“En se transformant, la finance devient plus attractive pour les femmes”, Diony Lebot (Société Générale)

Directrice générale déléguée de Société Générale, Diony Lebot a réalisé une large partie de sa carrière dans la banque de financement et d'investissement. Un bastion historiquement très masculin. Aujourd'hui, elle est optimiste sur la trajectoire de la place des femmes dans la finance bien que les comités exécutifs soient encore à 80% masculins.
Juliette Raynal
Diony Lebot.
Diony Lebot. (Crédits : Société Générale)

À 55 ans, Diony Lebot a brisé un plafond de verre. En mai 2018, elle est devenue la première femme directrice générale déléguée du groupe Société Générale. Pur produit de la banque de La Défense, elle affiche une expérience de plus de 30 ans dans différents métiers de la banque de financement et d'investissement en France et à l'international, avant de rejoindre la fonction risque du groupe en 2015. Sorte de "super vigie" aujourd'hui, cette Franco-grecque a désormais sous sa responsabilité les directions des risques, des finances et de la conformité. Diony Lebot partage son expérience de femme dans la finance où les femmes sont majoritaires dans les effectifs...sauf au sommet.

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LA TRIBUNE - Vous avez été directrice des risques de Société Générale et avez aujourd'hui en charge les fonctions de contrôle. Pourquoi la mixité est si importante à ces fonctions ?

Diony Lebot - La pensée unique est très risquée ! Ce qui est important dans la gestion des risques, c'est de s'assurer qu'il n'y ait pas d'angles morts. Je crois donc énormément au besoin de diversifier les profils en termes de genre, mais aussi de nationalité et d'expériences professionnelles pour avoir cette capacité à voir les choses sous différents angles. C'est aussi important d'avoir des désaccords.

Vous avez 34 ans d'ancienneté à la Société Générale. Quelle évolution de la place des femmes avez-vous observé ?

Je suis arrivée en 1986. À l'époque, on recrutait déjà 50% de jeunes diplômées femmes et 50% d'hommes. On se disait alors qu'on avait créé le vivier nécessaire pour arriver à une certaine parité dans les cercles managériaux dix ans plus tard. En réalité, 34 ans après, nous ne sommes toujours pas à la parité et pendant longtemps, il a fallu démontrer que les équipes mixtes étaient plus performantes.

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Depuis, il y a eu une bascule totale car plus personne ne remet en question cette corrélation. Aujourd'hui, une équipe totalement masculine est le reflet d'une mauvaise gouvernance ou même synonyme de risques pour la performance de l'entreprise. Toutes les parties prenantes y sont attentives : les investisseurs, les clients, les salariés. La diversité est devenue l'un des critères d'évaluation de la performance de l'entreprise et de son attractivité.

Pour la première fois, je suis optimiste et très confiante sur la trajectoire de la place des femmes dans la finance et sur le fait que nous allons progressivement arriver à une réelle mixité. Car même si nous partons de très loin, la dynamique vient de toutes parts.

Quelles mesures faudrait-il prendre pour que davantage de femmes accèdent au top management ?

Il n'y a pas de recettes miracles. Plusieurs conditions doivent être réunies pour que cette accélération se matérialise. Il faut des process qui s'installent sur la durée et travailler des plans de carrière qui mettent les femmes en position d'accéder aux plus hautes responsabilités. Il faut aussi s'assurer que les femmes dans la finance soient dans des rôles business et opérationnels, des rôles de génération de revenus. Historiquement, elles étaient plutôt cantonnées dans des rôles support, comme les ressources humaines et la communication. C'est très important car l'accession aux postes à fortes responsabilités doit passer par cette expérience business et cette légitimité. Cela a été déterminant dans mon parcours. Il faut enfin s'assurer que plus de femmes aient envie d'épouser des études scientifiques. Ce bagage est utile dans notre industrie en pleine transformation.

Etes-vous favorable aux quotas ?

J'étais foncièrement contre pendant très longtemps. J'y suis désormais favorable. C'est probablement une étape de transition, mais nécessaire car cela donne un coup d'accélérateur. Dans les conseils d'administration, s'il n'y avait pas eu la loi Coppé-Zimmermann [qui a fixé comme obligation un quota de 40% de femmes en 2017 aux entreprises cotées, Ndlr], nous ne serions jamais arrivés à de tels résultats.

Le grand défi aujourd'hui est la place des femmes dans les comités exécutifs. Comment s'est passée votre première participation à un Comex ?

J'ai accédé pour la première fois à un comité exécutif dans la banque de financement et d'investissement (BFI), au début des années 2000. Cela a été une étape délicate. Nous étions près d'une vingtaine et j'étais la seule femme. Vous avez alors vraiment l'impression d'être un ovni ! Vous sentez bien que vous êtes différente. Vous n'avez pas les mêmes codes et vous intégrez un groupe très homogène, habitué à travailler ensemble et surpris de vous voir là.

À ce moment-là, j'ai pris conscience de la pression qui s'exerce sur une femme. Elle se trouve doublement exposée : au titre de ses fonctions et au titre de son genre. Je m'étais dit, si j'échoue, on ne dira pas que c'était parce que le travail était difficile mais parce que je suis une femme. Un homme, lui, n'aura jamais ce raisonnement et on ne dira jamais qu'il a échoué parce que c'est un homme.

Mais selon vous, la finance se transforme et les fonctions à fortes responsabilités deviennent plus attractives pour les femmes...

Avec le développement des fintech et la transformation numérique du secteur, l'industrie fait appel à de nouveaux profils où les qualités des femmes sont particulièrement adaptées. Ce monde d'innovation requiert de l'agilité, de l'ouverture et de la coopération. Ce sont des qualités que les femmes savent démontrer. Elles sont souvent à l'aise dans l'agilité organisationnelle et font preuve de réelles compétences pour gérer la complexité. Cette finance qui se transforme est moins hiérarchique, moins territoriale. Cet environnement décloisonné rend la finance plus attractive pour les femmes.

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Selon vous, le développement de la finance durable joue également un rôle clef...

Les femmes recherchent davantage des emplois où elles peuvent avoir un impact ou qui sont en adéquation avec leurs valeurs. Le développement durable, l'accompagnement des transformations et le fait d'avoir une finance plus incarnée, plus en ligne avec les attentes sociétales, font que les femmes sont aussi plus attirées par la finance.  Il y a un effet d'entraînement réel car ce sont des sujets qui deviennent centraux.

Propos recueillis par Juliette Raynal.

Photo UNE H306

Juliette Raynal

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Commentaires 4
à écrit le 26/10/2019 à 0:56
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“En se transformant, la finance devient plus attractive pour les femmes” Au fait que les femmes n'aient pu lever que 2% des fonds disponibles, disons que l'attraction je pense qu'elle l'on eut, mais si l'on regarde les faits économiques, force est...

à écrit le 25/10/2019 à 13:41
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Toute la société fuit la Finance, la financiarisation est la clé de voute du désastre politique, social et écologique mais nous apprenons que les femmes y sont attirées.... Alors soit ce sont des femmes cryogénisées depuis les années 90, soit elles ...

à écrit le 25/10/2019 à 9:41
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Il y a mieux a faire que de singer les hommes en leur demandant de céder la place!

à écrit le 25/10/2019 à 9:22
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LA finance pourtant continue de détruire massivement la planète et son humanité je ne vois là aucun changement, bien au contraire de l'entêtement.

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