Hausse des taux : l'inquiétude grandit en Allemagne sur la santé des banques

Ce lundi, le superviseur du secteur financier (Bafin) en Allemagne, a alerté sur les risques que les hausses de taux menées par la BCE font peser sur la rentabilité de certaines banques obligées d'abaisser fortement la valeur d'actifs dans leurs portefeuilles de titres. En décembre dernier, l'institution monétaire elle-même avait dit se préoccuper des répercussions de sa nouvelle politique sur le secteur bancaire de la zone euro.
La Banque centrale européenne a relevé, depuis juillet, ses taux de 250 points de base.

La hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) fait-elle peser un risque sur les banques allemandes ? C'est du moins ce dont s'inquiète le superviseur du secteur financier (Bafin).

Pour rappel, depuis juillet 2022, la BCE a relevé à quatre reprises ses taux directeurs. Une première fois de 50 points de base, puis à deux reprises de 75 points, avant une nouvelle hausse de 50 points en décembre dernier. Soit un relèvement au total de 250 points de base pour tenter de réguler l'envolée des prix, tirés par les coûts de l'énergie. Le taux rémunérant les liquidités bancaires non distribuées en crédit se situe désormais à 2% et celui sur les opérations de refinancement à court terme à 2,50%, au plus haut depuis fin 2008.

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Les plus petites banques au centre des inquiétudes

Mais cela n'est pas sans conséquences pour les banques. Si cette politique a amélioré les marges de crédit des établissements bancaires, elle a aussi pesé sur la rentabilité de ceux obligés d'abaisser fortement la valeur d'actifs dans leurs portefeuilles de titres.

« Pour de nombreuses petites banques, les réserves cachées (en capital) ont été épuisées en tant que première ligne de défense », a ainsi alerté, ce lundi à Francfort, le président de la Bafin, Mark Branson.

L'autorité du secteur s'occupe désormais « principalement de la planification du capital » d'institutions disposant de peu de coussins de sécurité en la matière et qui sont exposés au « risque de taux d'intérêt » à la hausse, a-t-il poursuivi.

Il ne s'agit pas des mastodontes Deutsche Bank ou Commerzbank qui inquiètent, mais de plus petites banques où les neuf premiers mois de l'année se sont soldés « en moyenne par un résultat négatif après impôt ».

Un risque d'insolvabilités côté PME et entreprises énergivores

En outre, la Bafin a identifié plusieurs autres risques pour le secteur financier, dont celui d'une vague d'insolvabilités alors que l'économie va probablement se refroidir. Cela pourrait placer en défaut « surtout des prêts aux PME et aux entreprises énergivores, ce à quoi les banques doivent se préparer », estime Mark Branson.

D'autant que la BCE devrait, de nouveau relever ses taux lors de sa prochaine réunion de politique monétaire début février pour faire baisser l'inflation. Si cette dernière est repassée sous la barre des 10% en fin d'année dernière, elle se situe à un niveau encore bien trop élevé (9,2% en décembre sur un an).

La BCE s'inquiète pour les actifs et le financement des banques

Malgré la politique enclenchée depuis juillet dernier, la BCE s'est, elle aussi, inquiétée des répercussions de la hausse des taux d'intérêt pour le financement des banques, ainsi que du conflit en Ukraine.

Alors que les banques se montrent jusqu'à présent résilientes face aux retombées de la guerre en Ukraine, la BCE est préoccupée « par les répercussions de l'environnement macroéconomique et de la dynamique des marchés financiers pour la qualité des actifs et le financement des banques », écrivaient, en décembre Kerstin af Jochnick, membre du conseil de surveillance de la BCE, et Mario Quagliariello, directeur au sein du superviseur bancaire, dans une note de blog.

Les quelque 115 grandes banques surveillées directement par la BCE en zone euro (les vingt pays à avoir adopté la monnaie unique) affichent encore des ratios de financement stable (net stable funding ratio) et de liquidités satisfaisants, mais « les superviseurs doivent regarder sous la surface » au moment où s'achève, en raison des records d'inflation, un long cycle de politique monétaire particulièrement accommodante.

Durant des années, la BCE a prêté généreusement aux banques à coût très réduit, voire en les rémunérant si elles prêtaient en retour suffisamment à l'économie. Ces prêts dits "TLTRO" devront être remboursés au plus tard fin 2024 et la BCE a même durci en octobre leurs conditions pour encourager des remboursements anticipés.

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Privées de cette manne, « les banques pourraient être confrontées à des problèmes de financement », d'autant que « l'appétit pour le risque des investisseurs a diminué », pointent les auteurs du blog. Pour les banques, la rentabilité et la capacité à maintenir des ratios de financement acceptables pourraient en souffrir.

L'une des priorités du superviseur dans les mois à venir sera donc d'« examiner les stratégies de sortie des banques du financement TLTRO, ainsi que leur planification de la liquidité et du financement plus largement ».

La BCE veut aussi contrôler de près la gestion du risque crédit, alors que le nombre d'impayés devrait augmenter sur fond de crise de l'énergie et de ralentissement économique.

(avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 23/01/2023 à 19:42
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L'Allemagne, qui depuis longtemps est "l'homme malade de l'Europe" vient de passer au stade de "très malade". Elle va devoir réagir vite elle ne veut pas passer par la case mort cérébrale, un État d'où il est difficile de revenir.

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