Guerre en Ukraine : la crainte d'un cycle baissier sur les marchés financiers

Les Bourses européennes et américaines ont violemment réagi à l’entrée des chars russes et des bombardements en Ukraine ce jeudi. Une situation complètement inédite en Europe depuis la seconde guerre mondiale. Les marchés sont entrés dans une nouvelle phase de correction laissant craindre l’apparition d’un marché baissier ("bear market") sur les prochains mois.
Les principaux indices ont dévissé ce jeudi et le CAC 40 glisse vers les 6.500 points.
Les principaux indices ont dévissé ce jeudi et le CAC 40 glisse vers les 6.500 points. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

La guerre, surtout à nos portes, est un risque que la Bourse a toujours eu du mal à appréhender. Ce risque ne rentre jamais dans les scénarii de marché qui sont fondés sur des raisonnements rationnels comme l'évolution des taux ou la croissance des bénéfices.

C'était d'ailleurs déjà le cas, sur un autre registre, avec celui de la pandémie en mars 2020. En vérité, la Bourse n'a aucun précédent à analyser, sinon les accords de Munich de 1938 ou la seconde guerre mondiale. « Je vois surtout de l'attentisme car le choc ne vient pas de l'intérieur du système financier ou économique mais de l'extérieur », avance Paul Jorion, psychanalyste et spécialiste des marchés.

Ces deux derniers jours, le marché était étrangement calme malgré les surenchères et l'agressivité russes. L'indice de volatilité VIX était notamment contenu à un niveau certes élevé (autour de 30), alors qu'il était monté à 90 lors du début de la pandémie de Covid19.

Cet « indice de la peur » a néanmoins bondi à près de 40 ce jeudi. Pour l'heure, l'aversion au risque ne se matérialise pas vraiment sur les taux de la dette souveraine américaine ou allemande, valeurs de refuge par excellence. Du coup, les taux du 10 ans américain (2%) ou allemand (0,23%) n'ont finalement pratiquement pas bougé. De même,  l'or reste étrangement stable. Et comme pour se rassurer, une floraison de graphiques ont été publiés pour montrer que la Bourse se jouait finalement des crises géopolitiques aigües.

De la consolidation à la correction

L'agression brutale de l'Ukraine par l'armée russe a bien sûr changé la donne. Déjà Wall Street était dans le rouge avant même les premières explosions autour de Kiev. En Europe, le réveil a été brutal sur les principales places. Le CAC 40 a ainsi clôturé à -3,83%, soit, depuis le début de l'année, plus très loin de la zone dite de correction boursière (et non de consolidation) qui est fixée à 10% de baisse. Les places européennes ont aussi clôturé en baisse jeudi (Francfort -3,96%, Milan -4,10%, Londres a lâché 3,82%).

Toutes les valeurs exposées à la Russie ont été particulièrement attaquées, comme Renault (-8%) et surtout Société Générale (-12%), qui voit tous ses gains de l'année de son titre envolés en quelques heures. Les valeurs bancaires sont particulièrement sous pression car elles seront aux premières loges des sanctions plus dures qui ne manqueront pas d'être annoncées dans les prochaines heures.

Toutes les places européennes sont à l'avenant. Et Wall Street poursuit ce jeudi sa baisse, avec un Dow Jones désormais en recul de plus de 10% depuis le début de l'année, et même de près de 13% sur la période pour l'indice S&P 500.

Effondrement de la Bourse à Moscou

Quant à la Bourse de Moscou, elle s'est littéralement effondrée de près de 40% après avoir été suspendue en matinée. L'indice RTS (libellé en dollars, et donc qui pâtit de la chute du rouble) a perdu 55% de sa capitalisation depuis janvier. Les réactions de marché ont été également très violentes sur les matières premières. Le baril de Brent, comme le cours du brut américain WTI ont franchi la barre des 100 dollars, une première depuis 2014.

Et les prix du gaz en Europe ont bondi de 50% en Europe, ce qui aura un impact sur le prix de l'électricité. Une situation qui va mettre en difficulté nombre de ménages européens, mais aussi la Banque centrale européenne qui ne sait comment contenir l'inflation sans risquer de casser la croissance.

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La crainte d'un « bear market »

Désormais une question hante les esprits des investisseurs : sommes-nous entrés dans un cycle de marché baissier dit "bear market" ? L'histoire montre qu'en situation de stress, l'irrationnel prend vite le dessus sur les marchés, qu'elle commande souvent la fuite qui incite à vendre ses titres. La tentation sera d'autant plus grande que les marchés boursiers ont connu une année historique en 2021.

« La volatilité est normale compte tenu des évènements, d'autant que les marchés actions sont déjà nerveux devant les perspectives de resserrement monétaire. Mais elle reste moins importante à ce que l'on pouvait s'attendre face à cette crise inédite en Europe », relève un gérant. Les forces de rappel existent toujours sur les marchés actions, notamment des fondamentaux de croissance toujours solides. Or, les marchés baissiers débutent généralement avant les récessions et les hausses brutales de taux d'intérêt. Ce qui ne semble pas être le cas aujourd'hui.

La question de l'inflation

A court terme, ce sont les prix des matières premières, comme le pétrole, le gaz ou le blé, qui seront observés de près compte tenu de leur poids dans l'inflation, qui pourrait ainsi se généraliser dans l'ensemble des économies. Le discours des banques centrales, Fed et banque centrale européenne, sera d'autant plus attendu.

« La BCE sera dans une situation difficile. Les chiffres de l'inflation sont déjà à des niveaux records, ce qui avait conduit les marchés à spéculer sur des hausses de taux cette année. Néanmoins, une augmentation des prix des produits de base est, en fait, une "taxe" sur la production et la consommation qui aurait un impact négatif sur la croissance. Ainsi, alors que les taux d'inflation pourraient continuer à augmenter, la BCE pourrait adopter une position plus baissière pour le moment », notent ainsi les stratégistes d'Allianz Global Investors.

Certains analystes s'alarment cependant de la baisse des valorisations de ces derniers mois, avec de nombreux actifs qui sont désormais en dessous de leur moyenne mobile à 250 jours. Est-ce pour autant un signal de repli généralisé ? il est sans doute trop tôt pour le dire.

Le problème est que personne ne sait jusqu'où est prêt à aller le président russe Vladimir Poutine. Ce dernier a averti que « toute tentative d'ingérence entraîneraient des conséquences jamais vues ». Ce n'est pas tant une attaque contre un pays de l'OTAN qu'il faut craindre qu'une cyberattaque massive qui pourrait paralyser nos infrastructures, notamment énergétiques. La cyberattaque d'un opérateur d'oléoduc aux Etats-Unis l'an dernier hante encore dans les esprits.

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Commentaires 2
à écrit le 24/02/2022 à 23:29
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Mais je crois que tout le monde l'attend, non ? Ce fameux "bear market", ou marché baissier. Les gens de la rue en ont plus que raz le bol, de cette euphorie des marchés, pendant qu'ils essayent de joindre les deux bouts

à écrit le 24/02/2022 à 20:11
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Le temps d'étudier comment faire du fric avec une Ukraine russe et la Russie du coup ne mettra pas plusieurs mois, ce sont les rois du court terme qu'ils maîtrisent très bien Poutine ayant déjà du recevoir plusieurs coups de fil.

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