Société Générale lance une restructuration de grande ampleur en France

Le plan vise à créer un réseau unique Société Générale et Crédit du Nord d'ici 2023. 600 agences, soit 30 % du parc, devraient disparaître d’ici 2025. Le nouveau groupe sera doté d'une marque socle commune avec des déclinaisons territoriales.
La banque de détail de la Société Générale et le réseau de sa filiale Crédit du Nord vont réorganiser leurs activités en France.
La banque de détail de la Société Générale et le réseau de sa filiale Crédit du Nord vont réorganiser leurs activités en France. (Crédits : Reuters)

Ni fusion, ni absorption. Le groupe Société Générale préfère évoquer un rapprochement entre la banque de détail de la Société Générale (1.440 agences) et le réseau de sa filiale Crédit du Nord (672 agences sous neuf enseignes différentes), pour annoncer la mise en œuvre de son projet de réorganisation de ses activités en France.

Une nouvelle banque

Ce projet, baptisé Vision 2025 et avalisé par les conseils des deux groupes ce week-end, vise à améliorer la rentabilité du groupe pour ses activités de détail en France mais aussi à répondre aux nouveaux défis que posent l'usage croissant de la banque digitale. Car derrière la restructuration se profile la priorité donnée aux investissements numériques. "Le digital doit être partout", résume Sébastien Proto, directeur général adjoint, en charge des réseaux, et cheville ouvrière du projet.

L'ampleur du chantier, dont nous annoncions les contours le 16 novembre dernier, est considérable : il doit s'étaler sur trois ans (2021-2023), avec une réduction de près de 30 % du nombre d'agences, un système informatique, un siège unique et des sièges régionaux renforcés, et l'émergence d'une nouvelle marque qui respecte à la fois l'unicité du groupe et son ancrage territorial. Car l'idée est bien de "créer une nouvelle banque avec ce rapprochement", souligne Frédéric Oudéa, directeur général du groupe.

450 millions d'économies en 2025

Malmené depuis plusieurs années sur ses résultats, Société Générale entend doper la rentabilité de ses activités de détail (dans un environnement de taux, de concurrence et et de réglementation de plus en plus dur) après avoir mené de front plusieurs chantiers de réduction des coûts et du risque de sa banque d'investissement.

Selon les estimations de la banque, le rapprochement des deux réseaux permettrait ainsi de générer une réduction des coûts de 350 millions d'euros en 2024 et de 450 millions d'euros en 2025. La seule migration du système informatique du Crédit du Nord sur celui de Société Générale permettrait de réduire  la dépense de 140 millions d'euros par an, à partir de 2024, soit près de 17% du budget informatique. De quoi redéployer les investissements sur le numérique. Le coût total de la réorganisation est estimé entre 700 et 800 millions d'euros sur les trois ans et il sera provisionné intégralement sur les comptes de 2021.

Pas deux agences dans la même rue

Jamais, depuis la crise de 2008, la banque de détail en France n'aura connu de réduction d'agences d'aussi grande ampleur. Le nombre d'agences, de plein exercice, sur l'ensemble du groupe devrait ainsi passer de 2.100 à 1.500 d'ici 2025, soit une diminution équivalente à la taille du réseau Crédit du Nord. Pourtant, l'effort sur la réduction du maillage n'est pas nouveau. Entre 2015 et 2020, le groupe avait déjà réduit son réseau de 18%, soit 443 agences fermées pour Société Générale (-20%) et 123 agences pour Crédit du Nord (-14%).

Pour autant, insiste Sebastien Proto, "le groupe préservera la même empreinte territoriale" compte tenu de la grande proximité géographique des agences des deux groupes dans une même ville. Dans 60 % des cas, souligne la banque, une agence Société Générale se trouve à moins d'un kilomètre d'une agence Crédit du Nord, parfois même "dans la même rue ou la même place".

Or, le principe est clair : "pas deux agences dans la même rue", explique le dirigeant. La proximité sera donc le premier critère de sélection de fermeture d'agences mais également l'emplacement, le potentiel pour accueillir de nouveaux personnels (la taille moyenne des agences devrait augmenter) et la qualité du fonds de commerce. En revanche, l'appartenance à une enseigne ne sera pas, en elle-même, un critère de choix.

Le groupe ne s'attend pas à une forte attrition de la clientèle. Pour deux raisons. Tout d'abord, la proximité sera maintenue et, ensuite, l'autonomie de décision des régions sera renforcée. "Les régions seront le centre de notre nouvelle organisation", souligne Sébastien Proto.

Pas de départ contraint

Pour l'heure, le groupe se refuse à donner une estimation chiffrée sur le nombre de suppressions de postes attendu, sur un effectif total des activités de détail de près de 29.000 salariés. Seul engagement à ce jour : pas de départ contraint. En fait, la banque mise sur les départs naturels, soit environ 1.500 par an, pour amortir le choc social, tout en assurant un flux de recrutements. Elle compte également mettre le paquet en terme de formation et une équipe des ressources humaines sera dédiée au chantier.

Les syndicats ne cachent pas leurs inquiétudes. Avant l'annonce du plan, la CFDT anticipait entre 3.000 et 5.000 suppressions de postes et avait alerté la direction de la banque dans une lettre ouverte en novembre dernier. De son côté, le Syndicat National de la Banque (SNB) table sur une réduction d'environ 2.000 postes au niveau national.

Les trois enjeux pour une marque

Reste à définir la stratégie de marque du réseau unifié, une question toujours épineuse, à la fois pour les motivations des équipes et pour la fidélisation des clients, notamment professionnels, souvent attachés à leur banque. La réflexion n'a officiellement pas débutée mais des décisions seront prises d'ici 2023. Quelques pistes sont cependant avancées.

"Nous avons trois enjeux : renvoyer une image d'unicité, tenir compte de la communication digitale et adopter une stratégie de marque cohérente avec notre principe d'ancrage territorial", explique Sébastien Proto.

La piste privilégiée serait, selon nos informations, de s'appuyer sur un socle commun, en l'occurrence la marque Société Générale, sur lequel seraient ajoutées des déclinaisons régionales, pour tenir compte de la spécificité de chaque marché et de chaque enseigne concernée, en fonction notamment de son ancrage et de son histoire.

C'est l'option choisie notamment par les Banques Populaires : imposer son logo au côté de l'enseigne de la banque rachetée pour mieux gérer dans le temps la transition, sans rupture commerciale. Tous les clients Crédit du Nord auront à terme un nouveau identifiant bancaire.

Objectif de 4,5 millions de clients pour Boursorama

Le nouvel ensemble représente environ dix millions de clients, bien loin encore des puissants réseaux mutualistes, comme Crédit Agricole, qui dominent toujours le marché des particuliers et des professionnels. Plus grave, ce sont ces mêmes réseaux mutualistes qui obtiennent les meilleurs scores de satisfaction de la clientèle. Un terrain sur lequel Société Générale veut se battre.

Le groupe compte également sur le développement de sa banque en ligne Boursorama, alors que les banques digitales concentrent désormais près d'une ouverture de compte sur quatre en France. L'objectif de la filiale est d'atteindre 4,5 millions de clients d'ici 2025 (contre 2,5 millions en 2020), grâce à un vaste de plan de conquête de clientèle.

Une stratégie qui a un coût : il est prévu une perte cumulée de 230 millions d'euros sur trois ans (2021-2023). Mais la banque en ligne vise la rentabilité en 2024, avec un résultat net de 100 millions (et de 200 millions en 2025).

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Commentaires 2
à écrit le 08/12/2020 à 4:15
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Le chant du cygne ? A voir les deficits accumules de cette banque, les deposants devraient se mefier....

à écrit le 08/12/2020 à 0:13
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La restructuration de la rémunération de Frédéric Oudéa fait-elle partie de sa vision prophétique?

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