La révolution du reporting extra-financier, mode d'emploi

Dès l'année prochaine, la directive européenne CSRD (corporate sustainability reporting directive), dont l'ambition est d'améliorer l'accès à des données ESG de qualité, s'appliquera à certaines entreprises du Vieux continent. Lors du forum « Partageons l'économie », le président de l'Autorité des normes comptables, Robert Orphèle, a détaillé le calendrier à venir et apporté un éclairage sur les inconnues.
(Crédits : DR)

Le tournant approche à grands pas. Votée fin 2022, la directive CSRD (corporate sustainibility reporting directive) - qui cherche à rendre les entreprises plus responsables en élargissant leurs obligations de reporting en matière d'environnement, de social et de gouvernance (ESG) - entrera progressivement en application à partir du 1er janvier prochain. Des contraintes qui s'annoncent nombreuses, et autour desquelles règne encore un certain flou... Or le nombre de sociétés concernées, à terme, est considérable. De « 40 000 à 50 000 dans l'Union européenne et 7 000 à 8 000 en France », selon Robert Orphèle, président de l'autorité des normes comptables, invité du forum « Partageons l'économie » qui s'est déroulé le 9 mai à Paris.

A commencer par les entreprises cotées de plus de 500 salariés, qui devront appliquer les nouvelles règles dans les reporting qu'elles feront en 2025 au titre de l'exercice 2024 - les mêmes entreprises, donc, que celles soumises actuellement à la directive NFRD (non financial reporting directive) encadrant les déclarations de performance extra-financière et qui sera remplacée par la CSRD. L'année d'après, ce sont toutes les sociétés de plus de 250 salariés qui seront concernées. Puis, « ce sera aussi obligatoire pour les entreprises de moins de 250 personnes mais qui sont cotées sur les marchés réglementés et optionnel pour les entreprises de moins de 250 personnes qui ne le sont pas, poursuit-il. A terme, on va aussi le demander à des entreprises de pays tiers qui ont une activité significative dans l'Union pour avoir une sorte d'égalité de traitement entre toutes les entreprises actives dans l'Union ».

Normes générales et sectorielles

Si le calendrier est connu, le contenu l'est moins. D'abord, en matière de transposition dans les juridictions nationales, « on regardera avec intérêt tout ce qui concerne l'audit de ces reportings - qui peut le faire et dans quelles conditions, relève Robert Orphèle. Dans un premier temps, il y aura une assurance limitée, mais à terme, ce sera une assurance raisonnable », autrement dit, le même niveau d'engagement pour l'auditeur que celui qu'il donne pour les états financiers. Surtout, ce sont les normes de durabilité elles-mêmes qui sont à définir. C'est pourquoi l'Efrag (Groupe consultatif pour l'information financière en Europe) a élaboré 12 normes, dont deux normes générales, cinq normes sur l'environnement, quatre normes sur le social et une norme sur la gouvernance. Un projet envoyé à la Commission européenne fin novembre dernier. « A charge pour la Commission de le revoir et de finaliser un texte qui devient obligatoire. On attend dans quelques jours le projet de la Commission finalisé, qu'elle va mettre en consultation publique pendant quatre semaines », précise le président de l'Autorité des normes comptables.

Défi pour les ETI

A ces normes générales viendront s'ajouter les normes sectorielles, sur lesquels l'Efrag a commencé à plancher. L'institution, en outre, prépare des « guidances » pour aider les parties prenantes à y voir plus clair... « Personne n'aura à tout remplir, mais cela peut faire peur, en particulier si on ne comprend pas bien ce qui est demandé au titre de la chaîne de valeur et ce qui est demandé au titre de la matérialité. On sera au clair dans ces domaines au cours de l'été », rassure Robert Ophèle. Est-ce néanmoins une usine à gaz qui s'annonce, avec des difficultés, notamment pour les ETI ? « C'est vrai que pour nombre d'entreprises, en particulier non cotées sur les marchés réglementaires, il y aura un travail important à faire », admet le président de l'Autorité des normes comptables. De quoi démarrer prochainement une sensibilisation.

Et si, malgré l'aide... on n'y arrive pas ? « Il faut avoir une vision progressive. On ne va pas la première année sanctionner ceux qui n'auront pas fait exactement ce qu'il faut », estime Robert Ophèle. « Ce qui est important, c'est de progresser et d'arriver à quelque chose de bonne qualité. A ce moment-là, il y aura les armes pour pouvoir pénaliser ceux qui ne le respecteront pas », note l'ancien dirigeant de l'Autorité des marchés financiers. Sans oublier que les entreprises qui ne respecteront pas les nouvelles contraintes risquent de rencontrer des problèmes de financement sur les marchés et auprès des banques, celles-ci ayant elles-mêmes des obligations de reporting sur le financement qu'elles procurent.

C'est ainsi que l'Europe se dote d'un arsenal ambitieux, clé dans le cadre de son Pacte vert, pour harmoniser l'information sur la durabilité des entreprises et réinventer le capitalisme. Restera à l'articuler avec les normes internationales, d'autant que la fondation IFRS finalise elle aussi ces jours-ci de nouvelles normes environnementales qui pourront être appliquées dès l'année prochaine.

Natasha Laporte

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