Catastrophe de Brétigny : la SNCF reconnue coupable d'homicides et blessures involontaires

La compagnie ferroviaire a été reconnue coupable mercredi par le tribunal d'Evry d'homicides et blessures involontaires, neuf ans après la catastrophe ferroviaire de Brétigny (Essonne), qui avait fait sept morts et des centaines de blessés en juillet 2013. La SNCF a été condamnée à une amende de 300.000 euros. En revanche, un ancien cadre cheminot et le gestionnaire des voies SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France) ont été relaxé.
Vendredi 12 juillet 2013, à 17h10, une éclisse en acier, sorte de grosse agrafe joignant deux rails, s'était désassemblée, provoquant le déraillement du train Intercités Paris-Limoges.
Vendredi 12 juillet 2013, à 17h10, une éclisse en acier, sorte de grosse agrafe joignant deux rails, s'était désassemblée, provoquant le déraillement du train Intercités Paris-Limoges. (Crédits : Gonzalo Fuentes)

Neuf ans après la catastrophe ferroviaire de Brétigny (Essonne), qui avait fait sept morts et des centaines de blessés en juillet 2013, la SNCF a été reconnue coupable mercredi par le tribunal d'Evry d'homicides et blessures involontaires. Pour avoir failli à sa mission de maintenance, le tribunal a ainsi condamné la SNCF à une amende de 300.000 euros, plus lourde que les 225.000 encourus.

La présidente du tribunal, Cécile Louis-Loyant, a expliqué que cette lourde amende était liée au fait que l'entreprise est en état de récidive légale en matière d'homicides involontaires. Un montant que la SNCF est capable d'honorer, dans la mesure où la compagnie ferroviaire a réalisé un chiffre d'affaires de 34,8 milliards d'euros en 2021, a précisé la magistrate.

En revanche, deux autres prévenus : un ancien cadre cheminot, qui avait effectué la dernière tournée de surveillance huit jours avant le drame, et le gestionnaire des voies SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France) ont été relaxé. Le parquet avait en effet demandé la relaxe pour l'ancien cadre cheminot et pour le gestionnaire SNCF Réseau (ex-RFF), estimant que les fautes qui leur étaient reprochées n'étaient pas caractérisées.

« Négligence en lien certain avec le déraillement »

Le vendredi 12 juillet 2013, à 17h10, une éclisse en acier, sorte de grosse agrafe joignant deux rails, s'est désassemblée, provoquant le déraillement du train Intercités Paris-Limoges, à Brétigny, au sud de Paris. Ce pivotement est, selon le tribunal, la conséquence de l'évolution d'une fissure dans l'un des cœurs de l'appareil de voie mis en cause, une fissure détectée en 2008 mais mal suivie pendant cinq ans.

Cette avarie aurait dû être surveillée annuellement par la SNCF. « Cette négligence du suivi du cœur est en lien certain avec le déraillement », a déclaré la présidente, balayant la défense de la SNCF qui imputait l'accident à un défaut indécelable de l'acier. Si la SNCF avait correctement réalisé ces visites de contrôle, elle aurait « constaté l'état avarié » du cœur « et procédé à son changement », a poursuivi la présidente.

La magistrate a reconnu que le déraillement avait « indéniablement atteint la SNCF et ses agents, dans le cœur de la grandeur et de la mission de service public qui est la leur : assurer les transports ferroviaires en toute sécurité ». Elle a souligné les divers moyens humains et financiers mis en place par la SNCF pour « pour porter assistance et soutien aux victimes de la catastrophe », avant de commencer à lister les dommages et intérêts à verser aux très nombreuses parties civiles.

« Nous sommes moyennement satisfaits », a déclaré à l'AFP Thierry Gomes, président de l'association Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny (EDVCB). « Nous sommes reconnaissants de la condamnation de la SNCF, un aboutissement de neuf années de combat, mais nous sommes déçus de la relaxe de la SNCF Réseau qui a une part de responsabilité aussi », a déclaré Thierry Gomes, qui a perdu ses parents dans l'accident.

Huit semaines de procès

Cette décision vient clore une enquête de sept années pour étudier les causes de l'accident, et un procès pour blessures et homicides involontaires qui s'est tenu au printemps dernier. Pendant huit semaines, du 25 avril au 17 juin, le tribunal a ainsi tenté d'éclaircir les responsabilités éventuelles de la SNCF (poursuivie comme héritière pénale de SNCF Infra, chargée de la maintenance au moment de l'accident), de SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France, gestionnaire des voies) et d'un ancien cheminot, Laurent Waton, jeune directeur de proximité qui avait réalisé la dernière tournée de surveillance.

Cinq semaines ont été consacrées aux débats techniques. Le tribunal avait également longuement entendu les témoignages brisés de nombreuses parties civiles. Comme celui de Stephen C., qui avait décrit en larmes « la recherche interminable » de son petit frère Vincent, fauché sur le quai de la gare. S'en étaient suivies « les années les plus éprouvantes de (sa) vie », à devoir mettre de côté son deuil pour « gérer »ses parents effondrés, avant de lui-même « craquer ».

A l'issue des débats, le procureur Rodolphe Juy-Birmann avait demandé de condamner la SNCF, chargée de la maintenance, à la peine d'amende maximale. Avec cette catastrophe, en banlieue parisienne, « c'est toute une conception du service public qui s'est effondrée », avait-il déploré, fustigeant « une entreprise dans le déni », qui n'assume pas d'avoir « banalisé l'urgence » au détriment de la sécurité des usagers. Lui reprochant une « attitude défaillante », le ministère public avait accusé l'entreprise « d'avoir bâclé et de ne pas avoir voulu passer de temps sur les opérations de maintenance ». Pour le procureur, la SNCF aurait dû, par exemple, anticiper un changement de l'appareil de voie mis en cause, réduire la vitesse maximale de circulation des trains... Retenant douze fautes, le parquet avait requis une amende de 450.000 euros à son encontre.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de la SNCF, Emmanuel Marsigny, avait dénoncé « l'outrance » d'un réquisitoire incapable de démontrer « un scénario précis » de l'accident. La SNCF s'était défendue en décortiquant les causes du pivotement de l'éclisse à l'origine de la catastrophe, soutenant que le désassemblage avait été soudain, provoqué par un défaut de l'acier... Et donc imprévisible.

(Avec AFP)

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Commentaires 8
à écrit le 26/10/2022 à 18:57
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Comme toujours les ponctionnaires responsables mais pas coupables...

à écrit le 26/10/2022 à 17:53
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Un train.... des rails

à écrit le 26/10/2022 à 14:29
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un train .... des rails

à écrit le 26/10/2022 à 13:33
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Heureusement qu'il y a beaucoup de chefs à facilement mettre à la retraite avancée. Personne n'est jamais responsable à la SNCF, sauf la direction bien entendu et le contribuable citoyen peut payer ensuite. Le train des indemnisés en tout genre, son...

le 26/10/2022 à 23:55
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Faut pas confondre la politique salariale d une entreprise ( suppression de poste de maintenance pour hausser la productivité) , un passage de témoin défaillant ( faut changer de poste tous les 3 ans pour a a cet sinon surplace salarial garanti ), un...

le 26/10/2022 à 23:56
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Faut pas confondre la politique salariale d une entreprise ( suppression de poste de maintenance pour hausser la productivité) , un passage de témoin défaillant ( faut changer de poste tous les 3 ans pour évoluer dans s cette boîte sinon surplace sal...

à écrit le 26/10/2022 à 13:16
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"Pour avoir failli à sa mission de maintenance" Logique, tant que des cadres dirigeants à la SNCF toucheront des salaires indécents pour "nous faire aimer le train" au détriment de la maintenance sur le terrain qui est pourtant indispensable cela ...

à écrit le 26/10/2022 à 13:15
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c'est le resultat d'une politique d'economie mais ni le pdg ni le ministre de tutelle n'ont de compte a rendre ce n'est pas la responsabilite d'un cheminot la justice est complice c'est a elle de trouver les veritables responsable et pas au chem...

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