Pour l'heure, pour financer la crise Covid-19, l'Etat français le répète, il emprunte des dizaines de milliards d'euros chaque mois sur les marchés à des taux favorables. Grâce notamment au programme de rachat d'obligation de la Banque centrale européenne (BCE), la France bénéficie de taux d'intérêt très faibles, comme l'a expliqué le directeur général de l'Agence France Trésor (AFT) Anthony Requin dans nos colonnes. Mais ces conditions sont-elles pérennes dans un contexte de reprise économique incertaine en zone euro ?
Oui, si l'on en croit ce lundi Ignazio Visco, membre du conseil des gouverneurs de la BCE. Selon lui, la BCE ripostera à toute remontée brutale des taux d'intérêt qui ne serait pas justifiée par les conditions économiques, a-t-il déclaré.
Dans la situation actuelle,"l'incertitude sur le calendrier et la vigueur de la reprise exige que les conditions financières restent favorables pendant longtemps", a-t-il ajouté lors de l'assemblée annuelle de la Banque d'Italie à Rome.
De fait, si la Commission européenne vient de relever ses prévisions de croissance de 4,3% en 2021 et de 4,4% en 2022 (contre 3,8% prévus précédemment), la reprise n'en reste pas moins fortement conditionnée à la levée des restrictions et aux campagnes de vaccination. "En 2022, le Covid-19 restera un problème de santé publique", a rappelé la Commission.
Dès lors, pour rassurer, "des hausses importantes et persistantes des taux d'intérêt ne sont pas justifiées par les perspectives économiques actuelles et elles seront contrées", a déclaré Ignazio Visco, ajoutant que l'institution était prête à faire "pleinement usage de son programme d'achats d'obligations déjà défini".
Eviter les scénarios de 2008
Le gouverneur de la Banque d'Italie a expliqué que la crise financière de 2008-2009 avait illustré les risques d'un retrait prématuré des mesures de relance monétaire.
D'ailleurs, comme le rappelle Anthony Requin de l'AFT, « lors de cette crise, la France a pu bénéficier de taux beaucoup plus attractifs que lors du choc de 2008-2009 où les taux étaient entre 3% et 4%. La France traverse cette crise avec des conditions d'emprunt bien plus faibles et une maturité d'émissions pour les opérations de l'année bien plus élevée. »
A noter que les Etats européens sont aussi en attente du versement des premiers subsides du plan européen de 750 milliards, prévues en juillet.
De fait, si la BCE affiche son soutien, c'est qu'elle craint dans le même temps des vagues de faillites en cascade au moment de la coupure des aides publiques. Aussi, elle pourrait débattre en juin d'un nouveau programme d'achats d'actifs lors de la prochaine réunion monétaire. Lancé en mars 2020, l'enveloppe globale de son Programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP) a été portée depuis à 1.850 milliards d'euros.
Une inflation symétrique pour plus de stabilité en zone euro
Ignazio Visco a par ailleurs appelé la BCE à passer à un objectif d'inflation symétrique de 2%, affirmant que cela serait "plus clair" que la politique actuelle axé sur un objectif d'une hausse des prix proche de mais inférieure à 2% sur un an.
Un objectif symétrique serait "plus clair et renforcerait l'ancrage des anticipations d'inflation à moyen et long terme", a-t-il déclaré.
Pour l'heure, la Commission prévoit une inflation en zone euro de 1,7% en 2021 et 1,3% en 2022.
Les banques italiennes présentent des faiblesses structurelles
En ce qui concerne l'Italie, Ignazio Visco a déclaré que plusieurs banques du pays, en particulier celles de petite taille, présentaient des faiblesses structurelles et devaient reconsidérer "en urgence" leur modèle économique.
Toute faillite dans le secteur "sera traitée en essayant de faire en sorte que les banques sortent du marché de la manière la plus ordonnée possible", a-t-il ajouté.