Le Sénat s'en prend aux "erreurs et à la domination" des trois grandes agences de notation

La mission d'information "sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation" a présenté son rapport et ses vingt-six propositions ce matin.
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Les sénateurs français entendent bien être une force de proposition dans le débat sur les agences de notation. La mission d'information "sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation" a présenté son rapport ce matin, alors qu'au Parlement européen, la commission des affaires économiques et monétaires doit se prononcer aujourd'hui sur un nouveau volet de la régulation les concernant. Les propositions de la mission d'information seront débattues en séance publique dès la reprise de la session parlementaire. Elles seront présentées au premier ministre Jean-Marc Ayrault et au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a expliqué la présidente de la mission, la sénatrice PS des Pyrénées-Atlantiques Frédérique Espagnac, au cours d'une conférence de presse.

Les autorités ont fait des agences "des quasi-régulateurs"

"Nous aurions pu souhaiter rendre illégales les agences de notation, mais nous avons constaté qu'aucun retour en arrière n'était possible à court terme", ont expliqué Frédérique Espagnac et le rapporteur de de la mission Aymeri de Montesquiou. En réaction aux différentes crises, les autorités publiques ont en effet fait appel aux notations pour s'assurer de la solidité des actifs des banques et de des sociétés d'assurance, ainsi que de la réalité des risques pris. "Elles ont fait des agences de notation des quasi-régulateurs", constatent les sénateurs. 

Ainsi, les banques centrales font massivement appel aux notations pour apprécier la qualité des actifs que les banques leur apportent en garantie. A la fin 2011, sur les 2.017 milliards d'euros de garanties déposés auprès de la Banque centrale européenne, 75 % étaient admis sur la base d'une notation émise par une agence.

On leur a délégué "une mission de service public sans cahier des charges, sans contrôle et sans exigence de résultat"

Le travail de "désintoxication" c'est à dire de toilettage des textes européens pour enlever les références à ces notes promettant d'être un travail de longue haleine et le financement désintermédié prenant de plus en plus d'importance à mesure que les banques sont soumises à des exigences de fonds propres plus strictes, les efforts doivent se concentrer sur la qualité de la note émise, estiment les sénateurs. Pour eux, "C'est parce que les notes ne sont plus de simples « opinions » que l'activité de notation doit devenir une profession règlementée. On a délégué de manière diffuse une mission de service public de Standard and Poor's, Moody's et Fitch, sans cahier des charges, sans contrôle et sans exigence de résultat".

Soumettre les méthodologies à un examen collégial

"La transparence n'est pas ce qui caractérise le mieux les agences de notation", a déclaré Aymeri de Montesquiou, pointant le problème de la transparence des méthodologies. Le sondage commandé par le Sénat à l'Ifop montre que cette opinion est partagée par 58% des investisseurs et que 56% d'entre eux jugent les documents publiés par les agences trop complexes pour être exploitables. Les sénateurs proposent de créer un label de l'Autorité européenne des marchés, de façon à valider ces méthodologies, et de relever la contribution reçue par l'AEMF, la logique étant qu'en taxant la rente de situation des agences occasionnée notamment par le relèvement des barrières à l'entrée, on puisse financer un Forum, à vocation européenne, permettant à toutes les parties concernées d'échanger sur les critères et la méthodologie de la notation.

 Les ressources humaines des agences de notation

"L'examen du nombre de dossiers par analyste, des qualifications, de la formation continue, de l'ancienneté des analystes n'a pas constitué la priorité au moment de l'enregistrement de Standard and Poor's, Moody's et Fitch en Europe", déplorent les sénateurs, qui proposent une "certification professionnelle" par un organisme indépendant. "Pour la dette souveraine, 78 % des analystes de Moody's avaient moins de 5 ans d'ancienneté, dont 30 % moins de deux ans d'ancienneté en 2009-2010", relèvent-ils.

La question de la responsabilité civile

Autre problème identifié par les sénateurs : la difficulté d''invoquer la responsabilité des agences. Pour l'instant,  les procès en responsabilité intentés aux agences de notation n'ont pas abouti à des condamnations significatives. Les sénateurs proposent d'inverser la charge de la preuve lorsqu'un investisseur présente des éléments laissant présumer qu'une agence a commis une faute et d'obliger les agences à souscrire à une assurance " responsabilité civile professionnelle" afin de faire face à d'éventuels contentieux.

Comment faire face à l'oligopole ?

Dans le contexte de crise des dettes souveraines, tout projet d'agence publique européenne serait soupçonnée de partialité. Les sénateurs recommandent donc d'utiliser les notations développées par certaines banques centrales comme la Banque de France, mais également les institutions allemande, autrichienne ou espagnole pour la cotation des entreprises. Autre piste à explorer : un indicateur synthétique agrégeant les notations internes données par les banques commerciales. Enfin, le Sénat salue les projets "ambitieux" du cabinet de conseil allemand Roland Berger et de la fondation Bertelsmann. Pour les membres de la mission d'information, il est essentiel de créer une agence de notation privée européenne de dimension mondiale afin de faire contrepoids aux agences anglo-saxonnes.

"Il n'y a pas de fatalité pour que se perpétuent les erreurs et la domination sans partage des trois grands acteurs de la notation Standard and Poor's, Moody's et Fitch", concluent les sénateurs, qui appellent à une convergence entre l'Europe et les Etats-Unis au G20, "autour d'une vision ambitieuse de la régulation".

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Commentaires 3
à écrit le 20/06/2012 à 18:15
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C'est curieux, quand il n'y avait pas de problème du genre perte du triple A, tout le monde se foutait de l?existence des agences. Même mieux, les gouvernants se félicitaient d'être si bien notés et d'emprunter pour pas cher pour pouvoir continuer à ...

à écrit le 20/06/2012 à 14:54
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Il est plus facile d'accuser les agences de notation que de mettre de l'ordre dans ses comptes !

à écrit le 20/06/2012 à 14:00
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Quand on est mordu par un chine, on l'accuse de la rage !

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