Affaire Madoff : UBS doit indemniser les investisseurs

Un document que s'est procuré « La Tribune » montre qu'en cas de perte liée à une inobservation des règles de placement, c'est au gérant et, en dernier ressort, au promoteur de payer.

À lire les prospectus des Sicav Luxalpha American Selection et US Equity Plus (compartiment de Luxembourg Investment Fund), produits de droit luxembourgeois, coordonnés et réglementés par une directive européenne considérée comme très protectrice, aucun lien n'apparaît entre UBS et Madoff . Pas une seule fois, les noms de Bernard Madoff ou de sa société ne sont mentionnés. Les bons de souscription font tout juste référence à un « courtier américain ». Madoff est pourtant présent à tous les maillons de la chaîne ? ce qu'UBS ne pouvait ignorer.

En effet, dans la troisième version de l'« operating memorandum » du fonds US Equity Plus, que « La Tribune » s'est procurée, le nom de Bernard Madoff apparaît plus de vingt fois. Ce type de document, parfaitement légal, explique le fonctionnement général du fonds. Il renseigne sur les procédures de souscription-rachat, de transmission-exécution des ordres, sur le calcul de la valeur liquidative (VL), sur les démarches à suivre en cas d'erreur dans le calcul de cette valeur. Ce document interne à UBS Luxembourg n'est pas officiel, car il n'est pas obligatoirement soumis à l'approbation de la Commission de surveillance du secteur financier luxembourgeois (CSSF), et ne constitue pas un « legal agreement ». Mais il lie, en revanche, toutes les parties impliquées, comme indiqué sur la couverture de l'operating memorandum.

Broker-dealer

Dans ce document, UBS a nommé Madoff sous-dépositaire du fonds et gardien des actifs. Mais comme l'a rappelé la CSSF en janvier dernier, la délégation ne décharge pas UBS, le dépositaire, de sa responsabilité. Pour sa défense, la banque suisse indique n'avoir qu'un rôle de « surveillance » et non pas de gardien des actifs. Rôle qu'elle n'a manifestement pas exercé.

Mais le rôle de Madoff ne s'arrête pas là. Il était aussi « broker-dealer ». Déontologiquement, cela est difficilement acceptable, puisqu'il pouvait utiliser des informations pour son activité de gestion. Car il était également gérant. C'était lui qui prenait les décisions d'investissement et non le fonds (lire « La Tribune » du 13 janvier). Par ailleurs, tous les produits « madoffés » affichaient la même performance à quelques points de base près, en fonction de frais plus ou moins élevés, preuve qu'il n'y avait qu'un seul gérant et non pas un gérant par produit « madoffé ». En tant que gérant, la banque suisse devait le faire figurer dans le prospectus, comme elle l'a fait pour Pimco, gérant américain du compartiment Secofind Income de Luxembourg Investment Fund. Madoff n'ayant pas de licence pour gérer, c'est donc UBS Third Party Management qui figure dans le prospectus comme gérant. La banque suisse a du souci à se faire quant à sa responsabilité en tant que gérant. Aux yeux de la CSSF, UBS a enfreint la loi en déléguant la gestion à Madoff .

L'escroc américain cumulait en effet les fonctions de broker-dealer, sous-dépositaire et gérant. Or, la réglementation européenne, qui s'applique aussi au Luxembourg, interdit la double fonction dépositaire-gérant. UBS Luxembourg ne pouvait pas ignorer le règlement. Pourquoi alors avoir créé ce fonds?? UBS a répondu à une demande de M&B Capital Advisers, société espagnole appartenant à la famille Botin. Cette dernière, l'équivalent d'Access International Advisors pour Luxalpha, est à l'origine de US Equity Plus.

Pour obtenir l'agrément de la CSSF, il fallait présenter un dossier répondant à toutes les obligations légales. Si la CSSF connaissait ces informations, ce fonds, comme Luxalpha, dont un operating memorandum existe, n'aurait sûrement pas été agréé, ce qui aurait évité bien des déboires aux investisseurs.

Retrait de l'agrément

Il est donc légitime de s'interroger sur la légalité du prospectus. Les informations renseignées ne sont pas toutes justes. Dans ce cas, on peut parler de fraude, ce qui pourrait amener l'affaire au pénal et entraîner le retrait de l'agrément. Sachant que UBS est l'un des principaux employeurs de la place luxembourgeoise...

En tant que gérant, Madoff devait appliquer la politique d'investissement définie dans le prospectus, à savoir, investir l'argent dans des actions cotées sur le New York Stock Exchange ou le Nasdaq et/ou des obligations d'État américain.

Mais comme c'était un montage Ponzi, Madoff n'investissait dans rien. De plus, prenant seul les supposées décisions d'investissement, quel rôle jouait l'« investment advisor » (conseiller en investissement), intermédiaire entre Madoff et le portfolio manager UBS (Luxembourg), censé donner des recommandations d'allocations?? Aucun, excepté toucher des commissions. Ou, à en croire l'operating memorandum, envoyer tous les mois des recommandations d'investissement antidatées, ce qui est strictement illégal. Si, a priori, cela n'a pas été fait, pourquoi l'écrire?? Pour justifier la présence du conseiller?? Autant de questions restées sans réponse.

Enfin, sur le calcul de la valeur liquidative (VL), UBS Fund Services Luxembourg (UBSFSL) a failli dans son rôle de valorisateur du fonds. Elle se contentait des reportings falsifiés édités par Madoff pour calculer les valeurs communiquées ensuite aux investisseurs. Pourtant, les comptes d'US Equity Plus étaient validés tous les ans par Ernst & Young. Aujourd'hui, la VL du fonds est égale à zéro. Par conséquent, comme l'indique la circulaire 2002/77 du 27 novembre 2002 de la CSSF, UBSFSL doit dédommager les investisseurs à concurrence de la différence entre la VL surévaluée appliquée aux parts souscrites et la VL recalculée (égale à 0).

Politique non respectée

Cette circulaire définit aussi les responsabilités en cas d'inobservation des règles de placement ayant entraîné une perte. C'est typiquement le cas du fonds US Equity Plus puisque Madoff n'a pas respecté la politique d'investissement du prospectus.

Dans ce cas, à la page 20 de l'operating memorandum, il est écrit que le fonds et les investisseurs lésés seront dédommagés par le fautif, « en principe le portfolio manager », c'est-à-dire UBS Third Party Management, si on se réfère au prospectus. Si ce dernier ne paie pas, c'est le promoteur du fonds qui pourrait être contraint de le faire. Il pourrait aussi se retourner contre le gérant. Et le promoteur n'est autre qu'UBS AG.

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