Record de levées de fonds dans le capital-investissement français

Les sociétés d'investissement dans les startups et PME non cotées en Bourse ont collecté 16,5 milliards d'euros en 2017, soit le double d'il y a cinq ans, selon le bilan de France Invest. Les montants investis dans les jeunes pousses (capital-innovation) ont bondi de 40%, reflétant la dynamique de la French Tech, mais la France doit encore muscler son capital-risque.
Delphine Cuny
Les capitaux levés par les acteurs français de l'investissement dans le non-coté (capital-innovation, développement ou transmission) ont atteint un nouveau record l'an dernier, à 16,5 milliards d'euros. Les levées de plus d'un milliard sont de plus en plus courantes, montrant la maturité de l'écosystème.
Les capitaux levés par les acteurs français de l'investissement dans le non-coté (capital-innovation, développement ou transmission) ont atteint un nouveau record l'an dernier, à 16,5 milliards d'euros. Les levées de plus d'un milliard sont de plus en plus courantes, montrant la maturité de l'écosystème. (Crédits : France Invest / Grant Thornton)

Si la Bourse reste boudée par les entreprises françaises (une seule introduction au premier trimestre à Paris, Vente-unique (Cafom), après le renoncement de l'équipementier auto Novares), les sociétés d'investissement dans le non-coté continuent d'avoir le vent en poupe. Les acteurs français du private-equity ont levé un montant record de capitaux l'an dernier, 16,5 milliards d'euros, en hausse de 13%, selon le bilan dressé par l'association professionnelle France Invest (ex-Afic) en partenariat avec le cabinet d'audit Grant Thornton.

C'est le plus haut niveau jamais atteint et le double d'il y a cinq ans, s'est félicité Olivier Millet, le président de France Invest, par ailleurs membre du directoire d'Eurazeo.

« Nous sommes sur la bonne trajectoire. La France va devenir le centre du capital-investissement en Europe, devant les Britanniques, à l'horizon 2020 », a-t-il assuré ce mardi en dévoilant les chiffres. « Est-on en train d'atteindre un pic ? Mon sentiment est que non. C'est l'économie française qui se transforme par ses startups, ses PME et ses ETI », a-t-il estimé.

Les fonds de plus d'un milliard d'euros sont de plus en plus courants, plusieurs autres sont en cours de collecte pour cette année a-t-il indiqué. L'essentiel de cet argent provient d'investisseurs français (63%), assureurs, mutuelles, grandes fortunes, fonds de fonds, Bpifrance, etc.

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[ Prévisions d'affectation des capitaux levés en capital-innovation, développement, transmission ou retournement, en 2017 en rouge. Crédits : France Invest / Grant Thornton ]

Dynamique de la French Tech

La bonne santé du capital-investissement français s'inscrit dans une dynamique à la fois mondiale (les capitaux levés par les fonds de private-equity du globe se situent à des niveaux historiques, à plus de 450 milliards de dollars selon Prequin) et hexagonale de montée en puissance de l'écosystème des startups de la French Tech, qui lèvent des montants de plus en plus importants. D'ailleurs, les prévisions d'investissement des fonds en capital-innovation (les entreprises n'ayant pas atteint l'équilibre) ont bondi de 56% au niveau record de 2,57 milliards d'euros.

Les montants investis suivent la même tendance : ils ont progressé de 15% l'an dernier à 14,3 milliards d'euros, dont 81% ont été injectés dans des entreprises françaises. Là aussi, le capital-innovation se distingue : les sommes investies dans les startups ont grimpé de 40% à 1,22 milliard d'euros, ce qui reste encore une faible portion (8,5% du total). La majorité des tickets investis demeure d'un montant modeste, inférieur à 5 millions d'euros : seulement cinq entreprises ont récolté plus de 15 millions d'euros auprès de fonds français, pour un total de 134 millions d'euros. Et pourtant, les tours de table de plusieurs dizaines de millions d'euros ne sont plus si rares dans la French Tech.

« Manque-t-on de financement pour les startups en France ? La réponse est non. Mais pour aller à l'étape d'après, la réponse est oui : pour les gros tours de table, il faut souvent des investisseurs anglo-saxons », a reconnu Olivier Millet, citant l'exemple de la place de marché de bricolage ManoMano qui a levé 60 millions d'euros en septembre dernier auprès du fonds américain General Atlantic. « Le sujet français c'est le changement de taille de nos entreprises », a-t-il souligné.

Capital innovation tickets France 2017

[ Montants investis en millions d'euros et nombre d'entreprises financées en capital-innovation en 2017 (bleu marine) et 2016 (bleu clair). Crédits : France Invest / Grant Thornton ]

Problème de taille

Le président du fonds Isai, Jean-David Chamboredon, également président de France Digitale, avait exprimé des craintes la semaine dernière sur la pérennité de l'écosystème du financement des startups français, qu'il juge « vulnérable à un retournement », en cas de retrait des investisseurs industriels, et très dépendant de Bpifrance et de la Banque européenne d'investissement (BEI).

« Je ne dirai pas que le capital-risque français est vulnérable, mais il est plus fragile que le capital-transmission, car en cas de retournement, une PME peut ralentir, pour une société jeune, c'est un choc majeur. D'où l'intérêt de s'adosser à une plateforme, comme Siparex qui fait du venture [avec sa branche Xange, ndlr] ou Eurazeo qui s'est uni à Idinvest. Il est très difficile de devenir un fonds mondial dans le venture en étant français, face à des géants comme General Atlantic », a relevé Olivier Millet.

Si la taille moyenne des fonds français augmente dans l'ensemble, « le segment du "growth equity", pour des opérations de 10-20 à 50 millions d'euros, est encore sous-dimensionné en France », a reconnu le président de France Invest. Les choses pourraient légèrement évoluer avec le projet de réforme de l'assurance vie présenté par le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire, destiné à orienter davantage les flux vers plus de risque.

« Avec la loi Pacte, l'accès de l'épargne au non-coté va être facilité. C'est une bonne nouvelle, car aujourd'hui entre 1% et 2% la part de l'épargne des Français est placé dans le non-coté », a-t-il souligné.

Delphine Cuny

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Commentaires 3
à écrit le 05/04/2018 à 17:18
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Est ce qu'il n'y a pas un effet "fin de l'ISF" qui a incité les particuliers à augmenter leur part de FCPI avant la disparition de cet avantage fiscal ?

à écrit le 05/04/2018 à 8:42
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si les investisseurs du premier stade, l'amorçage, ne manquent pas de projets pour investir, les start up ont toujours du mal à lever des fonds. Est ce par manque de maturité des projets, insuffisance des porteurs, ...., pas toujours. Contrairement à...

à écrit le 04/04/2018 à 8:59
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Dans beaucoup d'articles on n'a pas précisé la nature des investissements. En ce qui concerne les " start-up " il s'agit de financer de bonne idées ( moins cher qu'aux USA ) pour le cas échéant reprendre les entreprises. Donc il faudrait faire ...

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