"Il reste beaucoup à faire pour éliminer le risque systémique"

Selon le directeur des risques de la Deutsche Bank, les réformes de la réglementation financière actuellement en discussion ne suffiront pas à éviter une nouvelle crise systémique. Dans une interview à La Tribune, Hugo Bänziger compare les risques du système financier à la grippe porcine, et propose d'agir sur les canaux de transmission des risques afin de prévenir toute contagion au reste du système.

La Tribune : Comment peux-on mieux protéger le système financier à l'avenir ?

Hugo Bänziger : Tout le monde est d'accord sur le fait que les banques ont besoin de plus de capital, de moins d'effet de levier, de meilleures conditions de liquidité et d'une meilleure gestion des risques. Mais ces mesures ne suffiront pas à éliminer le risque systémique. Il reste encore beaucoup à faire.

 

Comment caractérisez-vous le risque systémique?

On peut parler de risque systémique lorsqu'une banque en difficulté en infecte une autre. C'est comparable à une épidémie comme la grippe porcine. Il faut donc bloquer les mécanismes de transmission. La grippe porcine est un bon exemple. Si vous attendez que la grippe éclate pleinement, cela vous coûtera très cher. Il est plus raisonnable - et beaucoup moins coûteux - d'opter pour la médecine préventive et l'isolement des individus contaminés. Grâce à ces mesures, la grippe porcine n'est pas devenue une épidémie mondiale.

 

Il faut donc absorber les risques des banques au lieu de les transférer...

Exact. Et ce n'est pas si compliqué. Les banques sont connectées à d'autres institutions financières et à l'économie par cinq canaux, qui transmettent les risques comme une onde de choc : le marché monétaire interbancaire, le marché des changes, les marchés de dérivés, la garantie des dépôts et le mécanisme de liquidation des banques insolvables.

 

Comment une telle onde de choc se propage-t-elle dans le marché monétaire entre les banques?

Prenez l'exemple de l'Hypo Real Estate. Si HRE n'avait pas été sauvée il y a un an, plusieurs banques auraient perdu leurs dépôts interbancaires, soit plusieurs milliards d'euro, et auraient été en difficulté à leur tour. On ne prête pas assez attention aux risques liés aux opérations interbancaires. Sur le marché monétaire, la taille des crédits n'est pas plafonnée. A ce jour, seule la Commission européenne a pris conscience de la nécessité de réguler ces opérations. Ses dernières propositions prévoient d'introduire des limites aux échanges interbancaires.

 

Vous avez aussi évoqué le marché des changes. Quels risques présente-t-il ?

Aujourd'hui, 45 % des transactions mondiales sur le marché des changes sont effectuées à travers le système mondial de paiements CLS (« continuous linked settlement »), lancé il y a 7 ans. Là, il n'y a pratiquement aucun risque. Mais les 55 % restant sont beaucoup plus risquées qu'on ne le croit. Le système CLS n'est encore utilisé que par les grandes banques. Cela doit changer. Tous les participants du marché devraient être obligés d'exécuter les transactions de devises étrangères par le CLS. Même les assurances, les grandes multinationales et les fonds alternatifs. Comme ça, tout sera sécurisé. Le CLS devrait également couvrir toutes les devises, alors qu'il ne couvre aujourd'hui que les monnaies commerciales majeures.

 

Les dérivés de crédit (« Credit Default Swaps »), censés couvrir les risques, sont devenus facteurs de risque. Comment éviter désormais une contagion au reste du système financier ?

La Réserve fédérale américaine et la Commission européenne sont en train de faire intervenir une contrepartie centrale, sous la forme d'une chambre de compensation. Les dérivés sont ensuite traités par des structures ressemblant à une bourse. La chambre de compensation prend en charge le risque de défaillance, qui est couvert par des dépôts de garantie.

 

Angela Merkel a promis que les dépôts seraient garantis. En quoi cette garantie est-elle facteur de risque ?

Aujourd'hui, si une banque devient insolvable, les dépôts sont bloqués jusqu'à 12 semaines. Cela risque de rendre insolvables certains de ses clients particuliers ou entreprise, qui ne peuvent pas accéder à leur argent. Une banque devrait donc avoir des programmes informatiques qui permettent que les dépôts assurés soit versés dès le lendemain d'une faillite et que les paiements ne soient pas interrompus. Il nous faut donc compléter la loi européenne par des exigences techniques.

 

Qu'en est-il des risques liés au processus de liquidation ?

Le mécanisme de liquidation d'une banque, surtout d'une banque globale, prend des années. Les investisseurs comme les caisses de retraite ou les assureurs voient donc leurs créances bloquées pendants des années. Nous avons besoin d'un cadre juridique de liquidation rapide, global et coordonné. L'OMC dispose d'un tel cadre, pourquoi ne pas en établir un dans le domaine financier ?

 

Tout le monde semble s'accorder sur le fait que le ratio de fonds propres durs (core Tier One) des banques devrait être augmenté. On parle de 8 % ou plus. Qu'impliquerait une telle augmentation pour Deutsche Bank?

Exiger un ratio core Tier One de 8 % n'aura aucun impact sur Deutsche Bank. Notre ratio de fond propres de base (Tier One) se trouve déjà à 11 %, et notre core Tier One est à 7,8 %. Nous avons toujours opéré avec des ratios supérieurs aux exigences réglementaires minimales. En revanche, beaucoup de banques en Europe devront augmenter leur capital.

 

Certains économistes ont appelé à une augmentation progressive des ratios de solvabilité, avec l'idée que plus une banque est grande, plus elle doit détenir de capital.

Ce n'est pas la taille d'une banque qui fait son importance systémique. Si on impose aux banques des exigences de capital très importantes, leur réaction sera de réduire la taille de leur bilan. Ceci conduit automatiquement à un resserrement du crédit. Ce n'est pas la taille d'un établissement qui peut déstabiliser le système, mais les interconnexions entre lui et le reste du système. Il faut donc les sécuriser.

 

Le renforcement des exigences de capital annonce-t-il la fin des objectifs de rendement des fonds propres de 25 % ?

Tant que nous ne connaissons pas les nouvelles règles, c'est difficile à dire. La Deutsche Bank s'est donné un objectif de rendement de 25 % pour pouvoir rivaliser avec ses concurrents internationaux. Si les rendements se réduisent dans l'ensemble du secteur financier, alors nous aussi, nous redéfinirons notre rendement cible.

 

 

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