"La crise de 2008 a ouvert les yeux des particuliers sur l'épargne solidaire"

L'épargne solidaire a une nouvelle fois connu une croissance à deux chiffres en 2014, à 13,6%, pour des encours totalisant 6,84 milliards d'euros. Cette croissance s'explique par la dynamique engagée par les pouvoirs publics et les banques, ainsi que l'image d'investissement concret et social renvoyé par ce type de placement. Entretien avec Sophie des Mazery, directrice de Finansol, une association française qui prône la solidarité dans l'épargne et la finance.
"La crise de 2008 a été un des révélateurs de la dérive spéculative. Elle a ouvert les yeux de certains épargnants qui savent désormais qu'ils peuvent aussi être acteur de leur argent", estimpe Sophie des Mazery.

La Tribune : Comment expliquer le succès toujours grandissant de l'épargne populaire ?

Sophie des Mazery. Le contexte financier et économique est mauvais. Il s'est dégradé avec une crise économique ayant un impact évident  sur l'épargne salariale. Les marchés boursiers sont atones et les taux d'intérêts sont historiquement bas pour les livrets d'épargne solidaire. Pourtant l'épargne solidaire a connu une croissance à deux chiffres en 2014.

Le succès de l'épargne solidaire s'inscrit dans le temps. L'épargne solidaire existe depuis 30 ans. Jusqu'à la fin du XXe siècle, il 'y avait que quelques dizaines de milliers épargnants solidaires et surtout des épargnants militants. On en compte aujourd'hui un million. En outre, l'encours a été multiplié par 4 en 5 ans  entre 2008 et 2013.

Ce succès s'explique par un type d'épargne qui offre une double rentabilité, sociale et financière. Un produit d'épargne qui transmet un message différent: il y a autre chose qu'un taux d'intérêt à la clé. Par son épargne solidaire, chacun est en capacité d'avoir un impact sur le développement économique, et l'économie réelle surtout. Ces épargnes solidaires ne financent que des entreprises dont l'activité est favorable à la cohésion sociale, présentes pour favoriser emploi, ou développer des logements pour des personnes qui n'en n'ont pas.

La crise de 2008 a été un des révélateurs de la dérive spéculative. Elle a ouvert les yeux de certains épargnants qui savent désormais qu'ils peuvent aussi être acteur de leur argent. Ils avaient envie de mieux connaître l'affectation de leurs dépôts.

L'encours de l'épargne bancaire a bondi de 17,2% contre une hausse de 10,2% en 2013. Comment l'expliquez-vous ?

C'est un chiffre inédit. Il s'explique notamment par la création de nouveaux placement solidaires. La MAIF, par exemple, a créé une offre d'épargne qu'elle a transformé dans son intégralité en solidaire. Le Crédit municipal de Paris a également développé deux placements solidaires: un livret et un dépôt à terme.

En outre, les établissements bancaires ont vraiment fait la promotion des produits de placement. BNP Paribas a fait augmenter l'encours d'un placement intégré à sa gamme épargne responsable de 42%. Carac, une mutuelle d'épargne, propose un contrat assurance vie de partage passé de 76 à 110 millions d'euros.

Le soutien des pouvoirs publics a-t-il été un moteur pour l'épargne solidaire ?

Oui, l'épargne solidaire est bien soutenue par les pouvoirs publics avec des dispositifs incitatifs qui ont porté leurs fruits, notamment pour l'épargne salariale. En 2001, Laurent Fabius a fait voter une loi obligeant les entreprises ayant un plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) à inscrire dans celui-ci au moins un fonds solidaire.

En 2008, le gouvernement est allé plus loin puisque cela a été étendu à tous les tous les plans d'épargne des entreprise. L'épargne solidaire est devenue plus visible à travers ces derniers et a suscité des vocations chez les salariés. Ainsi, aujourd'hui, sur le million d'épargnants solidaires, 800.000 sont salariés.

En outre, les dispositifs fiscaux sont intéressants. Lorsqu'on investit en tant que particulier dans le capital d'une entreprise solidaire, on peut déduire 18% du montant de sa souscription de son impôt lorsqu'on est assujetti à l'impôt sur le revenu et 50% quand on l'est à l'ISF. Tout ces dispositifs rassurent les épargnants, le sceau de l'Etat indique en effet que ces investissements sont socialement reconnus.

L'épargne solidaire représente encore une faible part de l'épargne totale. Quels sont les leviers de développement possibles ?

Il faudrait que tous les produits d'épargne aient une déclinaison "solidaire". Il n'y a pas de secret, l'offre génère la demande. Autre solution, pourquoi une part du livret de développement durable ne serait pas réservé aux investissements solidaires, par exemple ?

Il existe un autre levier: sensibiliser et pousser les investisseurs institutionnels,  les assureurs, les caisses de retraites à l'investissement solidaire. Aujourd'hui l'épargne solidaire vient avant tout des particuliers, ce qui est une particularité française.

    >> Les chiffres clés de l'épargne solidaire en 2014

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Commentaires 4
à écrit le 19/05/2015 à 18:12
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L'argument commercial "solidaire" était néanmoins bien trouvé. Car complètement antinomique. Je propose donc le suivant sur la liste : "Bénévole". Car "charitable" fait un peu trop religieux qui veut soulager sa conscience. On le met au vote..??

à écrit le 19/05/2015 à 14:20
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Arrêtons l'hypocrisie cette épargne solidaire c'est une épargne pour les militants du développement durable et les bobos qui ne recherchent pas de placements rémunérateurs. toutes les personnes ou fonds qui recherchent le meilleur rendement ne vont...

le 19/05/2015 à 17:05
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Attention a la fin de votre commentaire, vous commencez aussi a devenir bobo !!!

le 21/05/2015 à 11:51
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@john touché, bien vu cela doit être mon coté bobo désargenté!

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