Fonds propres : pourquoi Christine Lagarde a raison de s'inquiéter

Les banques européennes sont potentiellement exposées à une crise de liquidité. Les nouvelles exigences de Bâle III vont les obliger à lever de nouveau du capital.
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La grande patronne du FMI aurait-elle déjà perdu la tête dans ses nouvelles fonctions à la tête du FMI, comme le laissaient entendre hier le « Financial Times » ainsi que nombre de banquiers furieux de découvrir son appel à une recapitalisation rapide des banques européennes ? Car, à première vue, les banques européennes qui n'arrivent plus à refinancer leurs crédits en dollars auprès des banques américaines et préfèrent placer leurs dépôts à la BCE que de se prêter entre elles pourraient bien à nouveau être au bord d'une crise de liquidité. À l'image de celle que l'on a connue après la chute de Lehman le 15 septembre 2008, lorsque les banques, qui se soupçonnaient toutes de détenir des subprimes dans leurs bilans, ne parvenaient plus à se financer auprès des autres banques. Crise qui mit un coup d'arrêt au crédit à l'économie et déclencha une contraction de l'activité mondiale comme on n'en avait pas connu depuis 1945.

Rien à voir, donc, avec la crise de solvabilité qui, elle, nécessite un renforcement des fonds propres. La crise de liquidité relève d'une tout autre logique. En principe, rappelle Jean Peyrelevade, l'ancien président du Crédit Lyonnais, « pour ne pas avoir de problèmes de trésorerie, une banque ne devrait prêter qu'à hauteur de ses dépôts. Or, remarque-t-il, les banques européennes, et en particulier les banques françaises, octroient beaucoup plus de crédits qu'elles n'ont de dépôts, ce qui les contraint à se refinancer sur le marché interbancaire, et si elles n'y arrivent pas, à la BCE ». Le risque de liquidité est donc lié à l'activité de transformation bancaire de ressources courtes à taux faibles en crédits longs à taux plus élevés. Il peut suffire d'un événement extérieur, comme la défection d'un prêteur à une banque, pour que celle-ci ne puisse plus prêter à son tour. Et soit donc contrainte de vendre des actifs, et ce faisant, de plomber la valeur de ses réserves, la conduisant alors, tôt ou tard, à une crise de solvabilité par insuffisance de capital.

Si les deux risques relèvent de logiques différentes, ils ne sont donc pas déconnectés. Voilà pourquoi Christine Lagarde, même si son intervention a pu sembler mal à propos dans le contexte de crise de confiance actuel, devrait être écoutée. Et ce d'autant plus que, tirant les leçons de la crise de 2008, les régulateurs qui définissent les nouvelles normes bancaires dites de Bâle III plaident pour un renforcement de leurs ratios de liquidité à court terme et à long terme. Or, ces nouvelles normes de liquidité réduiraient beaucoup l'activité de transformation des banques, et partant leurs profits, comme l'ont calculé les analystes du secteur banque de Mediobanca Securities à Londres : une hausse de 100 points de base du coût de financement des banques réduirait de 13 % les profits de BNP Paribas attendus pour 2012. Si pour CA SA, la baisse serait limitée à 8 %, pour Société Générale, elle atteindrait même 16 % ! En clair, les profits des banques françaises seront les plus affectés par les nouvelles normes... Ceci justement expliquant l'intense lobbying anti-Bâle III qu'elles mènent depuis des mois.

Surendettés, les États ne sont plus assez forts ni assez solides financièrement pour garantir aux régulateurs bancaires qu'ils viendront de nouveau secourir leurs banques en cas de crise de liquidité. Pénalisées par les nouvelles normes, les banques risquent de ne pas pouvoir augmenter leurs fonds propres par la seule mise en réserve de leurs profits. Du coup, elles vont bel et bien devoir lever de nouveaux fonds propres sur les marchés pour atteindre les 9,5 % de leur total de bilan en 2018. Selon Mediobanca, les besoins de recapitalisation sont de 11 milliards d'euros pour BNP Paribas, de plus de 8 milliards pour SG, et de près de 12 milliards pour CA SA.

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