après la baisse du climat des affaires relevée par l'Insee ce jeudi, les derniers indicateurs du cabinet britannique confirment cet essoufflement de l'économie tricolore et une demande atone. L'indice Markit est ainsi passé de 48,5 en septembre à 47,3 en octobre, soit un plus bas de 5 mois. Le recul est particulièrement marqué dans les services avec un indice qui s'enfonce en territoire négatif à 46,5 en octobre contre 47,5 le mois précédent. Dans l'industrie, l'activité reste en expansion avec un indice à 51 contre 53,3 en septembre mais marque sérieusement le pas. "Les dernières données PMI composites se révèlent de nouveau décevantes pour les entreprises privées françaises, mettant en évidence l'impact très négatif sur les conditions économiques de la récente montée du nombre de cas de Covid-19 et du durcissement des restrictions qu'elle a induit" affirme Eliot Kerr.
Avec les mesures de couvre feu imposées dans 54 départements et pour 46 millions de Français, la plupart des économistes devraient noircir leurs prévisions pour la fin de l'année. Ce matin, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire est apparu pessimiste. "De la même manière qu'au quatrième trimestre nous risquons d'avoir un chiffre de croissance négatif, je vous dis qu'il y aura un fort rebond de l'économie française en 2021 et que nous pourrons retrouver en 2022 notre chiffre de développement économique de 2019", a déclaré le ministre sur Europe 1.
Un plan de relance attendu
Après avoir mis en oeuvre des mesures d'urgence depuis le printemps, les pays européens ont voté un plan de relance d'environ 750 milliards d'euros au coeur de l'été. La mise en oeuvre de ce plan de relance est pour l'instant freiné par des débats entre certains pays européens, notamment la Pologne et la Hongrie, et la Commission européenne. L'institution bruxelloise veut conditionner ces aides au respect de l'état de droit. Chaque pays doit présenter son plan de relance devant la Commission dans les jours à venir.
De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) devrait encore assouplir sa politique monétaire en décembre si les indicateurs continuent de se dégrader. Depuis le début de la crise en février, l'institution basée à Francfort a déjà racheté 70% des dettes publiques en Europe. Pour l'économiste de la zone euro à BNP-Paribas, Louis Boisset, cette seconde vague balaie les espoirs d'une reprise rapide.
"Au-delà de cette année, le rattrapage du retard accumulé au plus fort de la crise serait alors plus long que prévu. L'activité resterait dégradée jusqu'à ce qu'une solution médicale soit trouvée, disponible et largement distribuée. Alors que le FMI prévoyait un rattrapage du niveau d'avant-crise pour 2022 seulement dans certains pays européens, cette date pourrait encore une fois être repoussée".
Sujets les + commentés