Les gains des cryptomonnaies doivent être régulés comme des jeux d'argent, estime une commission britannique

A l'encontre des positions du Premier ministre qui avait soutenu le commerce de jetons numériques, la commission du Trésor du Parlement britannique a estimé que le bitcoin et l'ether, les deux plus grandes cyptomonnaies, n'ont pas « d'utilité sociale ». Dès lors, elles doivent être soumises à la fiscalité des paris en ligne.
« Ces caractéristiques ressemblent plus à celles de paris qu'à un service financier ».
« Ces caractéristiques ressemblent plus à celles de paris qu'à un service financier ». (Crédits : DADO RUVIC)

Tandis que la notoriété des cryptomonnaies n'en finit pas de croître auprès des investisseurs particuliers, les régulateurs sont bien décidés à réguler ces usages naissants censés déboucher sur de nouveaux moyens de paiement. Au Royaume-Uni comme sur le Vieux continent, l'adoption de ces jetons numériques décentralisés continue de progresser pour atteindre 12% de la population, selon une dernière étude de BitcoinCasinos.com.

Et même, « après une année 2022 difficile, les recettes du marché européen des cryptomonnaies devraient doubler et atteindre plus de 9,9 milliards de dollars cette année. Environ 20% de cette valeur proviendra du Royaume-Uni, premier marché cryptographique d'Europe et deuxième au niveau mondial derrière les États-Unis », a montré cette étude publiée en mai 2023.

Cette montée en puissance des investissements, les autorités fiscales britanniques entendent bien les capter. Dans un rapport sévère pour le secteur publié mercredi 17 mai, la commission du Trésor du Parlement britannique a désormais jugé que les investissements en cryptomonnaies devraient être régulés comme les gains des jeux d'argent.

« Les cryptomonnaies non adossées à des actifs », comme le bitcoin ou l'ether, les deux plus grandes du marché, « n'ont aucune valeur intrinsèque, et la volatilité de leurs prix exposent les consommateurs à des pertes ou des gains marqués, sans pour autant avoir d'utilité sociale », tâcle la Commission dans son rapport.

De par leur valorisation, le bitcoin et l'ether sont en effet les deux crypto-actifs qui domine le marché, pesant respectivement 520 millions de dollars et 270 millions de dollars, selon CoinGecko.

Dopé par l'appétit de petits investisseurs pendant les longs confinements débutés en 2020, le marché des cryptomonnaies avait atteint une taille d'environ 3.000 milliards de dollars à son apogée fin 2021, mais est tombé en flèche en 2022 et évolue actuellement à un peu plus de 1.100 milliards de dollars.

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Des « entreprises mal gérées »

Mais les autorités de régulation, qui planchent également sur leur propre jeton numérique au travers des monnaies numériques de banques centrales (MNBC) sont catégoriques : « Ces caractéristiques ressemblent plus à celles de paris qu'à un service financier » et réguler les investissements de particuliers comme un marché traditionnel risquerait de « laisser à penser aux consommateurs que l'activité est plus sûre qu'elle ne l'est », craint-elle.

De fait, des scandales sont venus entacher un secteur qui se rapprochait de la finance traditionnelle, avec notamment l'effondrement de la cryptomonnaie Terra mi-2022, et surtout celui d'une des plus grandes plateformes d'échanges, FTX, à la fin de l'année.

Les risques posés par des « entreprises mal gérées », ainsi que par l'utilisation des cryptomonnaies à des fins criminelles, poussent la commission à la prudence, quitte à prendre à contre-pied le gouvernement de Rishi Sunak, qui planche sur un nouveau cadre législatif pour le monde des cryptoactifs.

« Le rôle du gouvernement n'est pas de promouvoir des innovations technologiques spécifiques », plaide la commission.

Elle critique notamment les travaux abandonnés par le Trésor sur la ventes d'oeuvres sous forme de NFT, ces certificats numériques reposant sur la même technologie que les cryptomonnaies, et qui avaient été promus par M. Sunak, alors ministre des Finances, en avril 2022.

La commission salue toutefois les propositions gouvernementales à venir de nouvelles régulations pour les investisseurs professionnels et reconnaît que « les technologies liées aux cryptoactifs pourraient potentiellement améliorer l'efficacité et le coût des paiements ».

L'UE rapproche encore plus les crypto-actifs des règlements sur les produits financiers

Sur le Vieux continent, les régulateurs continuent de rapprocher l'univers des cryptos aux règles de la finance traditionnelle. Après le règlement MiCA (market in crypto assets) et celui sur les transferts de fonds TFR (Travel Finance Rule) approuvés le 20 avril par le Parlement européen, les ministres des Finances de l'UE ont apporté un complément.

Ils ont approuvé mardi de nouvelles règles de transparence fiscale pour les sociétés actives dans les transactions de crypto-actifs, un pas supplémentaire dans la lutte contre les fraudes facilitées par ces monnaies numériques.

Les nouvelles obligations « amélioreront la capacité des États membres à détecter et à combattre la fraude, l'évitement et l'évasion dans le domaine fiscal », s'est félicitée la Commission européenne, à l'origine du texte.

« Le but est d'imposer en 2026 aux PSAN des remontées d'informations sur les clients auprès des administrations fiscales européennes. On s'aligne surtout sur ce que les banques font déjà », commente à La Tribune CoinHouse, le spécialiste des produits financiers cryptos en France.

La directive contraindra tous les prestataires de services de crypto-actifs basés dans l'UE, quelle que soit leur taille, à déclarer les transactions de leurs clients résidant dans l'UE.

Le champ d'application inclura aussi les obligations de déclaration des établissements financiers en ce qui concerne la monnaie électronique et les monnaies numériques de banque centrale, ainsi que l'échange automatique d'informations sur les décisions fiscales anticipées -des mécanismes utilisés par des personnes fortunées pour réduire leur imposition en profitant de règlementations accomodantes à l'étranger.

« Aujourd'hui, nous renforçons les règles de coopération administrative et comblons les lacunes qui ont été utilisées pour éviter l'imposition des revenus. Cela réduit le risque que les crypto-actifs soient utilisés pour l'évasion et la fraude fiscales », a déclaré la ministre suédoise des Finances, Elisabeth Svantesson, citée dans un communiqué.

Les autorités fiscales ne disposent pas aujourd'hui des informations nécessaires pour contrôler les recettes obtenues grâce à l'utilisation de crypto-actifs, ce qui limite leur capacité à contrôler le paiement effectif des impôts et prive les Etats d'importantes recettes fiscales.

Les fournisseurs de services de crypto-actifs (CASP) devront notamment s'enregistrer et fournir des données précises sur leur identité s'ils souhaitent opérer dans l'UE.

(Avec AFP)

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