Grâce aux PPP, l'Afrique de l'Ouest devient la 1ère région du continent pour les projets d'infrastructures

Les clichés ont la vie dure, même en Afrique où les pays anglophones sont censés faire la course en tête... En vérité, c'est aujourd'hui l'Afrique de l'Ouest qui s'affirme  à la première place en termes de projets d'infrastructures, avec une progression largement supérieure à la moyenne du continent (55 % vs 15 %). Décryptage de la dynamique de ce retournement porté par les PPP, par Laurence Van Prooijen, directeur Partenariat public-privé Afrique francophone chez Deloitte Afrique.
Laurence Van Prooijen, directeur Partenariat public-privé Afrique francophone chez Deloitte Afrique.

L'Afrique est aujourd'hui à un tournant clé de son développement. Sa marche vers une croissance à deux chiffres dépend d'un secteur essentiel : les infrastructures. Le continent fait pourtant face à un déficit important en la matière (énergie, transports, eau, assainissement...) alors que ses besoins sont gigantesques : près de 100 milliards de dollars par an, alors que moins de la moitié de cette somme est disponible à ce jour (Source : Banque africaine de développement).

Ce secteur était mené historiquement par l'Afrique du Sud. Aujourd'hui, l'Afrique de l'Ouest est en passe de devenir la région motrice des projets d'infrastructures, tant sur leur nombre (20% des projets africains) que sur leur valeur (17%). Selon l'étude Deloitte Africa Construction trends report 2015, les investissements en infrastructures en Afrique de l'Ouest, actuellement en cours ou en projet, ont en effet connu une accélération importante en 2015 : le montant des investissements augmente de 55%, passant de 75 Md$ en 2014 à 116 Md$ en 2015, à l'heure où le continent connaît globalement une croissance moyenne de 15%, avec 375 Md d'investissements sur l'année 2015.

Vers une croissance forte de l'investissement public

L'Afrique possède le réseau d'infrastructures le plus faible au monde et, malgré cela, les usagers payent jusqu'à deux fois plus cher pour avoir accès aux services. L'état des infrastructures en Afrique subsaharienne freine la croissance économique des pays de 2% chaque année, et limite la productivité des entreprises jusqu'à 40 %. Afin de remédier à ce déficit, de nombreux pays de l'UEMOA envisagent une augmentation considérable de leur investissement public à moyen terme. D'après les prévisions des services du FMI, les dépenses d'investissement public devraient atteindre environ 9,5 % du PIB entre 2015 et 2019, contre une moyenne inférieure à 8 % sur la période 2011-2014.

Plus précisément, l'Afrique devrait investir environ 5% du PIB dans les infrastructures et consacrer encore 4% supplémentaires aux activités d'exploitation et d'entretien de cette infrastructure, pour atteindre un taux de croissance de 7%. Les besoins annuels pour la prochaine décennie s'élèvent ainsi à 15% du PIB, dont la moitié pour l'Energie (source : Banque mondiale).

Pour financer de manière viable l'augmentation des investissements dans les infrastructures, il est donc essentiel pour les pays d'utiliser au mieux les deux moyens principaux de création de capacités budgétaires : accroître les recettes fiscales et l'efficience des dépenses publiques.

Pourquoi les infrastructures ont longtemps été le maillon faible en Afrique ?

Le déficit d'infrastructures en Afrique de l'Ouest n'est pas seulement un problème de financement. Une étude récente du FMI d'avril 2016, comparant la zone UEMOA aux autres pays d'Afrique subsaharienne, montre que l'efficience des dépenses publiques est un axe majeur :

  • en améliorant la gestion de l'investissement public, les pays peuvent réduire leur manque d'efficience. Il s'agit d'identifier quelles sont les institutions responsables aux différentes étapes clés du cycle de vie des investissements, en particulier la planification des investissements durables dans l'ensemble du secteur public, l'allocation des investissements aux secteurs et projets opportuns et la mise en œuvre des projets dans le respect des délais et du budget ;
  • en consacrant des efforts plus importants aux dépenses de maintenance des infrastructures ;
  • en développant l'efficience des dépenses publiques d'éducation et de santé, pour non seulement créer de l'espace budgétaire, mais aussi promouvoir une croissance plus inclusive dans les pays d'Afrique de l'Ouest.

Le rattrapage de l'Afrique de l'Ouest, une tendance de fond

C'est notamment en développant l'efficience des dépenses publiques que l'Afrique de l'Ouest a commencé son rattrapage.

L'étude Deloitte Africa Construction trends report 2015 révèle que la croissance des investissements en infrastructures en Afrique de l'Ouest impactent fortement le nombre et la valeur des projets.

En nombre de projets, l'Afrique de l'Ouest se positionne désormais à la seconde place avec environ 79 projets, derrière l'Afrique du Sud (109 projets) mais devant l'Afrique de l'Est (61 projets). Les secteurs les plus concernés restent les mêmes d'une année sur l'autre et sont représentatifs de l'ensemble du continent, avec une dominance des projets dans les secteurs des transports (30 %), de l'énergie (23 %), de l'eau (10 %) et de l'immobilier (8 %). On note cependant deux évolutions : une diminution sensible du secteur minier qui se maintient à 9%, et l'apparition des projets de développement social à 4%.

Les PPP, un accélérateur des investissements

D'après l'étude Deloitte, le recours aux PPP concerne en moyenne 12 % à 17% des projets de l'Afrique de l'Ouest en 2015. Ils s'inscrivent précisément dans une politique de développement économique et de réforme engagée par les États. En effet, le recours à des PPP peut permettre, d'une part, une plus grande flexibilité des budgets publics (même si ce partenariat ne peut être résumé à la seule notion de véhicule de financement), et d'autre part, une optimisation des projets publics en adoptant les meilleures pratiques de la gestion privée, notamment en matière d'amélioration de la qualité de service.

Il n'en reste pas moins qu'environ 65 % des projets d'intérêt public restent conduits par les gouvernements en maÎtrise d'ouvrage publique.

En termes de financement, les institutions financières internationales ont encore augmenté leur implication et contribuent à 51 % des financements. La part des États reste stable à 14 % et les institutions financières africaines représentent 10 %. On voit donc que les partenaires institutionnels classiques (BM, BAD, AFD, BOAD, BID, etc.) restent les principaux contributeurs des projets d'infrastructures développés par les États.

De nouveaux partenaires (Chine, pays du Golfe, etc.) souhaitent par ailleurs s'implanter sur les marchés émergents et représentent un potentiel important pour le financement des infrastructures.

Il revient donc aujourd'hui aux gouvernements de définir leur stratégie de recours au secteur privé par le biais des PPP afin d'accélérer le rythme des investissements, d'acquérir des compétences techniques et le savoir-faire pour améliorer l'efficience des investissements et la qualité de service des infrastructures. Ainsi, chaque pays de l'Afrique de l'Ouest s'est engagé dans une démarche de développement du cadre règlementaire et institutionnel PPP et dans la sélection de projets viables. Cette approche existe également au niveau régional.

De l'intégration régionale aux projets transnationaux d'infrastructure

Les actions des institutions régionales visent à harmoniser et dans le même temps à clarifier et préciser les cadres réglementaires nationaux afin de sécuriser et promouvoir les investissements privés.

Les axes d'harmonisations envisagés s'appuient sur une analyse du plus grand dénominateur commun entre les États et doivent s'articuler en particulier avec les initiatives régionales déjà existantes.

L'initiative « Investir dans l'UEMOA » est un exemple d'appel aux PPP. Cette initiative régionale a été mise en œuvre par la Commission de l'UEMOA et la Banque Ouest Africaine de développement. Concernant le financement de la deuxième phase du Programme Economique Régional (PER) de la zone UEMOA, pour la période 2012-2016, son objectif final est la mobilisation de ressources pour la réalisation de programmes d'envergure régionale.

L'initiative comporte 17 projets identifiés à partir des projets du PER et des programmes nationaux de développement des États membres, ayant une dimension régionale prioritaire. Ils ont été sélectionnés sur la base de disponibilité d'études de faisabilité ou d'études de préfaisabilité, avec un impact sur la croissance, et peuvent faire l'objet de réalisation dans le cadre de Partenariat public-privé (PPP).

Le coût total des projets est évalué à 10 759 milliards de Francs CFA dont 4 160 milliards pour la réhabilitation et la construction de 4 500 km de lignes ferroviaires, et 2 600 milliards pour le prolongement de 1 000 km, jusqu'à Ouagadougou, de l'autoroute Abidjan-Yamoussoukro.

PPP veut aussi dire préparer, préparer, préparer...

La problématique de réduction du déficit d'infrastructures en Afrique de l'Ouest met cruellement en avant la nécessité pour les   États d'utiliser au mieux les fonds publics et de choisir des projets viables. Pour assurer un taux de succès des projets qui pérennise la  croissance récente des investissements dans la zone, il est nécessaire pour les États de dédier des capacités budgétaires à la planification  et à la préparation des projets d'intérêt public, et à construire ainsi le savoir-faire des porteurs publics de projets. Le recours aux partenariats public-privé ne fait que renforcer la nécessité de conserver cette approche, afin de mettre en œuvre des contrats équilibrés.

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Commentaires 3
à écrit le 30/05/2016 à 17:24
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Le problème est plus profond que l'on ne le pense. En effet, quelque soit la terme ou la forme que l'on utilise pour mobiliser et qualifier ces fonds levés pour la réalisation des ces infrastructures reconnues unanimement comme indispensables au dé...

à écrit le 27/05/2016 à 18:08
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Quand on voit les résultats souvent désastreux pour les finances publiques des PPP en Europe et notamment en France ( hopitaux, LGV, ..) on peut avoir quelques doutes sur ces partenariats : ils servent à alimenter des multinationales (rentes à leur p...

à écrit le 27/05/2016 à 12:52
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On a l'UE mais la France possède le deuxième territoire marin du monde. L'Afrique de l'ouest est francophone. Que fait-on ? Rien. Il serait temps d'investir massivement et de faciliter l'apprentissage du français pour que les jeunes africains ne se ...

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