Le Parlement européen s’oppose au colonialisme agricole en Afrique

Les eurodéputés réclament un changement radical de cap pour la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition, qui tend à répliquer le modèle d’agriculture intensive dans les pays africains. Un article de notre partenaire Euractiv.
En Afrique, près de 90 % des agriculteurs vivent de leurs semences (vente, échange, etc.).

Le programme du G7 en faveur de la sécurité alimentaire en Afrique fait fausse route en misant sur l'agriculture intensive, a tranché le Parlement européen, dans un rapport adopté le 7 juin à une vaste majorité.

« Nous avons déjà fait cette erreur de l'agriculture intensive en Europe, nous ne devrions pas la reproduire en Afrique, car ce modèle détruit l'agriculture familiale et réduit la biodiversité », a averti la rapporteure Maria Heubuch (Vert).

     >Lire : Les OGM s'imposent discrètement en Afrique

Lancée en 2012 par les pays du G7 et 10 pays africains, la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (NASAN) a pourtant un objectif louable : d'ici à 2022, sortir 50 millions de personnes de la pauvreté en dynamisant les investissements dans le secteur agricole de 10 pays africains, tels que le Bénin, le Nigéria, ou la Côte d'Ivoire.

Contreparties

Mais en contrepartie des investissements, ce vaste partenariat pousse les pays africains partenaires à mettre en place des réformes politiques sur l'accès au foncier, l'utilisation de semences certifiées (hybrides, OGM), ou encore sur  la fiscalité pour faciliter les investissements privés dans le secteur agricole.

Des réformes qui favorisent les grands groupes au détriment des petits agriculteurs, qui représentent pourtant plus de 70 % de la production agricole dans le monde.

     >Lire : Divergences d'opinion sur la décision de l'UE sur les OGM dans les pays en développement

« Les petits exploitants produisent [...] grâce à des techniques beaucoup plus durables et respectueuses du climat que les grandes entreprises agricoles.[...] La NASAN fait exactement le contraire, en facilitant la mainmise des grandes entreprises agricoles sur les systèmes alimentaires dans divers pays africains», a regretté Aisha Dowell,  en charge de l'agriculture à Global Justice Now.

Rejet des OGM

Concrètement, les eurodéputés appellent à un arrêt du soutien aux OGM dans le cadre du partenariat public-privé. La NASAN demande en effet aux pays partenaires de soutenir "la distribution, l'adoption et la consommation de variétés agricoles biofortifiées".

« Le rapport appelle les pays du G7 à ne pas soutenir les semences génétiquement modifiées en Afrique. C'est un véritable succès » s'est félicité la rapporteure allemande Maria Heubuch (Vert).

Si aujourd'hui seuls trois pays africains autorisent officiellement la culture et la commercialisation d'OGM  (Afrique du Sud,  Burkina Faso,  Soudan), plusieurs pays membres de l'Alliance comme le Ghana,  le Malawi et le Nigeria ont lancé des essais en champs, le dernier étant même en processus de changement législatif.

     >Lire : Des élus contestent le soutien des OGM par l'UE en Afrique

Autre biais pointé par le rapport, le risque d'accaparement des terres. Pour sécuriser les investissements privés, la NASAN soutient la prévalence du droit foncier. « Mais en Afrique, le droit foncier est l'exception, puisque la propriété des terres agricoles fonctionne selon les principes du droit d'usage et du droit coutumier », rappelle une connaisseuse du dossier.

« Il faut donc que le partenariat respecte les différentes formes de propriété afin de ne pas mettre en danger les petites exploitations », souligne-t-elle.  Une approche que le rapport parlement appelle de ses vœux, en s'appuyant sur les directives de la FAO.

Privatisation des semences

Le dernier avertissement lancé par le Parlement concerne la privatisation des semences. En Afrique, près de 90 % des agriculteurs vivent de leurs semences (vente, échange, etc.). Un système qui leur permet de conserver «une  certaine indépendance vis-à-vis du secteur semencier commercial », souligne le rapport.

« Mais le secteur privé, qui finance une partie de la NASAN, demande à ce que les pays changent leur législation », explique une connaisseuse du dossier. « Cela obligerait les paysans à renoncer à l'échange et à la vente libre de leur semence ».  Et donc à une partie fondamentale de leurs revenus.

Critiques récurrentes

Si les critiques sur la NASAN ne sont pas nouvelles,  le rapport du Parlement européen est la première prise de position officielle d'une institution contre la philosophie du partenariat.

« Si la Nouvelle alliance ne remédie pas aux problèmes graves que nous observons, l'UE devra retirer son soutien à cette initiative » a de son côté affirmé la rapporteure Maria Heubuch. Dans le texte, la prise de position est plus nuancée puisque les eurodéputés appellent l'UE  à « remédier à toutes les lacunes de la NASAN ».

>>Lire : Berlin finance l'exportation du modèle agricole européen en Afrique

« Les pays européens et l'UE peuvent faire évoluer les choses » soutien Maria Heubuch. « Par exemple, l'Allemagne qui est en charge du partenariat avec le Bénin n'a pas demandé d'évolution sur la propriété des semences.

En France, un pays traditionnellement hostile aux OGM, la critique est aussi de mise.  En décembre dernier, le ministère des Affaires étrangères avait indiqué que Paris était « consciente des inquiétudes que suscite la NASAN et partageait une partie des critiques formulées par les ONG, notamment sur le manque de transparence dans la gouvernance et l'absence de règles définissant les investissements à privilégier ».

« La France [...] doit agir dès le prochain Conseil de gouvernance de l'Alliance en juillet au Rwanda pour bloquer toute expansion de la NASAN et mettre en œuvre une évaluation transparente et inclusive des impacts de l'initiative dans les 10 pays africains concernés » réclame Jean-Cyril Dagorn d'Oxfam France.

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CONTEXTE

Lancée en 2012, la Nouvelle Alliance est un « programme de développement agricole » financé par les pays du G8 et l'Union européenne. L'objectif de ce programme est de sortir 50 millions de personnes de la pauvreté dans 10 pays partenaires en Afrique en misant sur l'investissement de sociétés privées dans l'agriculture intensive.

L'agriculture familiale représente environ 80 % de la production alimentaire mondiale et 60 % des emplois en Afrique subsaharienne.

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PROCHAINES ETAPES

  • Juillet: réunion du conseil de gouvernance de la NASAN - Rwanda

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Par Cécile Barbière, EurActiv.fr

(Article publié le 8 juin 2016)

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Euractiv

Commentaires 4
à écrit le 20/06/2016 à 10:46
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L AFRIQUE VAS DEVENIR UN ENJEUX INPORTANT POUR NOURRIR LES HUMAINS C EST LA ET EN RUSSIE QUE SE TROUVENT LES MEILLIEURS TERRE AGRICOLE ? ILS SERAIS DOMMAGE DE LAISSEZ LES PAYS A MONNAIE FORTE TUE SES TERRES AGRICOLE PAR DES PROCEDES COMME LES O G M ...

à écrit le 18/06/2016 à 8:42
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Bien , il peut etre un peux tards pour s'inquiète de la. Privations des terres agricole en Afrique.... ( la Chine et d'Arabie se sont déjà servis) ensuite remettre tous cette agriculture entre les mains des OGM ne me semble pas opportun dans des pays...

à écrit le 18/06/2016 à 7:00
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Sus au progrès technique, source de tous les maux, retour à la vie traditionnelle, à l'agriculture 1880 et aux lois Méline. A Tweeter sur son Ipad +++ avant de monter dans sa Lexus.

à écrit le 17/06/2016 à 17:24
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Jusqu'à nouvel ordre il est essentiellement chinois en Afrique. Nous devrions le faire en UKRAINE au lieu de laisser le fils du Vice-Président Américain BIDEN junior s'emparer de tout en espérant la port ouverte sur l'Europe si l'Ukraine y rentre ...

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