Crédit Mutuel vs Arkéa : vote sous haute tension et déjà « invalide »

L'organe central de la banque mutualiste condamne la consultation en cours des caisses locales du Crédit Mutuel Arkéa estimant que le vote aurait dû se produire le même jour. Un "déni démocratique" pour le groupe breton qui dénonce le parti pris d'un organe censé être neutre.
Delphine Cuny
La Confédération nationale du Crédit Mutuel, qui a engagé des poursuites contre Arkéa pour contrefaçon de marque au sujet de son logo qu'elle estime non conforme à sa charte graphique, ne cache pas sa démarche anti-scission. Arkéa pointe qu'elle sort de son devoir de neutralité et d'impartialité.

Le Crédit Mutuel, marque bancaire préférée des Français, est surtout devenu le théâtre d'une détestation mutuelle et d'invectives réciproques entre deux camps qui semblent résolument irréconciliables. La Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM), l'organe central, qui s'est réunie en conseil d'administration ce mercredi, a adopté une résolution en forme de déclaration de guerre au Crédit Mutuel Arkéa (fédérations de Bretagne, du Sud-Ouest et du Massif Central), qui veut prendre son indépendance : elle « condamne » le déroulement de la consultation en cours des caisses locales sur ce projet de séparation et affirme, avant même l'issue de celle-ci, qu'elle « ne pourra, en tout état de cause, considérer son résultat comme valide. »

L'étalement du vote, du 23 mars au 15 avril, qui a « permis l'exercice de manœuvres et pressions », constituerait « une grave irrégularité quant à la sincérité du scrutin » selon la CNCM. Alors que la Confédération avait souligné la nécessité de consulter les caisses locales, dont les administrateurs sont élus par les sociétaires (qui sont à la fois actionnaires et clients) du groupe mutualiste, elle estime désormais que ce devrait être aux fédérations de voter, selon le principe de subsidiarité. La CNCM critique aussi le vote à main levée qui est inscrit dans les statuts des caisses locales et conclut :

« Toutes les règles relatives à l'organisation d'un vote démocratique et éclairé ont été bafouées. »

La réaction du groupe breton ne s'est pas fait attendre :

« La position exprimée, ce jour, par la Confédération nationale du Crédit Mutuel, s'apparente à un déni de démocratie alors même que le vote engagé par les 331 caisses locales du groupe Arkea est toujours en cours, qu'il s'effectue dans le strict respect des statuts [...] », souligne la direction du Crédit Mutuel Arkéa dans un communiqué.

Et d'ajouter :

« Cette position est d'autant plus choquante que le vote s'inscrit dans le droit fil des propositions formulées par le président de la CNCM lors du conseil d'administration du 11 octobre 2017. »

Dans l'entourage des dirigeants d'Arkéa, on relève que la position de la CNCM n'est pas en accord avec le rôle d'un « organe censé être neutre et impartial » et vise à faire pression sur les caisses locales.

C'est tout l'argumentaire de Crédit Mutuel Arkéa depuis le début de sa bataille pour son autonomie puis son indépendance : la Confédération, présidée par Nicolas Théry, le président du plus gros groupe régional du Crédit Mutuel, CM11-CIC (onze fédérations dont la puissante strasbourgeoise), ne serait que l'instrument de ce dernier dans un projet de centralisation, qui menacerait in fine, les emplois et la stratégie du groupe breton.

« Mensonges », « parti-pris », « propagande »

Il est vrai que le directeur général de la Confédération nationale, Pascal Durand, a établi un rapport cinglant sur la consultation, dans lequel il dénonce « la propagande des dirigeants d'Arkéa » et reconnaît ouvertement la démarche anti-scission de la CNCM :

« Tous les moyens possibles ont été utilisés pour interdire à la CNCM de diffuser une information contradictoire et engager un débat sur les conséquences de ce vote. La tenue des réunions d'information a été systématiquement sabotée », écrit-il.

Il appuie son propos de la copie d'un email qui aurait été envoyé en interne chez Arkéa, invitant les salariés à s'inscrire « avec des noms bidons » à la réunion qu'il avait organisée à Rennes « afin que ce soit un flop » et à le « siffler voire plus (marque je suis Arkéa ?) ». Il dénonce des pressions et affirme qu'une salariée du Crédit Mutuel du Sud-Ouest ayant assisté à une de ses réunions à Bordeaux aurait été « convoquée par la direction des ressources humaines d'Arkéa quelques jours plus tard à 10 heures pour un licenciement express avec départ de l'entreprise à 11 heures. L'Inspection du Travail est saisie de ce dossier. » Ce qui fait bondir chez Arkéa : « Il n'y a évidemment aucun lien entre la présence à une réunion et un licenciement, régie par des règles et des procédures. C'est une manipulation grossière indigne de la part d'un organe central » s'insurge le groupe.

Le directeur général de la Confédération rappelle par ailleurs que la CNCM a engagé des poursuites contre Arkéa pour contrefaçon de marque au sujet de son logo qu'elle estime non conforme à sa charte graphique.

Joint en annexe au rapport, figure un courrier du directeur général d'Arkéa, Ronan Le Moal, qui accuse Pascal Durand de « parti-pris » et d'avoir diffusé des informations « soit dénuées de tout fondement, soit mensongères, soit portant atteinte à l'image et à la crédibilité des dirigeants du groupe Arkéa. »

Résultats du vote le 18 avril

C'est dans ce climat extrêmement tendu que se poursuit la consultation des caisses. Malgré les menaces de sanctions pour non-respect de la « discipline fédérale » par la CNCM, cinq caisses du Crédit Mutuel du Massif Central ont organisé un vote, dont quatre ont soutenu à 90% le maintien au sein d'Arkéa, alors que la fédération du Massif Central a annoncé son intention de rejoindre le groupe CM11-CIC.

Les résultats seront annoncés à l'issue du conseil d'administration des fédérations du groupe Arkéa, le 18 avril prochain. Un collectif de salariés a organisé un rassemblement à Paris le 17 mai prochain : le cortège, initialement prévu le 5 avril, devrait défiler entre Bastille et Bercy, une façon de montrer la détermination des "indépendantistes" au ministère, qui a réaffirmé son souhait de ne pas modifier le code monétaire et financier qui régit le régime mutualiste.

Une source proche indique que la direction d'Arkéa planche sur un « schéma d'organisation respectant les mécanismes coopératifs et mutualistes », ne nécessitant pas de modification législative, qui sera soumis aux autorités de supervision avant l'été.

Delphine Cuny

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