Les nuages s'amoncellent au dessus de l'économie française. Selon les derniers indicateurs communiqués par l'Insee ce jeudi 22 octobre, le climat des affaires perd du terrain au mois d'octobre. L'indicateur, qui prend en compte le moral des chefs d'entreprise a baissé de deux points pour se retrouver à 90, soit un niveau bien inférieur à sa moyenne de long terme (100). Après un printemps cataclysmique et un été meilleur qu'attendu, la fin de l'année s'annonce périlleuse. La recrudescence de l'épidémie, la multiplication des mesures sanitaires et la mise en oeuvre de couvre-feux dans les grandes villes et 54 départements annoncés ce jeudi soir par le Premier ministre Jean Castex assombrissent grandement les perspectives économiques. Plusieurs économistes s'attendent à une stagnation de la croissance, voire un recul pour le dernier trimestre.
Les scénarios tant redoutés par le gouvernement d'une reprise en W ou en K avec des perdants et des gagnants pourraient se confirmer dans les semaines à venir. "Le creux du confinement a été un peu moins accusé que prévu, la sortie de confinement s'est mieux passé qu'anticipé [...] Pour le troisième trimestre, nous prévoyons un rebond de 16% et 0% au quatrième trimestre" a rappelé le directeur général de l'Insee, Jean-Luc Tavernier, lors d'une intervention au Sénat ce mercredi 21 octobre.
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Une crise des services
Sans surprise, le secteur des services est à nouveau dans la tourmente. D'après l'indice du climat des affaires communiqué par l'Insee, le niveau a bien baissé depuis août dernier. Il est ainsi passé de 93 à 89 en deux mois. L'arrivée de la seconde vague à la fin de l'été a lourdement pénalisé le secteur de l'hébergement-restauration déjà meurtri par le confinement au printemps. Les dépenses ont également reculé pour le secteur du tourisme ou celui des transports. Compte tenu du poids des services dans l'économie tricolore, ce recul de l'activité du tertiaire est une très mauvaise nouvelle. Comme l'expliquait récemment à La Tribune, l'économiste du CEPII Vincent Vicard, "la crise actuelle est très différente de celles du passé. C'est d'abord une crise des services (restauration, culture, transport aérien). Contrairement à 2008, l'industrie est moins touchée." Et même si la situation est contrastée dans les services, certains secteurs risquent d'être durablement affectés par cette crise inédite.
L'industrie et le commerce de détail s'en sortent mieux
De son côté, l'industrie tire son épingle du jeu. Après un printemps catastrophique, une bonne partie de l'appareil productif tricolore sort la tête de l'eau. Le climat des affaires se stabilise depuis le mois d'août autour de 93 contre 78 en juin dernier. Cette stabilisation est le signe d'une certaine résistance. "Dans l'industrie, la plupart des secteurs sont revenus à leur niveau d'avant crise sauf deux. Il s'agit de l'automobile et de l'aéronautique. La France a beaucoup souffert dans ses exportations par rapport à d'autres pays" a expliqué Jean-Luc Tavernier au Palais du Luxembourg.
Malgré quelques signaux favorables, de grands groupes ont commencé à licencier depuis le printemps et la liste des destructions de postes risque de s'allonger avec la seconde vague en cours. Beaucoup de PME, sous-traitants et indépendants subissent déjà les dégâts liés aux fermetures des grands sites sans vraiment de possibilité de rebondir à court terme. Cette pandémie pourrait accélérer dans un premier temps au moins la désindustrialisation du pays si la pandémie se prolonge encore longtemps.
Pour le commerce de détail, les indicateurs sont également stables. Depuis la réouverture des commerces considérés comme non essentiels, l'activité repart progressivement. Il reste que de nombreuses incertitudes planent sur la consommation. Si les Français ont accumulé une montagne d'épargne pendant le confinement, le fléchage de cette épargne vers la consommation est loin d'être gagné comme l'expliquaient les économistes du conseil d'analyse économique (CAE) dans une récente enquête.
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Une crise durable
Les répercussions de la crise risquent de se prolonger sur l'économie tricolore. En effet, la dégradation de la situation sanitaire et du nombre de contamination est un mauvais signal pour espérer un rebond rapide de l'activité. Des secteurs entiers devraient être durablement affectés par des mesures drastiques comme l'événementiel, la culture et toutes les activités qui impliquent des interactions physiques ou sociales. La vitesse de la reprise de l'activité va dépendre en grande partie des avancées de la recherche pour trouver un traitement efficace ou un vaccin.
Plan de relance : la France à la traîne de l'Europe
En outre, le calibrage du plan de relance annoncé par le gouvernement demeure bien inférieur à ceux annoncés par nos voisins européens. Dans leurs récentes perspectives économiques, les économistes de l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) mettaient en évidence cette moindre impulsion budgétaire. La logique du "quoi qu'il en coûte" annoncé par le président de la République Emmanuel Macron au printemps n'est plus à l'ordre du jour.
Si la majorité du coût choc a été amorti par les administrations publiques (55%), les entreprises ont absorbé une bonne partie de la crise. Beaucoup de sociétés françaises pourraient se retrouver au bord du gouffre dans les semaines à venir même si les statistiques des défaillances ne montrent pas encore de réelle chute.
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