
A une semaine du dernier tour de négociations qu'ouvrira le Roi le 25 avril, la voie semble libre pour de nouvelles élections en Espagne. Les responsables de Podemos, la formation de gauche radicale arrivée en troisième position lors du scrutin du 20 décembre, ont rendu publics les résultats du référendum interne mené sur les coalitions souhaitées par la base. Des résultats qui confortent les choix du chef de file de Podemos, Pablo Iglesias, mais qui rendent toute alliance pratiquement impossible.
Le choix des militants de Podemos
Les militants de Podemos avaient le choix entre deux options. La première était un ralliement au « pacte » passé par le parti socialiste, le PSOE, et le parti de centre-droit, Ciudadanos, en février. Elle sous-entendait que Podemos pouvait donc apporter son soutien à cette alliance qui a échoué le 2 mars dernier devant le Congrès des députés espagnol, précisément en raison de l'opposition de Podemos. Cette option a été rejetée par 88,23% des militants qui se sont exprimés, soit 131.561 personnes contre 11,77%. Ce « non » au pacte PSOE-Ciudadanos n'est pas une surprise dans la mesure où le contenu de l'accord est très modéré, notamment sur le plan économique où il prévoit une réduction de la dépense publique et une nouvelle réforme du marché du travail. Ce rejet était aussi soutenu par Pablo Iglesias.
La deuxième question posées aux militants était celle d'une alliance avec le PSOE dans le cadre d'une alliance dite « à la valencienne », en référence à la coalition entre les régionalistes, Podemos et le PSOE qui a pris forme dans la Communauté de Valence après les élections régionales de mai 2015 pour chasser du pouvoir le Parti populaire, la formation conservatrice du premier ministre espagnol Mariano Rajoy. Cette option est celle défendue par Pablo Iglesias depuis la réouverture des négociations avec le PSOE. Elle a été validée à 91,79 % par les 37,97 % de militants qui se sont exprimés de jeudi à dimanche.
Victoire pour Pablo Iglesias
Le grand vainqueur de cette consultation est bien Pablo Iglesias qui voit sa stratégie d'alliance confirmée par les militants. Sa décision de ne pas soutenir le secrétaire général du PSOE, Pedro Sánchez, le 2 mars, a été validée tout comme sa volonté de construire un pôle de gouvernement autour d'un axe PSOE-Podemos. Mais en réalité, cette position mène l'Espagne inévitablement vers de nouvelles élections. Car l'alliance PSOE-Podemos est impossible à plusieurs titres.
L'impasse du « pacte à la valencienne »
D'abord, parce que Pedro Sánchez s'est engagé à respecter le pacte avec Ciudadanos et semble tenir à cette alliance centriste qui renforce sa position face à l'aile droite du PSOE et lui permet d'occuper le centre de la vie politique espagnole. Son idée était donc d'intégrer Podemos à ce pacte en offrant quelques concessions et en lui faisant accepter des choix plus « libéraux. » L'opération semble désormais impossible, mais on voit mal Pedro Sánchez rompre avec Ciudadanos pour tenter une « alliance à la valencienne » qui ne dispose pas davantage de majorité que l'alliance avec le centre-droit.
La proposition de Pablo Iglesias revient à demander au dirigeant socialiste de briser le pacte avec Ciudadanos pour ensuite demander l'abstention de ce parti et permettre une majorité relative à la coalition avec Podemos. C'est peu crédible. Or, la seule alternative pour construire une majorité à une coalition PSOE-Podemos serait de trouver un accord avec les régionalistes et indépendantistes basques et catalans. Lesquels demandent la reconnaissance des nations basques et catalanes et, partant, un droit à l'autodétermination. Une option impossible à accepter pour Pedro Sánchez qui est en concurrence interne très vive avec la très centralisatrice présidente andalouse Susana Díaz. Déjà, Pedro Sánchez, a ce lundi, réclamé à Podemos "un mouvement" que le référendum interne à Podemos rend de facto impossible. Bref, le « pacte à la valencienne » est en fait une impasse politique.
A qui la faute ?
Chacun le sait en Espagne. Mais, le blocage étant complet, la question est désormais de savoir qui devra être blâmé pour l'échec des négociations actuelles et pour le retour aux urnes. C'est un des éléments clé des prochaines élections, les citoyens pouvant être tentés d'écarter les responsables du blocage. Avec ce référendum interne, Pablo Iglesias va donc proposer une véritable alternative de gouvernement, du moins sur le papier, afin que le coût de l'inévitable échec retombe sur Ciudadanos et le PSOE. Désormais, les partis ont déjà l'esprit dans la prochaine campagne électorale. La principale stratégie du président du gouvernement sortant, Mariano Rajoy, a été précisément, de ne pas se mêler des discussions, restant sur une seule ligne, celle de l'alliance PP-Ciudadanos-PSOE dirigée par lui-même. L'échec des alternatives lui donnera un argument durant la campagne.
Elections le 26 juin ?
Si le 2 mai, autrement dit dans 12 jours, aucun président du gouvernement n'a été investi, les Cortès, le parlement espagnol, seront automatiquement dissous. On votera à nouveau, sans doute le 26 juin. Or, les derniers sondages prédisent une persistance du blocage avec peu de modifications dans les lignes, si ce n'est une légère baisse de Podemos et du PSOE, compensée par une légère hausse de la Gauche Unie (alliance entre Verts et Communistes) et de Ciudadanos. Rien de suffisant, cependant, pour faire pencher la balance. Il faudra toujours une coalition à trois pour gouverner le pays. Une coalition, pour le moment, impossible. Désormais, la seule option possible semble l'alliance promue par Mariano Rajoy, mais pour la réaliser, il faudrait que Mariano Rajoy se retire en "compensation" à ses nouveaux alliés. C'est peu probable, d'autant que les "affaires" de corruption se multiplient, faisant du PP un allié peu flatteur pour Ciudadanos comme pour le PSOE...
Podemos avait-il le choix ?
Au-delà de la stratégie, il faut souligner que l'acceptation par Podemos d'une coalition avec le "pacte" PSOE-Ciudadanos était impossible politiquement. Les conditions du pacte était très éloignées du programme du parti et encore aggravées par la réduction du déficit public imposé par l'UE. Une telle alliance aurait fait apparaître le parti comme "trahissant" l'essentiel de ses convictions pour occuper des places. Difficile à justifier pour un parti voulant "renouveler" la politique. L'électorat aurait alors préféré revenir vers un PSOE plus pragmatique ou vers une Gauche Unie plus radicale. Podemos n'avait donc pas d'autre choix que "d'imposer" ses conditions. Au risque d'imposer à l'Espagne une nouvelle étape électorale, cinq mois après les élections.
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