Armement : la France a-t-elle vraiment une chance de vendre des sous-marins en Pologne ?

Par Michel Cabirol  |   |  984  mots
"La force de l'offre française est que les sous-marins seraient vendus avec des missiles de croisière dans le cadre d'une seule transaction", a estimé le ministre de la Défense polonais Antoni Macierewicz à propos de l'offre française en matière de sous-marins.
La France est clairement outsider en Pologne, qui souhaite acheter quatre sous-marins, face à l'Allemagne. Mais Varsovie est intéressé par un missile de croisière pour armer ses futurs sous-marins.

Florence Parly avait bien fait les choses la semaine dernière en recevant son homologue polonais, l'imprévisible Antoni Macierewicz. Hymne national polonais dans les jardins de l'hôtel de Brienne, discussions sur des projets d'acquisitions d'armements par Varsovie. La ministre française, qui avait déjà appelé à la fin de l'été Antoni Macierewicz pour organiser cette rencontre, a tenté de réchauffer les relations franco-polonaise en dépit du froid vif qui agrémentait la journée de mercredi dernier, et, surtout, des tensions diplomatiques entre les deux pays. La ministre des Armées a "bien manœuvré", explique-t-on à La Tribune.

"Il faut voir ce qui est faisable sur quoi, mettre les sujets sur la table", a-t-on relevé au ministère des Armées, un an après la rupture brutale par les conservateurs (PiS) au pouvoir d'une négociation exclusive de 50 hélicoptères militaires Caracal engagée avec Airbus.

Les relations franco-polonaises, déjà ébranlées par l'affaire des hélicoptères de transport Caracal, traversent une passe difficile en raison notamment de l'épineuse question de la directive européenne sur le travail détaché.

Une décision avant la fin de l'année ?

Les discussions entre les deux ministres ont essentiellement porté sur l'achat de quatre sous-marins (programme Orka) dont souhaite se doter la marine polonaise. Le vice-ministre polonais de la Défense, Michal Dworczyk, a confirmé à l'agence de presse polonaise PAP que "la question des sous-marins a sans aucun doute été à l'agenda de la rencontre. Elle fait actuellement l'objet d'un travail intense". La Pologne discute sur ce dossier avec les industriels français (Naval Group et MBDA) mais aussi allemand et suédois. Le chantier naval allemand ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) est le favori.

Le ministre polonais souhaiterait sélectionner d'ici à la fin de l'année un industriel. Voire peut-être même en novembre, selon nos informations. Car depuis son arrivée au ministère de la défense, Antoni Macierewicz, qui a fait beaucoup des gesticulations, n'a finalement signé aucun contrat majeur. Et cela commence à se dire à Varsovie où le ministre n'a pas que des amis. C'est pour cela qu'il est "condamné" à sortir rapidement un contrat, qui pourrait être celui des sous-marins ou de la défense aérienne (missile Patriot).

Quelles chances pour Naval Group?

Tout dépendra avant tout du degré de sincérité du ministre de la Défense polonais, qui n'a pas hésité à dire tout et son contraire à Airbus à l'occasion des négociations sur l'achat des hélicoptères tactiques Caracal. Après avoir rompu les négociations avec Airbus pour non respect des transferts de technologies (ToT), Antoni Macierewicz a déclaré le 19 août au journal Polityka que la Pologne n'avait pas le temps de négocier des offsets... L'Allemagne est également très avancée dans son projet de vente de trois sous-marins U-212 à la Pologne d'autant que la marine polonaise pousse cette solution.

La France pourrait néanmoins mettre le pied dans la porte et forcer la décision en sa faveur. Car tout comme la France, l'Allemagne entretient des relations tendues avec la Pologne, qui a récemment rouvert le débat sur la demande de réparations de guerre à l'Allemagne. Le chef du parti au pouvoir, Jaroslaw Kaczynski avait estimé lors d'un congrès début juillet que Berlin avait "une immense dette non réglée envers la Pologne", qui "reste d'actualité". Or, le ministre de la défense Antoni Macierewicz est l'un des très proches du fondateur du PiS.

C'est d'ailleurs pour cela que TKMS envoie actuellement les Norvégiens, qui viennent de choisir des sous-marins allemands, faire du lobbying à Varsovie en faveur... de l'Allemagne. "Les Norvégiens sont les caches-sexes des Allemands", ironise-t-on en France. En outre, Berlin est actuellement dans la dernière ligne de la campagne des élections fédérales. Ce qui est peu propice à la gestion des affaires courantes. A la France de jouer.

Enfin, sur le plan opérationnel, la France a un atout, qui intéresse beaucoup les Polonais et que n'ont pas les Allemands : le missile de croisière, le Scalp naval, qui armerait les sous-marins Scorpène proposés à Varsovie par Naval Group à travers un partenariat stratégique. Par ailleurs, la Pologne peut également se lancer dans une coopération avec la Norvège sur le développement d'une nouvelle version (sous-marin) du missile mer-mer NSM (Naval Strike Missile, missile d'attaque navale). Développée par le groupe norvégien Kongsberg Defence & Aerospace (KDA), la nouvelle version n'en est qu'au stade des études. Or, la Pologne n'a pas le temps d'attendre face à la menace russe, a expliqué à Polityka Antoni Macierewicz.

Reste à savoir si la France accordera son feu vert à l'exportation du Scalp Naval à la Pologne. Il semblerait que oui, selon les déclaration du ministre de la défense polonais à l'agence de presse polonaise PAP : "La force de l'offre française est que les sous-marins seraient vendus avec des missiles de croisière dans le cadre d'une seule transaction". C'est peut-être là la chance de la France.

Et Airbus Helicopters ?

Varsovie, qui a annoncé en février dernier vouloir lancer un nouvel appel d'offres pour l'achat d'hélicoptères militaires, a invité les constructeurs américain Lockheed Martin, italien Leonardo et européen Airbus à y concourir. Depuis la Pologne a enfin avancé. Elle a officiellement lancé un appel d'offres pour huit hélicoptères pour les forces spéciales et devrait en lancer un second pour huit hélicoptères (4 + 4) pour sa Marine.

Les opérationnels souhaitent acquérir le Caracal mais la décision sera éminemment politique. D'autant que les forces armées polonaises ont besoin à termes de 120 hélicoptères de transport et de 150 hélicoptères d'attaque. Des opérations qui pourraient faire l'objet d'un accord de gouvernement à gouvernement, via un FMS (Foreign Military Sales) américain...