En décidant d'envahir militairement l'Ukraine, l'une des économies les plus pauvres d'Europe, Vladimir Poutine s'attaque à un pays amputé depuis 2014 d'une partie de son territoire : la Crimée, déjà annexée, et les régions du Donbass dans l'est du pays, soumises depuis des années aux accrochages récurrents entre l'armée ukrainienne et les combattants séparatistes. Une situation instable qui risque de plonger ce pays de 42 millions d'habitants dans le chaos en cas de conflit prolongé.
Touchée sévèrement par la pandémie en 2020, l'économie ukrainienne est toutefois repartie à la hausse soutenue notamment par sa consommation locale et ses exportations dynamiques, notamment ses produits agricoles. Son PIB a rebondi de 5,9% en 2021 sur un an. Les experts de FocusEconomics prévoyaient que le PIB augmenterait de 3,5 % en 2022, et de 3,4% en 2023.
Une corruption endémique
Une dynamique que le président Volodymyr Zelensky, élu en 2019 sur un programme de lutte contre la corruption (le pays occupe le 130e rang sur 177 dans le classement de l'indice de la liberté économique de Heritage Fondation), de redressement de l'économie et de retour de la paix, aurait pu mettre à son crédit. Toutefois, avec un taux de 9,3% au deuxième trimestre 2021, le taux de chômage est encore loin de son niveau de 2019, à 7,3%. L'inflation était à 10% le mois dernier, et la Banque centrale affiche une taux d'intérêt de 10%. En décembre 2021, le pays affichait un déficit commercial de 1,12 milliard de dollars.
Dynamique du secteur agricole
Le secteur agricole joue encore un rôle important dans l'économie. En 2020, il contribuait à 9,3% du PIB, selon la Banque mondiale. Les principaux produits sont les céréales, le sucre, la viande et le lait. L'Ukraine est le cinquième exportateur mondial de céréales, quatrième de blé. Pour aider le pays, l'Union européenne a réduit ses droits de douane sur les zones agricoles de l'Ukraine. Le pays est également riche en ressources minérales, principalement en minerai de fer et en magnésium, ainsi qu'en énergie fossile, notamment du charbon et du gaz. Des mines de charbon situées en partie dans la région du Donbass.
Le secteur industriel emploie quelque 25% de la population active, selon les chiffres de la Banque mondiale, et représente plus de 20% du PIB, une part qui a considérablement diminué ces dernières années. Le secteur manufacturier ukrainien est dominé par des industries lourdes telles que le fer (l'Ukraine est le septième producteur mondial de fer) et l'acier. Ces deux secteurs représentent à eux seuls environ 30% de la production industrielle. La production d'acier est désormais inférieure à son niveau d'avant 2008. L'extraction du charbon, les produits chimiques, les produits mécaniques (avions, turbines, locomotives et tracteurs) et la construction navale sont également des secteurs importants.
Le secteur des services emploie plus de 60% de la population active et contribue à quelque 56% du PIB, selon la Banque mondiale. L'Ukraine est un pays de transit énergétique, transportant historiquement du pétrole et du gaz russes et caspiens vers l'Europe occidentale et les Balkans, à travers son territoire, même si, avec les tensions avec la Russie, son rôle de transit s'est réduit. Cela n'a cependant pas empêché le contrat de transit entre Gazprom et Naftogaz Ukrainy, qui avait expiré le 31 décembre 2019, d'être prolongé pour une période de cinq ans.
Réduction des échanges avec la Russie
Si l'activité économique a été durement touchée en 2020, en raison de la pandémie de Covid-19, les conséquences ont été variées selon les secteurs. L'agriculture a été la moins impactée par les restrictions de quarantaine, contrairement aux services, au commerce et aux transports. Environ 700.000 petites entreprises dans les services avaient fermé, selon l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi).
Depuis 2014, et l'annexion de la Crimée, l'Ukraine a considérablement réduit ses échanges avec la Russie, qui était son premier partenaire commercial, une large partie des entreprises du pays ayant cessé de travailler pour son voisin pour se tourner vers l'Union européenne et la Chine. Si en 2013, près d'un quart de ses exportations étaient destinées à la Russie, en 2020, elles ne représentaient plus que 5,5%, alors que la part de celles vers l'Union européenne est passée de 26 % à 38 %, grâce notamment à l'accord de libre-échange signé en 2014 entre l'Ukraine et l'UE, selon des données officielles ukrainiennes.
Durant cette période, le pays a pu grâce à ses exportations de produits agricoles, notamment de céréales, augmenter ses réserves de devises étrangères qui ont atteint 31 milliards de dollars, contre les 5 milliards de dollars à l'époque du conflit en 2014, selon la Banque centrale ukrainienne.
1 hryvnia = 0,030 euro
Mais la fragilité de l'Ukraine se reflète dans la valeur de sa devise, la hryvnia (= 0,030 euro), qui s'est dépréciée de 4% par rapport au dollar depuis le début de l'année, malgré un soutien de la banque centrale de plus d'un milliard de dollars pour enrayer sa chute. Depuis 2014, elle a perdu 70% de sa valeur.
Dans ces conditions, et encore plus depuis ce jeudi, les investisseurs sont plutôt attentistes quant ils n'ont pas déjà plié bagage. Selon une récente enquête de l'European Business Association, qui a interrogé 136 entreprises opérant en Ukraine, 45 % prévoyaient de continuer à fonctionner comme d'habitude en cas d'attaque militaire russe. Quelque 17% ont déclaré qu'ils envisageaient de déménager dans les régions occidentales moins susceptibles d'être occupées par la Russie, et seulement 10% envisagent de quitter le pays. Ces investisseurs pointent comme points noirs la faiblesse du système juridique, la corruption dans l'appareil d'Etat, et la mainmise d'oligarques sur des secteurs où ils sont en position de monopoles.
Le mois dernier, l'Union européenne a promis une aide de 1,2 milliard d'euros au pays, qui bénéficie aussi d'une programme de financement de la part du FMI. Reste à savoir si ces financements vont être tenus ou bien suspendus.