Financement des activités polluantes : une lettre interpelle les grandes banques

L'association d'investissement responsable ShareAction, a convaincu une trentaine d'investisseurs, fonds et sociétés de gestion à envoyer des lettres à cinq grandes banques européennes pour leur demander d’arrêter de financer des activités fossiles. Les banques concernées ont répondu que leur désengagement dans le fossile n’était qu’une question de temps.
BNP Paribas a rappelé dans un courriel avoir annoncé de nouveaux objectifs le mois dernier, y compris l'arrêt du financement de nouvelles explorations et la réduction de l'exposition au gaz.
BNP Paribas a rappelé dans un courriel avoir annoncé de nouveaux objectifs le mois dernier, y compris l'arrêt du financement de nouvelles explorations et la réduction de l'exposition au gaz. (Crédits : BENOIT TESSIER)

La pression pour les financeurs d'activité polluantes monte encore. Ce vendredi 10 février, l'association d'investissement responsable ShareAction a annoncé qu'une trentaine d'investisseurs, dont elle coordonne l'action, ont envoyé des lettres à cinq des plus grandes banques européennes, leur demandant de cesser de financer de nouveaux champs pétroliers et gaziers d'ici la fin de l'année, pour ne pas compromettre la transition énergétique. Ces lettres ont été envoyées aux dirigeants de BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Barclays et Deutsche Bank. Ces établissements ont été les principaux financiers européens de compagnies œuvrant à l'expansion de projets d'hydrocarbures entre 2016 et 2021, derrière le géant bancaire britannique HSBC, selon l'ONG.

Les investisseurs signataires, dont la société de gestion d'actifs La Française ou Aegon Asset Management, représentent en tout des actifs d'une valeur de plus de 1.500 milliards de dollars, a précisé ShareAction. Ils soulignent notamment que onze des vingt-cinq plus grandes banques européennes ont déjà restreint le financement de nouvelles installations pétrolières et gazières, citant, outre HSBC, l'espagnole BBVA, la néerlandaise ING, la britannique Lloyds et l'italienne UniCredit. « Les investisseurs avertissent ces banques qu'elles seront confrontées à une pression de plus en plus forte si elles n'agissent pas rapidement pour inverser leur financement des nouveaux champs de pétrole et de gaz », a déclaré Jeanne Martin de ShareAction.

En mars 2021, Reclaim Finance et cinq autres associations ont déjà épinglé plusieurs grandes banques mondiales, et notamment françaises, pour avoir non pas baissé mais augmenté leurs financements accordés aux producteurs d'énergies fossiles de près de 5,9 % entre 2016 et 2020.

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Les banques souhaitent inciter plutôt que lâcher les entreprises polluantes

Face à cette nouvelle demande, un porte-parole de Barclays a déclaré que la banque pensait qu'elle pouvait faire la plus grande différence en travaillant avec ses clients dans leur transition vers une économie à faible émission de carbone. « Cela inclut de nombreuses entreprises pétrolières et gazières qui sont activement engagées et essentielles à la transition », a ajouté le porte-parole.

De son côté, BNP Paribas a rappelé dans un courriel avoir annoncé de nouveaux objectifs le mois dernier, y compris l'arrêt du financement de nouvelles explorations et la réduction de l'exposition au gaz. Crédit Agricole a dit avoir déjà mis fin au financement de nouveaux projets d'extraction pétrolière et pointé du doigt un plan pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Société Générale a refusé de commenter, mais un porte-parole a déclaré que la banque évaluerait la lettre une fois que ses dirigeants en auraient reçu une copie. Il a souligné les objectifs de la banque française visant à réduire son exposition à la production de pétrole et de gaz d'ici 2025.

La banque allemande Deutsche Bank a déclaré avoir « considérablement réduit » son engagement dans les secteurs à forte intensité de carbone depuis 2016. « Nous nous concentrons sur le soutien de nos clients dans leur transformation vers la neutralité carbone », a dit la banque dans un communiqué envoyé par courriel.

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Une transition qui prend trop de retard d'après les ONG

Ces réponses des banques mises en cause n'ont rien de surprenant. L'engagement du secteur bancaire en France est connu : accélérer la sortie de la filière charbon, avec des objectifs de sortie totale d'ici 2030 ou 2040, et arrêt, à partir de janvier 2022, du financement des projets d'hydrocarbures non conventionnels, notamment acté par la Fédération bancaire française (FBF) en octobre dernier. « Ce qui place les banques françaises en pointe sur ce sujet en Europe », avait rappelé, en février 2022 Maya Atig,  directrice générale de la FBF. « Les banques françaises sont résolument engagées pour une transition énergétique, qu'elles souhaitent globale, durable et socialement responsable. Les chiffres témoignent d'avancées concrètes : le financement des entreprises impliquées dans le charbon ne représente plus que 2,1 milliards d'euros, soit 0,16% du portefeuille corporate des grandes banques françaises quand celui du renouvelable atteint en 2020 plus de 44,3 milliards d'euros, en augmentation de 68% en 4 ans », précisait alors la FBF.

Bien que les banques ont resserré leurs critères de prêt dans le cadre de l'Alliance de Glasgow pour la neutralité carbone, les groupes environnementaux affirment qu'elles font trop peu, trop tard. L'Agence internationale de l'énergie estimait en 2021 que les investissements dans de nouveaux projets d'approvisionnement en pétrole, gaz et charbon devaient être stoppés pour atteindre des émissions nettes nulles d'ici le milieu du siècle. Or, selon une étude menée par l'agence de recherche non lucrative néerlandaise Profundo, les quelque 1.000 entreprises du charbon avaient reçu 1.200 milliards de dollars d'investisseurs institutionnels à fin novembre 2021, et 1.500 milliards de dollars de financements « versés, sous la forme de prêts et d'émissions d'actions et d'obligations », entre janvier 2019 et novembre 2021.

(Avec agences)

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Commentaires 2
à écrit le 11/02/2023 à 12:46
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Dit autrement....des fonds qui ont investi massivement dans du renouvelable et veulent voir la valeur investie exploser massivement demandent à d'autres fonds de sortir du pétrole pour acheter les actions qu'ils comptent leur vendre...et pour ca ils ...

à écrit le 10/02/2023 à 20:15
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"Convaincre de" pas "convaincre à" (ou bien "convaincre de renonce à"): m... je suis pas un littéraire, mais j'aimerais bien continuer à lire du français lorsque je ne lis pas du franglich international! Vous faites quoi en école de journalisme?

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